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Liban - Journée mondiale

La révolte, une opportunité d’enclencher le chantier de la lutte contre la corruption

Pour une des organisations qui luttent contre la corruption au Liban, l’ouverture récente par le pouvoir de dossiers relève du simple folklore.

La justice implique de combattre la corruption. La corruption implique la corruption de la justice, peut-on lire sur cet écriteau brandi par un manifestant devant le Palais de justice de Beyrouth. Photo A-M.H.

La journée mondiale contre la corruption, célébrée le 9 décembre, est passée pratiquement inaperçue hier au Liban. Et pourtant, la corruption est l’une des principales causes de la colère populaire qui appelle, depuis 54 jours, à la formation d’un gouvernement constitué de figures propres, à l’indépendance d’une justice phagocytée par les influences politiques, au recouvrement des deniers publics dilapidés ou volés par des politiciens et des fonctionnaires véreux. La liste est longue. Les formes de corruption innombrables. On ne compte plus les signes d’enrichissement personnel de la classe au pouvoir. On ne compte plus les injustices à l’égard d’une population excédée. On ne compte plus les infractions non sanctionnées. Mais les responsables n’ont jamais été inquiétés. Ils n’ont jamais rendu des comptes de leurs actions.

Dans un tweet publié à l’occasion de cette journée mondiale, le chef de l’État, Michel Aoun, s’est contenté hier de deux phrases succinctes. Affirmant son engagement « à poursuivre ses efforts, à redoubler d’énergie pour éliminer le germe virulent de la corruption qui fait des ravages au sein des institutions », il a aussi souhaité « que l’intégrité devienne une approche, une culture et un mode de vie pour les jeunes et les moins jeunes ». Rappelons que dans le dernier rapport publié en janvier 2019 de l’organisation Transparency International (TI), le pays du Cèdre occupe le 138e rang sur 180 pays au classement 2018 de l’indice de perception de la corruption, avec un score de 28 points sur 100, le même depuis quatre ans. Et parmi ses frères arabes, le Liban n’est que 13e sur 21 pays.

Sans lutte contre la corruption, pas de croissance économique ni de développement durable

La révolte populaire sera-t-elle l’opportunité susceptible d’enclencher le chantier pharaonique de la lutte contre la corruption ? Et comment pourrait-elle se réaliser ? « Si l’opportunité est évidente, la réaction des instances concernées n’est toujours pas à la hauteur des attentes de la rue à différents niveaux, et plus spécifiquement au niveau de la lutte contre la corruption », estime le directeur exécutif de l’Association libanaise pour la transparence (LTA), Julien Courson, qui constate toutefois quelques petites percées. « Des dossiers traitant de la corruption ont bien été mis à l’ordre du jour du Parlement, même s’ils n’ont pas abouti », reconnaît-il. La contestation de rue ininterrompue depuis bientôt deux mois apparaît donc comme « un indicateur qui reflète le manque de volonté et de sérieux de l’État libanais dans la lutte contre la corruption », car il s’agit bien de « la revendication première » des manifestants. Depuis 2009, « les textes de loi stagnent », concernant notamment l’enrichissement illicite, la lutte contre la corruption, les adjudications publiques... Et même lorsque les lois existent et sont bien façonnées, elles sont rarement appliquées. Le Liban a pourtant adopté en 2009 la Convention internationale contre la corruption. Il est donc « nécessaire que l’appel de la rue incite le pouvoir à s’engager avec sérieux ». Cela commencerait par la formation « d’un gouvernement d’indépendants avec un plan clair de redressement économique ». « Mais sans une lutte efficace contre la corruption, il ne peut y avoir de croissance économique ni même de développement durable ou de paix civile », insiste M. Courson, lançant ainsi le message du représentant local de TI, en cette journée internationale.


(Pour mémoire : Les évêques maronites : pour mettre un terme au gaspillage financier et à la corruption)


Une remise en question irréversible du système étatique corrompu

Pour Assaad Thebiane, directeur exécutif de l’Initiative Gherbal, qui répertorie, retrace et publie les cas de corruption, la révolte populaire a révélé l’intérêt du citoyen pour la chose publique, et réclame une justice indépendante, garante de la lutte contre la corruption. « La contestation populaire pourrait certes ouvrir la voie à la lutte contre la corruption parce que l’opinion publique joue aujourd’hui le rôle d’observateur », note-t-il. Il estime toutefois qu’on ne peut lutter contre la corruption « sans une justice indépendante qui demande des comptes à la classe politique, accélère les jugements et sanctionne les coupables ». « Autrement, cela prendrait la forme d’un règlement de comptes », souligne-t-il, regrettant ce « folklore » auquel s’adonne le pouvoir depuis quelque temps, en ouvrant quelques dossiers de corruption sans vraiment y donner suite. Dès ce soir, l’initiative Gherbal lance une plateforme électronique qui se veut être un observatoire de la corruption au Liban. « Tous les cas de corruption seront répertoriés et détaillés de manière claire et simple, l’objectif étant d’en informer la population », explique M. Thebiane.

