Photo tirée du compte Instagram de Daleel Thawra.
Des appels à bloquer les entrées du Parlement libanais mardi matin, dès 7 heures, ont été lancés lundi par le mouvement de contestation sur ses réseaux sociaux, alors que les députés doivent se réunir à 11 heures pour l'élection du bureau du Parlement et des membres des commissions parlementaires et ensuite passer au vote de plusieurs textes de loi sur la lutte contre la corruption, mais aussi sur l'amnistie générale. Cette loi est controversée en raison du flou entourant les crimes pouvant en bénéficier, notamment les crimes financiers. Face à la polémique que suscite la tenue de cette séance, plusieurs députés ont annoncé leur intention de la boycotter.
Appelés à se rassembler sur 17 points afin de former une chaîne humaine autour du siège du Parlement, les manifestants sont invités à s'asseoir dans la rue, à chanter, à apporter des drapeaux libanais et des casseroles pour faire le maximum de bruit. "Nous devons être 100 000", souligne cet appel.
Nabih Berry a par ailleurs reçu aujourd'hui du mouvement civil des remarques concernant la proposition de loi sur la création d'un tribunal spécial pour juger les crimes financiers, qui figure elle aussi à l'ordre du jour de la séance de mardi. Il a promis de les étudier et de les prendre en considération.
Sous la pression de la rue, qui refuse en majorité une loi qui permettrait aux responsables politiques d'échapper aux sanctions pour leur éventuelle implication dans des affaires de corruption, la séance parlementaire de mardi dernier, au cours de laquelle la loi sur l'amnistie aurait dû être adoptée, avait été reportée d'une semaine.
Boycotts en série
"Le président du Parlement Nabih Berry soumettra le texte à caractère de double urgence sur l’amnistie générale aux députés. Ce texte sera renvoyé en commission si un député venait à demander son réexamen", a déclaré dans la journée le vice-président du Parlement, Élie Ferzli. Il a dans ce cadre démenti le fait que le texte sur l’amnistie englobe ceux qui ont tué des militaires ou les contrevenants dans le dossier des biens publics. "Il y a une opinion publique qui demande que des propositions et des projets de lois soient rapidement adoptés", a-t-il ajouté. Par ailleurs, le numéro deux du Parlement a fait savoir qu'une nouvelle loi électorale "qui prendra en considération la volonté du peuple et le moyen de mettre le Liban sur les rails de l’Etat civil" sera prochainement examinée.
Face à la polémique que suscite la tenue de cette séance, plusieurs députés ont affiché leur opposition à sa tenue. Les Kataëb (3 députés) ont ainsi indiqué qu'ils allaient boycotter la séance parce qu'elle aura lieu à huis clos et que les médias ne seront pas autorisés de couvrir et parce que l'ordre du jour ne contient aucune loi réclamée par la rue.
Le bloc parlementaire de La République forte (Forces libanaises de Samir Geagea, 15 députés ) a lui aussi annoncé qu'il allait boycotter la séance de demain dont l'ordre du jour n'est pas "convenable" au vu de la situation actuelle. Le bloc s'est dit prêt à prendre part à toute séance consacrée à l'élection des membres des commissions parlementaires.
Le groupe parlementaire de la Rencontre démocratique du chef druze Walid Joumblatt (9 députés) va lui aussi boycotter la séance. Pareil pour le chef de l’Organisation populaire nassérienne (OPN), Oussama Saad, et le député Fouad Makhzoumi.
La députée indépendante Paula Yacoubian a elle aussi annoncé qu'elle boycottera la séance. Un peu plus tard, le chef du Mouvement de l’indépendance, Michel Moawad, a fait une déclaration dans le même sens.
Le bloc du Futur de Saad Hariri (21 députés), va, lui, assister à la séance consacrée à l'élection du bureau du Parlement et des membres des commissions parlementaires et non à la séance législative. Le bloc de la Solidarité de Nagib Mikati (3 députés) fera de même.
Dix-huit dossiers de corruption déférés par Aoun
L'ordre du jour de la séance de demain comprend également la loi encadrant la lutte contre la corruption, qui avait été adoptée préalablement par la Chambre, mais rejetée par le chef de l’État, Michel Aoun, qui l'estimait incomplète.
Lundi, le bureau de presse de la présidence de la République a publié un rapport sur les procédures judiciaires concernant 18 dossiers sur les affaires de corruption, gaspillage et blanchiment d'argent déférés par le président Aoun. Parmi ces dossiers, le dossier de l'égout de Ramlet el-Baïda a été transmis au Procureur général de Beyrouth qui n'a toujours pas statué. L'enquête sur le gaspillage de l'argent public au port de Beyrouth a été élargi. L'enquête sur l'affaire des contrats avantageux au profit de la compagnie publique de téléphone Ogero a été lancée. L'enquête sur l'affaire des infractions concernant la fibre optique se poursuit. L'enquête sur la zone franche de l'aéroport international de Beyrouth est en cours. Le dossier concernant les appels d'offres à l'AIB a été transmis au procureur financier, le juge Ali Ibrahim. Le dossier sur le Casino du Liban a été transmis à un juge d'instruction du Mont-Liban. Le dossier de l'achat de diplômes universitaires par des étudiants de l’École militaire qui tentaient d’obtenir une promotion a été transmis à l'Inspection centrale. Le premier juge d'instruction de Beyrouth, Georges Rizk, planche sur l'affaire des médicaments pour le cancer à l'hôpital Rafic Hariri de Beyrouth. Le dossier des infractions commises par des propriétaires de générateurs électriques a été transmis aux parquets dans les régions concernées.
"La reddition des comptes ne peut se traduire qu'à travers des mesures législatives", a déclaré dans la journée Hassan Fadlallah, député du Hezbollah spécialisé dans les dossiers de corruption et des comptes publics. "Nous sommes allés devant la justice à laquelle nous avons transmis nos dossiers, mais malheureusement aucun corrompu n'a été mis sous les verrous", a déploré M. Fadlallah. "C'est la justice qui va restaurer la confiance du peuple libanais en son État", a-t-il ajouté.
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commentaires (15)
Ce n'est pas intelligent de boycotter puisque de toute façon le quorum sera atteint demain. Il faut qu'un député demande le renvoi de la loi en commission pour empêcher un vote et son adoption. Qui va faire la demande? personne. On dit quoi? de plus.
Shou fi
23 h 42, le 18 novembre 2019