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« Tout va très bien... »

L’irresponsabilité criminelle dans la (non-)gouvernance et la (non-)gestion des affaires publiques, cela existe… dans les pays les plus douteux. Le Liban a constitué à cet égard un cas d’école des plus surréalistes. Et il s’ingénue à repousser encore et toujours plus loin les limites dépassant tout entendement.

Le pays est ébranlé dans ses fondements comme il ne l’a jamais été dans son histoire contemporaine ; il vit une situation insurrectionnelle, de son extrême nord à son extrême sud, en passant par la capitale et ses banlieues ; son économie est paralysée ; sa population est aux abois ; son système bancaire n’a jamais été aussi menacé ; ses entreprises privées fonctionnent au ralenti, pour ne pas dire pas du tout… Mais peu importe, nos dirigeants et certains de nos hauts responsables politiques prennent « le temps de prendre leur temps ».

Le pire, c’est que ce sont ceux-là même qui se sont rendus coupables, chacun à sa façon, de cette irresponsabilité criminelle qui poursuivent leur entreprise de sape. Ce sont ces mêmes parties (au nombre de quatre) qui ont, par leur attitude assassine, précipité le pays dans l’abîme et qui persistent à estimer qu’il n’y a pas urgence, qu’ils peuvent poursuivre sans crier gare leurs traditionnelles manœuvres politiciennes stériles.

Le blocage est aujourd’hui provoqué par ces mêmes quatre parties dont l’une considère le Liban comme une simple tête de pont au service d’une puissance régionale hégémonique, alors que les trois autres ont pendant de longues années perçu le pays comme une vulgaire vache laitière dont il fallait tirer profit sans aucune retenue. Le Liban est depuis près d’un mois et demi dans l’attente de la désignation d’un Premier ministre afin d’être doté d’un gouvernement crédible, susceptible de regagner la confiance des Libanais et des instances arabes et internationales… Un mois et demi que ces mêmes quatre parties se livrent à des manœuvres dilatoires pour le choix d’un nouveau locataire du Grand Sérail et que les noms parachutés ne durent, chacun à son tour, que l’espace d’un matin, sans que l’on comprenne pourquoi et sur quelles bases.

Dans un tel contexte, coup de théâtre dimanche soir : à quelques heures des consultations parlementaires prévues hier, lundi, au terme de plusieurs semaines de tergiversations nébuleuses, les cartes ont subitement été brouillées à nouveau sans que nul n’en comprenne les véritables causes, le prétexte invoqué étant qu’une « entente s’est forgée (autre surprise de dernière heure) sur le Premier ministre sortant », ce qui laissait supposer qu’une sortie de crise pourrait avoir été concoctée en coulisses. Mais fausse alerte : les consultations parlementaires sont reportées… d’une semaine! Pas moins. Rien ne presse : « Tout va très bien, Madame la Marquise, tout va très bien, tout va très bien… », pour reprendre les paroles de la célèbre chanson française des années 30, qui illustrent sans doute parfaitement l’état d’esprit de nos dirigeants actuels.

Il reste que cette irresponsabilité criminelle n’est pas « la fin de l’histoire ». Elle ne devrait en aucun cas pousser au désespoir et nous amener à baisser les bras. Le Liban n’a-t-il pas toujours été considéré comme le pays du miracle et des paradoxes ? Les Libanais ont constamment fait preuve d’une remarquable résilience, de l’aveu des commentateurs étrangers qui les comparent au fameux et légendaire phénix. Et parallèlement, le pays du Cèdre bénéficie encore, en dépit de tout, de nombreux soutiens étrangers, dont celui de la France. Le dynamisme du secteur privé libanais, surtout avec le nouvel esprit insufflé par le mouvement de soulèvement du 17 octobre dernier, permettra, à n’en point douter, d’engager le pays sur la voie du redressement à tous les niveaux. Il suffit que les Libanais puissent bénéficier d’une période durable de quiétude et de paix civile.