Si le pays du Cèdre a toujours fait preuve de résilience sur les plans politique et économique, « cette résilience est aujourd’hui du passé, car le pays vit une faillite financière sans précédent, provoquée par une gestion défaillante des affaires politiques menée par une élite corrompue ». Le point de non-retour est donc atteint. Le constat de Carole Sharabati, fondatrice de l’association Sakker el-Dekkené et professeur de sciences politiques, est consternant. « La peur de la population face à cette faillite de l’État est tellement forte qu’elle remet en question de manière irréversible le système étatique corrompu », note-t-elle. « Nous sommes si proches de la banqueroute que nous n’avons d’autre choix que de résoudre le problème à la source », souligne l’universitaire. D’où la revendication populaire d’un gouvernement de technocrates indépendants du système au pouvoir, et d’une justice indépendante. Les choses nécessitent du temps, certes, vu l’entêtement de la classe politique. Mais au cœur de ce tourbillon dans lequel se débattent les Libanais, Mme Sharabati entrevoit l’opportunité pour un pouvoir judiciaire en transformation de développer son indépendance et de s’affirmer comme un pouvoir de contrôle. Sans oublier que les médias et l’opinion publique veillent eux aussi, bien déterminés à pousser le système à se rénover…




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commentaires (3)

PRIERE LIRE ASSAINNIR. MERCI.

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 53, le 10 décembre 2019

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Commentaires (3)

  • PRIERE LIRE ASSAINNIR. MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 53, le 10 décembre 2019

  • LA CLIQUE ACTUELLE NE PEUT PAS ENCLENCHER LE CHANTIER DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION NI SAUVER LE PAYS CAR ELLE EST TOUTE CORROMPUE JUSQU,AUX OS. SEULE UNE NOUVELLE EQUIPE DE TECHNOCRATES INDEPENDANTS DE TOUTE RELATIONS AVEC LES PARTIS POLITIQUES ACTUELS POURRAIT LE FAIRE, ASSINNIR LES INSTITUTIONS ET SAUVER L,ECONOMIE ET LES FINANCES DU PAYS ET PARTANT SAUVER LE PAYS DE L,ABYSSE OU IL FUT POUSSE PAR LES ABRUTIS CORROMPUS ET INCOMPETENTS QUI NOUS GOUVERNENT. LA REVOLUTION EST LA POUR LES DEGAGER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 19, le 10 décembre 2019

  • Créer une plateforme pour y répertorier les cas de corruption et en informer la population est certes utile et peut servir de bouclier pour prévenir à l'avenir les corrompus de le faire... ou au moins peut les pousser à réfléchir (trop optimiste?) Cependant ce dont a besoin la population, c'est d'une plateforme où elle même peut dénoncer l'utilisation inappropriée du pouvoir par les propriétaires de générateurs par exemple qui menacent de couperle courant si on ne paie pas en liquide (ils refusent les chèques), les propriétaires de stations service qui en font de même...ils veulent du liquide et refusent le paiement par carte... une plateforme où chaque fois que la personne est traitée de manière indigne elle puisse le dénoncer.... pour être écoutée et pour que le problème soit résolu. Qui régit ces abus de pouvoir? Vers qui pouvons-nous nous tourner? Nous ne le savons pas.De nombreux autres exemples peuvent être cités où des membres tout à fait corrects de la société voient leur dignité bafouée par des prestataires de services qui profitent des situations pour maltraiter les gens...et si ça ne vous plait pas c'est ça ou rien. Qui nous protège dans ces cas? A qui peut-on nous adresser quand nous nous trouvons dans une situation pareille? Créer une plateforme ...mettre å disposition un numéro où nous pourrions signaler ces abus est donc nécessaire et où chaque plainte pourrait être adressée à l'instance concernée...encore faut-il qu'il y ait quelqu'un à l'écoute...

    C EL K

    07 h 07, le 10 décembre 2019

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