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Liban - Crise

Hariri pourrait avoir sonné le glas du compromis présidentiel

Le chef du gouvernement sortant a tenu à la veille de Noël ses propos les plus durs à l’égard du chef de l’État, et surtout de Gebran Bassil, l’accusant de vouloir gouverner le pays à sa guise et annonçant qu’il n’accorderait pas la confiance au gouvernement Diab.


Le jour où Saad Hariri a remis sa démission à Michel Aoun, le 29 octobre dernier. Photo Dalati et Nohra/Archives

Maintenant qu’il a décidé de ne plus revenir au pouvoir, le Premier ministre sortant Saad Hariri est sorti de sa réserve et s’est déchaîné contre le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, l’accusant de vouloir « gouverner le pays » et de former le cabinet de Hassane Diab après avoir nommé ce dernier.

M. Hariri a tenu ces propos lors d’une conversation à bâtons rompus mardi avec un groupe restreint de journalistes, dont L’Orient-Le Jour, un exercice auquel il ne s’était plus livré depuis longtemps. Et le chef du courant du Futur a tracé les grandes lignes de sa politique à venir, remettant en cause le compromis présidentiel, critiquant les Forces libanaises et soulignant sa volonté de ménager le tandem chiite « pour éviter toute sédition entre sunnites et chiites ».

Compte-t-il pour autant passer dans l’opposition ? M. Hariri a indiqué qu’il annoncera sa décision après les fêtes de fin d’année, au cours desquelles il va passer quelques jours à Paris pour voir sa famille.

Concernant son successeur, le Premier ministre sortant a annoncé qu’il avait pris sa décision : « Nous ne participerons pas au gouvernement Diab », même sous la forme d’experts qui seraient proches du courant du Futur, « et nous ne voterons pas la confiance », a-t-il dit. « Quelle différence que son cabinet obtienne 70 ou 90 voix ? ». Il a indiqué avoir rencontré Hassane Diab il y a deux ou trois semaines, dans le cadre des concertations sur le choix des ministres qui pourraient faire partie d’un cabinet d’experts, mais assuré n’avoir pas été informé à l’avance de sa nomination.

Pour lui, le gouvernement de Hassane Diab « est le gouvernement de Gebran Bassil ». Et le Premier ministre sortant n’a pas mâché ses mots à l’égard du chef du CPL, qui a choisi selon lui le nouveau Premier ministre. « Gebran Bassil veut gouverner le pays », a-t-il dit, critiquant sans les nommer « ceux qui adoptent un langage confessionnel, sectaire et raciste ». « Comment est-il possible de travailler avec quelqu’un qui vous insulte tout le temps ? » s’est-il demandé, assurant qu’il était hors de question qu’il revienne au pouvoir pour le moment, même en cas d’échec de M. Diab à former un gouvernement, sauf si M. Bassil et le chef de l’État Michel Aoun « font preuve de modération ».

Il a estimé dans ce cadre que l’équipe du chef de l’État « considère la Constitution comme une question d’opinion », et non pas un texte à respecter à la lettre.


(Lire aussi : Mission de plus en plus difficile pour Hassane Diab)


Le président Aoun n’a pas tardé à répondre mercredi, démentant que ce soit Gebran Bassil qui œuvre à la formation du futur cabinet, tout en soulignant que son gendre avait son mot à dire en tant que « chef du plus grand groupe parlementaire ».

S’il critique le choix de Hassane Diab, pourquoi Saad Hariri n’a-t-il pas nommé Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban à l’ONU et juge à la Cour internationale de justice, lors des consultations parlementaires jeudi dernier ? « Je suis le premier à avoir évoqué le nom de Nawaf Salam pour me succéder après ma démission », a-t-il assuré, critiquant « ceux qui surfent à présent sur cette vague comme ils surfent sur la vague de la révolution ». « Mais je n’aurais pas accepté que Nawaf Salam soit désigné sans aucune voix chiite, et connaissant Nawaf, lui-même ne l’aurait jamais accepté », a ajouté le Premier ministre sortant, soulignant qu’il faut à tout prix préserver la mosaïque confessionnelle du pays. Quant au chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, « il m’a informé à la veille des consultations qu’il allait nommer Nawaf Salam, mais je ne lui ai en aucun cas dit que j’allais faire de même », a-t-il ajouté. Interrogé au sujet des Forces libanaises, il estime que leur décision de ne pas le désigner lors des consultations a fait pencher la balance et l’a convaincu de se retirer de la course.


