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Société - Éclairage

Quand la crise économique libanaise pousse des réfugiés syriens à rentrer chez eux

La pression financière est devenue un facteur de départ, même si pour l’instant les retours restent limités.

Selon le HCR, 2 627 réfugiés syriens ont quitté le Liban en décembre. Des départs non organisés par la Sûreté générale seraient plus nombreux, mais n’ont pas pu être comptabilisés. Archives Reuters

En Syrie, ils n’ont plus rien. Le pays en guerre depuis 2011 n’est plus qu’un champ de ruines. Certaines régions sont encore en proie à d’intenses bombardements du régime et de son allié russe. La reconstruction semble pour l’heure chimérique et le pays traverse une crise économique inédite. Le maintien au pouvoir du régime de Bachar el-Assad expose nombre d’entre eux à des représailles à leur retour. Pourtant, malgré tout cela, ils sont désormais nombreux à envisager un retour anticipé dans leur pays. La crise économique qui frappe le Liban ne leur laisse pas vraiment le choix.

Samer* et Ahmad*, 25 ans, sont arrivés au Liban de Raqqa en 2016, après avoir fui le joug de l’État islamique. Ils ont abandonné leurs études en Syrie, se sont retrouvés à cumuler les petits boulots payés à la journée, 20 dollars, 30 tout au plus. Cela fait quelques semaines qu’ils sont de retour à Raqqa. La ville n’est plus ce qu’ils ont connue, leurs endroits favoris ont disparu mais, au moins, ils sont chez eux. Ils disent ne pas regretter d’être partis. Beaucoup de compatriotes pensent même les rejoindre. « La capacité de survie des Syriens au Liban est désormais affectée », constate Mireille Girard, représentante du HCR, l’agence des Nations unies pour les réfugiés au Liban. « Auparavant, les réfugiés syriens rentraient pour des raisons médicales ou pour retrouver leurs familles, alors qu’aujourd’hui les difficultés économiques sont mises en avant », poursuit-elle. Selon les témoignages recueillis, les départs et les projets de départ à cause de la situation économique libanaise seraient à la hausse, mais il est « trop tôt pour parler d’un retour massif des réfugiés syriens pour l’instant », soutient Ziad el-Sayegh, expert en politiques publiques et en matière de réfugiés. D’après le HCR, en décembre, il y a eu 2 627 départs enregistrés vers la Syrie, dans le cadre des départs organisés avec la Sûreté générale, sur la base de listes nominales approuvées par le régime syrien, soit le double des chiffres habituels, et le plus haut chiffre enregistré jusque-là par l’organisation mondiale. Cependant, les départs volontaires non organisés par les autorités et le HCR – comme celui de Samer et Ahmad – sont bien plus nombreux, selon l’organisation, et ne sont pas comptabilisés.



(Pour mémoire : « Ce qui s’est passé en Syrie risque de se produire au Liban », avertit Bassil)


Familles désœuvrées
Il y aurait entre 1,2 million et 1,3 million de réfugiés syriens au Liban, et plus de 75 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté (moins de 4 dollars par jour). La crise libanaise se répercute de manière indirecte sur les réfugiés syriens qui ont intégré le marché du travail. Certains ont perdu leur emploi, d’autres ont subi des coupes de salaires et tous sont affectés par la dépréciation de la livre libanaise. Dans ce cas, « ils doivent se contenter de l’aide du HCR ou envisager le retour », explique Ziad el-Sayegh. Les secteurs qui emploient traditionnellement les Syriens comme l’agriculture, la construction ou d’autres secteurs manuels se trouvent aujourd’hui à l’arrêt.

En octobre, Ahmad n’a tout simplement plus trouvé de travail, les employeurs qui le débauchaient d’habitude n’avaient plus de quoi le payer. Célibataire, il n’avait que très peu de frais, et partageait un appartement avec cinq autres compatriotes. « Imaginez la situation de familles avec des enfants ! Cette crise est partie pour durer, donc j’ai décidé de partir avant que cela ne soit insoutenable », confie-t-il. Pour repartir en Syrie, il a dû échanger ses livres libanaises contre des dollars au prix du marché parallèle, perdant ainsi une partie de ses maigres économies.

La crise du dollar touche également ceux qui dépendent des aides du HCR. Chaque année, entre 1,2 et 1,5 milliard de dollars sont alloués pour gérer la crise des réfugiés au Liban. Mais seuls 20 % des réfugiés, soit les plus vulnérables, reçoivent une aide de l’ONU. « Ceux qui reçoivent l’aide financière de l’organisation onusienne, voient cette aide diminuer depuis la crise financière. Avant la chute de la valeur de la livre, ils recevaient l’équivalent de 100 dollars par mois. Mais aujourd’hui, cet argent payé en livres ne représente plus que 70 dollars », affirme Abou Ibrahim, directeur de l’association syrienne Sawaed al-Kheir, active à Ersal, où vivent 10 000 familles syriennes, soit environ 80 000 personnes. Selon plusieurs humanitaires, les aides internationales ont été réduites, accélérant la détérioration des conditions de vie des réfugiés. « Beaucoup de petites associations ont mis la clé sous la porte, comme Sunbula qui se charge de l’éducation des enfants syriens dans la Békaa », confirme Muzna el-Zohori, une réfugiée syrienne, étudiante et militante humanitaire.


(Lire aussi : Comment la crise de liquidités au Liban affecte l’économie syrienne)


Bachar toujours au pouvoir
Malgré une situation précaire, et qui est vouée à empirer pour tout le monde, Libanais comme étrangers, de nombreuses familles ne peuvent pas retourner en Syrie pour différentes raisons. Lorsqu’ils ont toujours un emploi, les hommes restent au Liban, mais envoient femme et enfants au pays pour limiter les frais. Il devient de plus en plus difficile pour eux de payer leur permis de séjour, soit 400 000 LL par an et par personne. « Souvent, lorsqu’on leur demande s’ils ont l’intention de rentrer chez eux, ils disent que leurs dettes les retiennent au Liban. En moyenne, 93 % des réfugiés ont des dettes de 1 100 dollars », explique Mireille Girard.