Aide-toi, le ciel t’aidera… Dans son homélie dominicale, le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi, a vivement dénoncé dimanche dernier, fort à propos, ceux qui gouvernent le pays « par la force des armes ». Il a mis ainsi sans détour le doigt sur la plaie, se livrant à un diagnostic on ne peut plus percutant et pertinent. Il est grand temps en effet que le Hezbollah admette qu’il ne peut plus continuer à condamner le peuple libanais à la débâcle économique et à tenir l’ensemble du Liban en otage pour servir simplement son parrain régional. Et de manière concomitante, la poignée de hauts responsables partisans longtemps aveuglés par leur affairisme sans bornes doivent aussi se faire à l’idée que le peuple libanais a sifflé la fin de la partie et que l’heure a sonné pour modifier profondément les pratiques du pouvoir. Et engager enfin le pays sur la voie de la bonne gouvernance, après de nombreuses et longues années de négligence et de mercantilisme destructeur.

L’irresponsabilité criminelle dans la (non-)gouvernance et la (non-)gestion des affaires publiques, cela existe… dans les pays les plus douteux. Le Liban a constitué à cet égard un cas d’école des plus surréalistes. Et il s’ingénue à repousser encore et toujours plus loin les limites dépassant tout entendement. Le pays est ébranlé dans ses fondements comme il ne l’a jamais...

commentaires (5)

Mgr Audi est parfaitement dans le vrai car la politique influe sur l’économie et vice versa !! Il faut que le Hezbollah arrête de servir les intérêts etrangers, ce faisant ils apportent avec les sanctions destinés à ces pays

Bery tus

22 h 33, le 10 décembre 2019

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Commentaires (5)

  • Mgr Audi est parfaitement dans le vrai car la politique influe sur l’économie et vice versa !! Il faut que le Hezbollah arrête de servir les intérêts etrangers, ce faisant ils apportent avec les sanctions destinés à ces pays

    Bery tus

    22 h 33, le 10 décembre 2019

  • ENCORE UN ARTICLE PUISSANT ÉCRIT PAR LES MAINS DU COURAGEUX JOURNALISTE MICHEL TOUMA ET LU PAR BEAUCOUP. MAIS MALHEUREUSEMENT CET ARTICLE EST CONSIDÉRÉ MORT NÉ POUR POUR LES QUATRE PARTIS DE HASSAN NASRALLAH ET MICHEL AOUN, BERRI ET HARIRI.

    Gebran Eid

    13 h 50, le 10 décembre 2019

  • Grâce à la mollesse de notre prèsident qui se prend pour le roi et son gendre le dauphin nous allons droit dans le mur. Lorsque l'homme à la tête d'un état cède son premier rôle pour jouer au figurant, tout part en vrille. Le problème c'est que c'est toujours le peuple qui trinque et ça et ça ne dérange personne. Ils l'ont toujours fait et continuent de le faire en attendant que la goutte fasse de nouveau déborder le verre et là ils n'auront que leurs yeux pour pleurer. Ils savent que si le pouvoir tombe, ils iront tous en prison puisque de facto aucune plainte ne serait exigée. Alors ils allongent la sauce en misant sur la fission confessionnelle qui ferait une déflagration (tant attendue) et qui leur donnerait la permission de tuer pour faire taire toutes les revendications. Le règlement de comptes et les rapports de force entre les confessions pointent leur nez et on tombe dans leur piège. Attention danger.

    Sissi zayyat

    10 h 52, le 10 décembre 2019

  • TRES BON ARTICLE MAIS LE DERNIER PARAGRAPHE EST LE PLUS IMPORTANT CAR IL DECRIT LE VRAI MAL DONT SOUFFRE LE PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    01 h 03, le 10 décembre 2019

  • Excellente analyse qui résume parfaitement la situation. Le navire fait naufrage et cette clique criminelle s'échine à garder le pouvoir et continue sans vergogne et sans l'ombre d'une mauvaise conscience à s'étriper pour conserver sa part du gateau. Il ne faut pas baisser les bras. Avec cette mafia qui nous gouverne, aucun espoir n'est permis.Il faut continuer à réclamer que ces irresponsables cèdent le pouvoir, rendent compte de leur magouilles et soient châtiés. Il ne faut pas se lasser de répéter ces revendications nuit et jour. Car là est le seul moyen pour que le Liban puisse retrouver un avenir meilleur.

    Georges Airut

    01 h 02, le 10 décembre 2019

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