Le président syrien Bachar el-Assad a estimé, lors d'une interview polémique accordée à la télévision publique italienne Rai, que les Libanais doivent faire preuve de vigilance afin qu'aucune partie étrangère "ne manipule" le mouvement de contestation au Liban.
Interrogé sur la situation au Liban par une journaliste de la chaîne italienne "Rai News 24", le président syrien a commencé par souligner que tout événement sur le territoire libanais a toujours un impact sur la Syrie, "son voisin direct". "Si le mouvement de contestation est spontané et vise à obtenir des réformes et se débarrasser du système politique confessionnel, c'est une bonne chose pour le Liban", a-t-il souligné. Et d'appeler les Libanais à "être conscients" de ce qui se passe. "Ils ne doivent permettre à aucune partie extérieure de manipuler le mouvement et les manifestations", a ajouté M. Assad.
Mi-novembre, dans un entretien accordé à la chaîne russe Russia Today et l'agence Rossiya Segodnya, le président Assad avait souligné que les manifestations au Liban, en Irak, ou encore en Jordanie ne ressemblaient pas "au début des événements en Syrie", en 2011. "Ce qui s'est passé en Syrie, c'est qu'au début, des sommes d'argent ont été payées à des groupes de personnes pour qu'elles manifestent, et une partie infime de ces gens a participé à ces manifestations en ayant comme objectif d'apporter un certain changement à la situation générale", avait affirmé Bachar el-Assad. "Les coups de feu et les meurtres ont commencé dès les premiers jours des manifestations (en Syrie), ce qui veut dire qu'elles n'étaient pas spontanées, car l'argent et les armes étaient préparés, c'est pourquoi on ne peut pas comparer ce qui s'est passé en Syrie à ce qui se passe dans les autres Etats", avait ajouté le chef de l'Etat syrien.(Lire aussi : Assad : Les manifestations au Liban et en Irak "ne ressemblent pas à ce qui s'est passé en Syrie")
Les accusations d'ingérences et de financement des manifestations pas des parties externes fait partie de la rhétorique de certaines formations au pouvoir au Liban, comme le Courant patriotique libre (fondé par le chef de l'Etat, Michel Aoun) et le Hezbollah, pour critiquer le mouvement de contestation. Lors d'un discours télévisé, fin octobre, le secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, avait affirmé que le mouvement de contestation "n'est plus aujourd'hui un mouvement populaire spontané". "Il a commencé par l'être, mais il ne l'est plus, avait-il souligné. Ce mouvement est aujourd'hui mené par des partis et des forces politiques ainsi que des personnalités et entreprises spécifiques". Le Hezbollah est impliqué dans le conflit syrien aux côtés des forces du régime Assad.
Les manifestations au Liban ont commencé le 17 octobre. Depuis, quasiment quotidiennement, les Libanais dénoncent la classe dirigeante, accusée de corruption et d'incompétence.
(Pour mémoire : « On espère tous que le Liban ne subira pas le même sort que la Syrie »)
Interview polémique
L'interview menée par l'ancienne journaliste italienne Monica Maggioni, actuellement directrice de Rai Com, filiale de la Rai qui s'occupe de la rediffusion des chaînes de la maison-mère dans le monde entier, n'a pas été retransmise en Italie, mais a été diffusée en Syrie lundi soir.
Mme Maggioni, qui avait déjà interviewé par le passé le président syrien, a réussi grâce à ses contacts dans son entourage à réaliser le 26 novembre à Damas cet entretien exclusif. L'idée de départ de la Rai était de transmettre cet entretien sur la chaîne d'information en continu, Rai News 24, mais les syndicats de la Rai s'y sont opposés. Ils ont dénoncé l'idée de diffuser une interview réalisée par quelqu'un d'externe à la rédaction et exerçant en outre une fonction de direction, et non plus de journaliste, alors que la Rai en compte plus de 1.700, relate le quotidien bien informé, Il Fatto Quotidiano.
Le service de presse du régime syrien a estimé lundi que l'annulation de la diffusion de l'interview du président Assad était "un exemple supplémentaire des tentatives occidentales de cacher la vérité sur la situation en Syrie", selon La Repubblica.
Lire aussi
En Syrie, « les gens n’arrivent plus à joindre les deux bouts »
Comment la crise de liquidités au Liban affecte l’économie syrienne
Le président d'un pays qui a occupé militairement le Liban durant près de trente ans est bien placé pour parler d'ingérences étrangères!
07 h 34, le 11 décembre 2019