Entre le camp du chef de l’État Michel Aoun et celui du Premier ministre désigné Hassane Diab, les divergences ont éclaté au grand jour. Sont-elles insurmontables et sommes-nous face à une impasse véritable qui peut s’éterniser si aucune des deux parties ne décide de faire un pas en direction de l’autre ? Des sources qui suivent le dossier de la formation du gouvernement affirment que des solutions existent et que plusieurs parties déploient des efforts en ce sens. Mais, en attendant, un retour sur les causes de ces divergences s’impose.
Le mercredi 18 décembre, Baabda, Aïn el-Tiné et Haret Hreik étaient dans l’attente de la décision finale du Premier ministre démissionnaire à la veille du nouveau rendez-vous des consultations parlementaires obligatoires prévues le lendemain pour désigner un nouveau Premier ministre. Saad Hariri avait en effet demandé au chef de l’État de reporter le précédent rendez-vous qui était fixé à lundi le temps de faire quelques contacts avant de prendre une décision définitive. Vers 18h, le bureau de Saad Hariri a publié un communiqué dans lequel il a annoncé que ce dernier renonçait à se porter candidat. Aïn el-Tiné et Haret Hreik ont aussitôt flairé un piège, selon les sources précitées. Il est vrai que le Premier ministre démissionnaire avait appelé Nabih Berry pour lui communiquer sa décision et lui annoncer que son groupe parlementaire ne compte pas nommer une personnalité pour lui succéder au Sérail, mais le président de la Chambre et le Hezbollah avaient eu le sentiment que le fait de leur communiquer la décision moins de 24 heures avant le rendez-vous des consultations visait à paver la voie à la désignation de l’ambassadeur et juge Nawaf Salam, même avec un nombre réduit de voix, car il n’y a aucun minimum requis pour cela, selon la loi. Les deux formations chiites ont craint qu’on ne veuille ainsi leur laisser trop peu de temps pour trouver un autre candidat, ce qui amènerait Salam à la présidence du Conseil, même sans les voix des députés du Futur. Immédiatement, les contacts se sont intensifiés entre Baabda, Aïn el-Tiné et Haret Hreik pour essayer de trouver un candidat acceptable et suffisamment crédible pour former un gouvernement qui pourrait relever les défis en cette période délicate.
C’est alors que le président Michel Aoun a proposé la candidature de Hassane Diab. Ce dernier a alors été appelé pour vérifier s’il était intéressé, mais aussi pour savoir s’il était prêt à endurer les critiques qui ne manqueraient pas de pleuvoir et à résister aux pressions qui chercheraient à le pousser à renoncer à cette mission. Hassane Diab a répondu qu’il n’était pas une figure politique et qu’il n’avait pas d’ambitions en ce sens. Qu’il est simplement désireux d’aider son pays à se relever de cette crise sans précédent. Il s’est également dit reconnaissant envers ceux qui ont pensé à lui et décidé de lui faire confiance, selon ces sources. Hassane Diab fait rapidement bonne impression à tout le monde, y compris à ceux qui ne le connaissaient pas. De plus, son attitude à l’égard de Dar el-Fatwa est considérée comme sage. Contrairement à ce qui avait été dit dans certains médias, il ne sollicite pas un rendez-vous auprès du mufti pour ne pas rééditer le scénario de Samir el-Khatib, auquel le dignitaire avait déclaré que Saad Hariri est le candidat des sunnites. Il déclare donc qu’il attendra de former le gouvernement pour se rendre à Dar el-Fatwa, sachant que selon la loi, ce siège hautement symbolique est rattaché à la présidence du Conseil.
Jeudi 19 décembre, Hassane Diab est donc désigné pour former le nouveau gouvernement et il entreprend immédiatement des contacts dans ce but. L’universitaire a une idée précise du gouvernement qu’il souhaite présider et il parle publiquement d’une équipe d’experts. Il insiste aussi sur un cabinet de 18 ministres, sachant qu’il y a 24 portefeuilles ministériels et qu’il faudra donc donner à six ministres deux portefeuilles. Au départ, Diab laisse entendre qu’il souhaite choisir lui-même tous les membres de son cabinet, qui ne seraient pas des figures politiques ni partisanes. Mais face à la position ferme des deux formations chiites, il se rétracte et leur laisse le loisir de choisir les ministres chiites en demandant simplement qu’il ne s’agisse pas de figures connues pour leur appartenance partisane. Il s’incline aussi devant le choix d’une personnalité druze acceptée par les différentes parties représentant cette communauté et devant la volonté de lui donner deux portefeuilles (en principe, les Affaires sociales et les Déplacés). Il accepte enfin de laisser le parti Tachnag choisir le ministre arménien et le courant des Marada choisir son ministre qui devrait conserver le portefeuille des Travaux publics. En effet, à partir du moment où le président de la Chambre a insisté pour conserver le portefeuille des Finances et le Premier ministre celui de l’Intérieur, il est devenu clair qu’il y aurait peu de changements dans la distribution des différents ministères.
Quelle n’est donc la surprise du CPL et du camp du président quand ils comprennent que les seules exigences du Premier ministre désigné portent sur la part qui leur revient selon la distribution habituelle, affirment les sources proches du dossier. Le Premier ministre qui ne veut pas, en principe, d’anciens ministres dans son gouvernement propose des noms d’anciens ministres pour des portefeuilles importants, comme les Affaires étrangères et la Justice. Il propose aussi de donner à une même personne les portefeuilles de la Défense et de l’Économie alors que chacun d’eux exige un ministre à plein temps, poursuivent les sources. Selon certaines personnalités qui ont suivi les négociations, après avoir fait preuve au début d’une volonté de coopération, Hassane Diab aurait changé d’attitude, comme s’il se sentait en mesure d’imposer ses conditions aux différentes composantes politiques. Pourtant, selon ces mêmes personnalités, le Premier ministre désigné a besoin de ces composantes pour d’abord obtenir une confiance confortable au Parlement et ensuite pour pouvoir agir. D’autant que les Forces libanaises, la Rencontre démocratique et les Kataëb, entre autres, ont préféré rester en dehors du gouvernement pour le combattre. Autrement dit, avant même d’être formé, le gouvernement fait face à une campagne hostile. Or, au lieu de se doter d’une certaine immunité politique, le Premier ministre désigné ne chercherait, selon ses détracteurs, qu’à imposer sa vision, à un seul camp qui plus est, dans le souci de produire un effet positif auprès du mouvement de protestation, dans la forme au détriment du fond. Quoi qu’il en soit, depuis sa dernière rencontre avec le chef de l’État qui s’est terminée par un désaccord, Michel Aoun refusant d’entériner la formule que Hassane Diab lui a présentée, les contacts pour la formation du gouvernement ont pris une pause et le président de la Chambre en a profité pour lancer « sa bombe » en exprimant son souhait de voir naître un gouvernement « qui rassemble et regroupe les composantes du pays ».
Certaines parties ont vu dans la déclaration de Nabih Berry un appel du pied en direction du Premier ministre démissionnaire, mais dans d’autres milieux on précise que de nouveaux noms peuvent aussi émerger... Ce qui, selon les proches du Premier ministre désigné, n’est qu’une façon de faire pression sur lui, car il n’a aucune intention de renoncer à la mission qui lui a été confiée.
commentaires (8)
J’aimerais savoir quoi dans l’enfance du président l’a complexé vis-à-vis d’une communauté libanaise entière. Il ne sera jamais content avec aucun PM.
Michael
22 h 16, le 13 janvier 2020