Ravagée par des années de guerre, la Syrie ne parvient pas à se sortir la tête de l’eau. La crise de liquidités en dollars au Liban et les mesures restrictives bancaires se sont rapidement répercutées sur le marché syrien, le pays du Cèdre étant le seul moyen de faire entrer des dollars dans le pays en raison des sanctions internationales. « En Syrie, la situation n’est pas meilleure. La crise économique est encore plus sévère, et la roue économique quasi paralysée vu l’absence de solution politique au conflit syrien », rappelle Ziad el-Sayegh.

Le régime syrien étant toujours maître des lieux, beaucoup de réfugiés risquent en rentrant de se retrouver enrôlés dans l’armée syrienne ou d’être emprisonnés, voire tués. « Quoi qu’il se passe en ce moment au Liban, les réfugiés syriens ne rentreront pas en Syrie tant que Bachar el-Assad est au pouvoir », estime Abou Ibrahim. Abdallah, ancien concierge au Liban, a déboursé 8 300 dollars pour être exempté du service militaire à son retour en Syrie. Ceux qui sont originaires des zones du régime doivent s’acquitter de cette « taxe », ou avoir un dossier « vierge ». La police syrienne donne 15 jours de permis de circuler aux nouveaux entrants avant de se présenter devant les autorités et l’armée. Samer a pu s’en soustraire puisqu’il a rejoint Raqqa qui échappe au contrôle du régime. Ahmad a été détenu 15 jours sous prétexte qu’il aurait volé de l’argent en 2018, alors qu’il a quitté le territoire en 2016. « J’ai été relâché hier après avoir payé 850 dollars de frais d’avocat et de pots-de-vin », raconte-t-il.

« Leur seule option est pour l’instant d’être réinstallés dans un pays tiers, mais le HCR a interrompu la réinstallation, car l’Europe refuse de prendre davantage de réfugiés », poursuit Ziad el-Sayegh. Le HCR affirme toutefois ne pas avoir interrompu son programme de réinstallation. Mohammad, un carreleur originaire d’Alep, installé au Liban depuis les débuts de la guerre, pense lui aussi s’en aller à cause de la pression économique. « Mais pas en Syrie, dit-il, peut-être à Dubaï, quelqu’un m’a promis de m’aider là-bas. »

*Les prénoms ont été changés.

En Syrie, ils n’ont plus rien. Le pays en guerre depuis 2011 n’est plus qu’un champ de ruines. Certaines régions sont encore en proie à d’intenses bombardements du régime et de son allié russe. La reconstruction semble pour l’heure chimérique et le pays traverse une crise économique inédite. Le maintien au pouvoir du régime de Bachar el-Assad expose nombre d’entre eux à des...
commentaires (3)

Et si une partie de la solution émanait de ces réfugiés..Quand on sait qu'ils consomment 550 MW d'électricité et en principe seuls 50% paient leurs factures, soit une perte de 425 millions de dollars...En dépit du fait que l'aide qui leur est attribuée par le HCR a considérablement baissé, de 100$ par mois elle est passée à 70$...beaucoup ont intégré le marché local du travail.. moyennant un salaire de 20$ journalier, on pourrait penser à priori que cet argent n'alimente pas l'économie locale ..Abdallah, ancien concierge au Liban, qui débourse 8300 dollars pour être exempté du service militaire à son retour en Syrie,n'est ce pas là une piste à approfondir, pour nos jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail...l'on ne se souvient pas d'une telle solidarité de la part de nos voisins "frères" lors des événements tragiques que l'on a connu dans un passé récent et afin d’accroître cette solidarité, beaucoup de Libanais seraient ravis de leur offrir un aller simple vers une destination, par eux, choisie.

C…

10 h 57, le 10 janvier 2020

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Commentaires (3)

  • Et si une partie de la solution émanait de ces réfugiés..Quand on sait qu'ils consomment 550 MW d'électricité et en principe seuls 50% paient leurs factures, soit une perte de 425 millions de dollars...En dépit du fait que l'aide qui leur est attribuée par le HCR a considérablement baissé, de 100$ par mois elle est passée à 70$...beaucoup ont intégré le marché local du travail.. moyennant un salaire de 20$ journalier, on pourrait penser à priori que cet argent n'alimente pas l'économie locale ..Abdallah, ancien concierge au Liban, qui débourse 8300 dollars pour être exempté du service militaire à son retour en Syrie,n'est ce pas là une piste à approfondir, pour nos jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail...l'on ne se souvient pas d'une telle solidarité de la part de nos voisins "frères" lors des événements tragiques que l'on a connu dans un passé récent et afin d’accroître cette solidarité, beaucoup de Libanais seraient ravis de leur offrir un aller simple vers une destination, par eux, choisie.

    C…

    10 h 57, le 10 janvier 2020

  • S,ILS POUVAIENT TOUS RENTRER QUELLE AUBAINE POUR LE LIBAN.

    LA LIBRE EXPRESSION. LA PATRIE EST EN DANGER.

    08 h 49, le 10 janvier 2020

  • A QUELQUE CHOSE MALHEUR EST BON ! LA SYRIE N'EST PAS TROP MAUVAISE POUR LES SYRIENS QUAND MÊME ! ILS SE SENTENT CHEZ EUX AU MOINS LA-BAS , PAS CHEZ NOUS !

    Chucri Abboud

    00 h 30, le 10 janvier 2020

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