(Lire aussi : Le cabinet Diab bute déjà sur les premiers obstacles)


Nouvelles alliances ?
Le Premier ministre sortant, qui a travaillé pourtant main dans la main avec le chef du CPL depuis l’élection de Michel Aoun en 2016, n’a pas caché son amertume en faisant le bilan du compromis présidentiel, remettant ainsi sérieusement en question cet accord qui repose sur une double équation : Aoun à la présidence de la République et Hariri à la présidence du Conseil.

Il a tenu à rappeler qu’il avait œuvré, avant l’accession de Michel Aoun à la présidence, pour favoriser l’élection de Sleiman Frangié, et ce « afin de mettre fin à la vacance de pouvoir ». « Mais d’autres ont posé la candidature de Michel Aoun », a-t-il dit, dans une référence aux Forces libanaises, et maintenant ils me font assumer la responsabilité de ce compromis dont ils faisaient partie et dont ils ont profité ».

Interrogée par L’OLJ, une source des Forces libanaises reconnaît que « nous sommes entrés dans une nouvelle étape après le 17 octobre, les cartes ont été redistribuées et les alliances ont changé ». « Le compromis présidentiel est dépassé », ajoute cette source, rappelant que cette entente reposait également sur l’accord de Meerab entre le CPL et les FL, et qui avait ouvert la voie à l’élection du général Aoun et qui « aujourd’hui n’existe plus ».

La source souligne que les FL maintiennent avec Saad Hariri des points communs sur les questions stratégiques, mais que les deux parties divergent sur certaines questions, comme la façon de diriger les affaires de l’État.

Soulignant que la position du Parti socialiste progressiste à l’égard du pouvoir a également changé, la source souligne que le président Aoun a par conséquent « perdu trois forces principales : le courant du Futur, les FL et le PSP », et se demande s’il sera aujourd’hui en mesure de former un gouvernement qui pourra faire sortir le pays de la crise.

Du côté du PSP, on accueille favorablement les propos de M. Hariri et on estime également que « le compromis présidentiel est terminé ». Une source du PSP interrogée par L’OLJ se borne à indiquer que le parti ne prendra pas part au nouveau gouvernement, mais ne veut pas encore se prononcer sur la nouvelle carte des alliances politiques. Mais le tweet récent de Sleiman Frangié pourrait être interprété en ce sens : le chef des Marada a ainsi estimé que « la cuisine du nouveau gouvernement montre jusqu’à présent que c’est un cabinet en apparence indépendant, mais effectivement lié à Bassil », se positionnant comme M. Hariri.



Éteindre les incendies
Le Premier ministre sortant est revenu sur sa position depuis l’éclatement du soulèvement populaire le 17 octobre. « J’avais l’intention de démissionner dès mon premier discours, le 18 octobre, mais j’ai voulu d’abord constituer un filet de sécurité pour le pays », a-t-il expliqué. Et il assure avoir informé tout le monde de sa décision de démissionner, en réponse au palais de Baabda et au Hezbollah qui ont affirmé avoir été pris de court par sa décision, annoncée le 29 octobre.

Il a révélé que pendant les jours précédant sa démission, le palais présidentiel a tenté quotidiennement de convoquer le Conseil supérieur de défense pour prendre la décision de réprimer par la force le soulèvement populaire, mais qu’il s’y est opposé.

Au final, Saad Hariri a affirmé qu’il a tout fait « pour éteindre les incendies allumés par d’autres », et pour « empêcher une sédition entre chiites et sunnites ». Il a assuré au passage que le tandem chiite – Amal et le Hezbollah – voulait également éviter à tout prix un conflit entre sunnites et chiites, et rend un hommage spécial au chef du législatif Nabih Berry pour sa volonté de préserver la paix civile.

En un mot, a dit Saad Hariri, « j’ai payé le prix de ma politique modérée qui n’avait qu’un seul but : préserver la stabilité du pays », tout en avertissant que l’effondrement est proche et que le Liban peut tenir « tout au plus trois mois » économiquement.


