Dimanche 8 décembre : alors même que les regards sont rivés sur le sort réservé aux concertations parlementaires prévues le lendemain (et finalement repoussées) pour la désignation d’un Premier ministre, le Comité de coordination de la Thaoura (révolution) tient une conférence de presse dans un hôtel du quartier Badaro pour revenir sur les fondamentaux de la révolte, comme l’exigence d’un gouvernement neutre et des élections législatives anticipées. Cette initiative est aussitôt la cible d’attaques très nombreuses sur les réseaux sociaux, de la part de militants qui s’insurgent contre le fait que ce groupe prétend les représenter et parler en leur nom.
De fait, la conférence de presse est la première à se tenir depuis le début de la révolte populaire, la plupart des groupes militants préférant la discrétion. Qu’en disent les principaux concernés ? Le général à la retraite Khalil Hélou qui fait partie du groupe des anciens militaires, l’une des principales formations de ce comité, explique que « ce nom a été donné à ce groupe pour montrer que sa fonction première est la coordination et qu’il n’a pas de vocation exécutive ». Il précise que ce comité rassemble quelque 75 organisations diverses et partis, et « n’a pas de président, de vice-président ou de secrétaire ». « Nous ne prétendons représenter personne et cela est clair dans notre communiqué, souligne-t-il. Il y a beaucoup plus de groupes qui sont à l’extérieur qu’à l’intérieur de ce comité. »
Une source du parti Sabaa, qui a requis l’anonymat, confirme que ce comité (dont il fait partie) a pour principale vocation la coordination, qu’il n’est pas une entité politique quelconque et qu’il est formé de groupes très différents.
« Nous étions contre cette conférence de presse et n’y avons pas participé, parce que nous craignions qu’elle provoque des frictions, affirme cette source. Mais nous déplorons la campagne menée contre le comité, parce que ce groupe est très large et aurait pu rassembler tout le monde, dans un simple but de coordination. »
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Conflit intergénérationnel
Pour le général Hélou, « cette conférence de presse était une exigence de certains membres qui pensent que le comité a trop peu de visibilité médiatique ». « Le tollé contre cette conférence de presse est surtout venu de jeunes militants qui refusent qu’on les accapare, dans une sorte de conflit intergénérationnel, poursuit-il. Mais beaucoup d’accusations infondées ont été lancées contre nous pour nous discréditer. Au mouvement des anciens militaires, nous sommes forts de notre histoire. »
Si certains des autres groupes que L’OLJ a tenté d’interroger ont refusé de commenter cette affaire, Nizar Hassan, un militant au sein du groupe « Li Hakki », livre sa vision personnelle de cette conférence de presse. « Depuis le premier jour de la révolte, les différents groupes et individus qui y participent sont d’accord pour rejeter tout leadership, explique-t-il. Voilà pourquoi beaucoup de personnes, davantage que de grandes formations, se sont insurgées contre le comité sur les réseaux sociaux. Elles estiment que ce groupe, qui se fait appeler Comité de coordination de la Thaoura, un nom qu’ils estiment provocateur, ne les représente pas ni n’a coordonné avec eux. »
Le militant pense que les différentes composantes de ce comité sont assez détachées du terrain et n’ont pas de liens directs avec la base des protestataires qu’ils ne peuvent prétendre représenter. « Il faut reconnaître que personne ne représente personne, dit-il. À mon avis, toute conférence de presse dans de telles circonstances aurait été un faux pas. »
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Une militante dans la tourmente
De telles dissensions affaiblissent-elles le mouvement de protestation ? Le général Hélou pense que oui. « Il ne faut pas se tromper d’adversaire ; il est difficile de ne pas voir combien on fait du tort à cette intifada en se critiquant mutuellement », estime-t-il.
Pour Nizar Hassan, « de telles dissensions ne sont pas graves, puisque le temps va en tout cas filtrer les militants ». Au cours de la conférence de presse, le communiqué a été lu par plusieurs militants dont Carla Allam, qui fait partie d’un groupe d’anciens du Courant patriotique libre. Aussitôt, des photos d’elles avec le président du CPL, Gebran Bassil, et un député CPL, Alain Aoun, datant de 2015, ont circulé sur les réseaux sociaux, avec des commentaires mettant en doute l’authenticité de sa participation à la révolte. L’intéressée a publié une vidéo dans laquelle elle explique qu’elle faisait partie du CPL mais n’a pas renouvelé son engagement par manque de conviction dans la prestation de ce parti.
« Ces attaques dont j’ai fait les frais ne sont pas innocentes, elles proviennent probablement des partis que cette révolte a mis à nu, dit Carla Allam à L’OLJ. Sinon pourquoi les commentaires se sont-ils concentrés sur moi et non sur le contenu de notre communiqué ? Je suis fière de mon parcours parce que je considère que je reste fidèle à moi-même. Et j’estime aujourd’hui que ce dont j’ai toujours rêvé pourra se réaliser à travers la révolte. »
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yaani, si au moins Mme Alam avait fait mine d'apparaitre en public , de critiquer le cpl AVANT cette date ....... mais surgir comme ca subitement et parler au nom de cet "organisme" bien particulier a la revolution ? Hmm ! ya de quoi faire reflechir qd meme
17 h 56, le 11 décembre 2019