Les contestataires libanais, qui sont mobilisés depuis le 17 octobre contre la classe dirigeante, étaient à nouveau à cran mardi à Beyrouth et en province au lendemain d'une nouvelle escalade de leur mouvement de protestation, alors que la crise politique et économique s'enlise.
Ainsi à Beyrouth, plusieurs activistes se sont rassemblés devant le palais de Justice pour réclamer que la justice se mettre en branle pour recouvrer les fonds volés, l'une des principales revendications des contestataires depuis le début de leur mouvement. Ce sit-in se déroule alors que le procureur financier Ali Ibrahim entend l'avocat Jihad Zebiane, qui a présenté il y a trois semaines une note d'information concernant des aides financières de la France à destination de cinq ministères s'élevant à six milliards de dollars et dont l'utilisation reste floue.
Par ailleurs, des contestataires se sont rassemblés devant le bureau de lutte contre la cybercriminalité, situé au niveau du boulevard Camille Chamoun, pour exprimer leur solidarité avec la journaliste et activiste Nidal Ayoub qui y était interrogée après une plainte déposée contre elle par l'avocat Hussein Mortada pour atteinte au sacré après un message posté sur Facebook. Mme Ayoub est sortie libre de son interrogatoire.
Photo tirée de la page Facebook d'Akhbar el Seha
Dans la Békaa, des protestataires ont déployé un grand drapeau libanais devant l'entrée du sérail de Zahlé. La route qui était coupée à Taalabaya et Saadnayel, dans le caza de Zahlé, localités majoritairement sunnites, a été rouverte en fin de matinée. Dans la matinée, l'autoroute avait été très brièvement fermée à hauteur de Jounieh, dans le Kesrouan, près du pont Soldini.
Ces coupures de route étaient courantes au début du mouvement, de nombreux grands axes étant restés fermés pendant parfois des jours entiers. Mais face à l'opposition autant de certains citoyens que des responsables politiques, et alors que certains sit-in dégénéraient parfois en affrontements avec les forces de l'ordre, les protestataires avaient eu moins régulièrement recours à cette stratégie au cours des dernières semaines.
Sur un autre plan, plusieurs protestataires se sont rassemblés devant le siège de la branche d’Électricité du Liban (EDL) à Saïda, au Liban-Sud, pour protester contre les coupures d'électricité dans la localité depuis près d'une semaine. Selon l'Agence nationale d'information, les techniciens d'EDL sont mobilisés pour réparer un câble important endommagé par la tempête il y a plusieurs jours. Des rassemblements similaires avaient eu lieu samedi et dimanche. Depuis 82 jours, les protestataires libanais réclament des comptes à tous les responsables politiques et aux administrations, jugés corrompus, et EDL est considérée par ces manifestants comme l'un des symboles de la corruption dans le pays.
Toujours à Saïda, des professeurs de la faculté de droit de l'Université libanaise (UL) se sont rassemblés devant l'enceinte de l'UL en solidarité avec Issam Khalifé, après l'appel présenté par le président de l’Université libanaise , Fouad Ayoub, visant à contrer la décision du juge d’instruction de Beyrouth de débouter M. Ayoub dans l’affaire qui oppose ce dernier à l'ancien professeur de l’UL à la retraite.
Photo Ani
M. Khalifé faisait l’objet dernièrement d’une plainte en diffamation intentée contre lui par M. Ayoub, suite à des critiques formulées à l’égard de la personne du recteur, notamment en ce qui concerne sa gestion de l'UL et la validité de son diplôme universitaire.
A Nabatiyé, un sit-in en faveur de l'indépendance de la justice a été organisé devant le Palais de justice de la ville.
Photo Ani
Depuis plus de deux mois, les manifestants libanais appellent à la chute de tous les responsables, accusés de corruption et d'incompétence, alors que le pays traverse une grave crise économique et de liquidités. Sous la pression de la rue, le gouvernement de Saad Hariri avait démissionné le 29 octobre. Le 19 décembre, à l'issue de consultations parlementaires, le président Michel Aoun a désigné l'ex-ministre Hassane Diab, appuyé par les partis du 8 Mars, au poste de Premier ministre. Ce dernier a promis la formation d'un gouvernement de technocrates indépendants, comme le réclament les manifestants. Ces derniers rejettent toutefois la nomination de M. Diab qu'ils estiment issu de la même classe politique corrompue dont ils réclament le départ. Ils ont tenu hier un nouveau sit-in devant le domicile du Premier ministre désigné, qu'ils ont copieusement hué. Selon plusieurs responsables et observateurs, la naissance du gouvernement Diab pourrait intervenir dans les prochains jours.
Lire aussi
Samedi à l’aube, les forces de l’ordre ont saccagé une tente « qui ne répondait pas aux normes »
Des manifestants conspuent Diab devant son domicile
Liban : L’année des effondrements, mais aussi une année fondatrice
Les actions contre les banques prennent un tour de plus en plus violent
ET LA CONTESTATION CONTINUE...
13 h 05, le 07 janvier 2020