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commentaires (14)

Boss vous êtes dur avec Hariri. Il ne peut pas faire du business efficacement et être premier ministre à plein temps, sauf s'il tape dans la caisse... Puis, il n'aurait pas hérité des sociétés les plus rentables de l'empire de son père. Mais des sociétés liées au financements politiques et donc très dépendantes des "subventions" Saoudiennes par des projets juteux dans ce "royaume"... Le robinet Saoudiens à été fermé! En effet, il n'a pas de bonnes relations avec MBS pour des raisons diverses notamment à cause de la politique d'Hariri au Liban, mais probablement en rapport aussi avec des guerres d'influences dans la famille royale saoudienne. Hariri ne bénéficie pas de bonnes conjonctures. Il fait ce qu'il peut tout en préservant la paix au Liban. Le Cpl semble jouer avec le feu en cherchant à briser Hariri. Le risque est de mettre les sunnites libanais dans les bras des salafistes...

Alexandre Husson

13 h 21, le 28 décembre 2019

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Commentaires (14)

  • Boss vous êtes dur avec Hariri. Il ne peut pas faire du business efficacement et être premier ministre à plein temps, sauf s'il tape dans la caisse... Puis, il n'aurait pas hérité des sociétés les plus rentables de l'empire de son père. Mais des sociétés liées au financements politiques et donc très dépendantes des "subventions" Saoudiennes par des projets juteux dans ce "royaume"... Le robinet Saoudiens à été fermé! En effet, il n'a pas de bonnes relations avec MBS pour des raisons diverses notamment à cause de la politique d'Hariri au Liban, mais probablement en rapport aussi avec des guerres d'influences dans la famille royale saoudienne. Hariri ne bénéficie pas de bonnes conjonctures. Il fait ce qu'il peut tout en préservant la paix au Liban. Le Cpl semble jouer avec le feu en cherchant à briser Hariri. Le risque est de mettre les sunnites libanais dans les bras des salafistes...

    Alexandre Husson

    13 h 21, le 28 décembre 2019

  • En 15 ans d'existence politique qu'est ce que Saad a fait de bon ? Je parle des réussites de Saad et pas de feu Rafic. Rien , que des faillites des fermetures de société sans payement de droits etc...

    FRIK-A-FRAK

    17 h 47, le 27 décembre 2019

  • Le problème du hezbollah (et du Liban) est son de allégeance à l'Iran. Hariri s'est émancipé des Saoudiens pour éviter une guerre sunnito-chiite au Liban... Le Hezbollah est-il capable de s'émanciper de son côté ?!

    Alexandre Husson

    16 h 18, le 27 décembre 2019

  • Hariri doit se délaisser de tous les parasites qui l’entourent et forger une alliance de fer avec le Hezbollah.

    Chady

    14 h 27, le 27 décembre 2019

  • Le tonneau Persé prend l’eau de toute part. Iran, Yemen, Irak, Liban, partout ou notre vaillante résistance ou ses maîtres ont tenté de s’imposer, ça fini en capilotade. Jouer les parangons de la vertu est tellement risible pour ceux qui ont vécu de trafics de drogue, de vol des recettes des douanes au Liban, de blanchiment d’argent, sans compter la répression dans tous les lieux où ils ont le malheur d’imposer leur loi. Mais, suis-je bête? C’est un complot americano-sioniste-bensaoudiste et salafisto-capitaliste bien sûr!

    Bachir Karim

    13 h 40, le 27 décembre 2019

  • Hariri est un homme d'état, pragmatique, honnête et juste. Il a joué le jeux du compromis présidentiel. Il a perdu ses appuis Saoudiens pour sauver ce compromis et éviter une guerre civile. Il a réussi à éviter que le Liban sombre comme la Syrie... Seuls les Français ont soutenus Hariri dans sa politique modérée. La logique et le fonctionnement d'Hariri n'est pas compatible avec la classe politique libanaise: Le cpl, hezbollah et amal sont toujours dans une logique partisane, revencharde et milicienne de la guerre civile. Les FL ont réalisé un vrai examen de conscience et adopté une politique juste et honnête, presque messianique. Le PSP est fidèle à lui même, un fonctionnement de minorité qui a peur de disparaître. Le mouvement du futur est infiltré par des opportunisto-affairistes. Le passage dans l'opposition d'Hariri va peut être lui permettre de faire le ménage chez lui, et essayer de construire une alliance politique sur un projet stratégique d'un état en cohérence avec les aspirations de la révolte...

    Alexandre Husson

    13 h 28, le 27 décembre 2019

  • Quand tout le monde l'avait lâché, c'est Aoun et Bassil qui ont mobilisé le monde diplomatique pour exfiltrer Saad de chez ses amis/compatriotes geoliers. La reconnaissance de cet homme n'a décidément pas de limite... c'est lui qui a démissionné, c'est lui qui s'est fait courtiser pour être reconduit par tout ses "adversaires politiques" et c'est lui qui s'est récusé. Ensuite, il accuse tout le monde de faire un gouvernement sans lui... mais quelle indécence!

    Bou Abdou Steeve

    12 h 09, le 27 décembre 2019

  • Tout ce que Hariri dit raisonne chez les libanais et il ne fait que confirmer leurs soupçons de non respect de la constitution qui pour tous les Aounistes et leurs alliés n'est qu'une option à adopter ou pas selon les circonstances, alors que c'est le fondement de toute nation digne de ce nom. Le fait qu'il dévoile le fonctionnement de cet état bananier maintenant prouve que le Bassil, fort de son lien familial s'est vu poussé des ailes jusqu'à survoler tous les principes de l'état et instaurer d'autres lois externes que lui et sa clique iranienne veulent appliquer dans notre république fondée sur cette constitution désormais inexistante. De facto ils ont enfreint la loi républicaine et sont considérés comme inaptes à tenir les rênes du pays. Qu'attend on -nous pour les traduire en justice devant les tribunaux capables de déceler le vrai du faux et en finir avec ce chaos qui empêche notre pays d'avancer, bloqué par une mafia qui œuvre à sa destruction en toute impunité.

    Sissi zayyat

    11 h 50, le 27 décembre 2019

  • C'est curieux le courage en politique. Quand Hariri était au pouvoir, les agissements hégémonistes de Bassil faisait parti du quotidien mais on ne jugeait pas bon (pour rester en place)de le dénoncer. Mais aujourd'hui, que notre ancien premier ministre se retrouve sur la touche, il a retrouvé son franc parlé et son courage. Le courage est une constante et non une arme utilisée quand le vent tourne et change de camps.

    Citoyen

    11 h 19, le 27 décembre 2019

  • Saad Hariri lance une accusation grave envers le palais présidentiel en affirmant que ce dernier a tenté de convoquer plusieurs fois le conseil de défense pour décider de réprimer par la force le soulèvement populaire. Une mise au point de Baabda s’impose sinon ce n’est plus une accusation mais une réalité

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 43, le 27 décembre 2019

  • Quelle tambouille! Le Liban mérite mieux que cela...

    otayek rene

    10 h 01, le 27 décembre 2019

  • Que ceux qui ont un bilan identique à la famille Hariri lèvent le doigt! Allah yirhamak y’a Rafic pendant que tu re construisais Beyrouth de quoi ne t on pas taxé,vilipendé et accusé et le résultat est pourtant là car on ne peut faire des omelettes sans casser des œufs et tu as essayé d’effacer les stigmates d’une guerre profonde qui aurait continué à traumatiser les Libanais. Seul son fils consent les sacrifices que son père aurait voulu qu’ils fassent pour le Liban et personne ne relève tellement chacun s’accroche à sa confession et pourtant à son arrivée au Liban Rafic Hariri à en premier lieu restauré des dizaines d’églises et fait étudier gratuitement des centaines de Chrétiens de Chiites de Druzes bref des Libanais et son héros n’était autre que le vénérable Moussa Sadr qui a été enlevé par les mêmes personnes que ceux qui ont commis cet horrible attentât qui a rendu le Liban orphelin car le Liban est maintenant livré à lui même !

    PROFIL BAS

    08 h 56, le 27 décembre 2019

  • En tout cas, s’il y a une chose qui unit TOUS nos politiciens, c’est la notion du "c’est pas nous, c’est les autres"...

    Gros Gnon

    07 h 56, le 27 décembre 2019

  • Saad commence à jouer avec le feu, il va se prendre une claque magistrale et ne s'en remettra plus jamais .

    FRIK-A-FRAK

    02 h 11, le 27 décembre 2019

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