Des élèves des écoles publiques de Baalbeck ont pris part aux manifestations. Photo tirée de la page Facebook de Bahia Solh
À l’hôtel Palmyra à Baalbeck, Souheil Raad, médecin et membre du conseil municipal de la ville, met les dernières touches à la rencontre-débat du jour, destinée en ce vendredi aux jeunes. Dans cette ville de la Békaa, l’un des importants fiefs du Hezbollah et dans une moindre mesure d’Amal, le tabou de la peur a enfin été brisé. Des habitants de la localité, même s’ils sont encore une minorité, ont rejoint, dès le premier jour, le mouvement de protestation que connaît le Liban pour crier leur colère face à un système corrompu. Depuis, les activités s’enchaînent au quotidien, notamment les débats, pour garder vive la flamme de la révolution, avec pour moteur les femmes.
« Le trône du Hezbollah a enfin été secoué », se félicite Bahia Solh, enseignante de langue arabe au Collège des Saints-Cœurs de Baalbeck et coordinatrice de langue arabe à l’école publique des filles de la ville. « Même si nous sommes peu nombreux à investir les rues, nous avons réussi à leur faire peur », poursuit-elle.
Tirant sur sa cigarette, elle raconte que ce sont les femmes qui sont à l’origine de toutes les initiatives de la distribution des roses aux soldats au tout début de la révolution, au concert des casseroles dans les rues de Baalbeck, en passant par la marche des femmes ou la marche pour le repos de l’âme de Ala’ Abou Fakhr, cadre du Parti socialiste progressiste tué mardi 12 novembre par balles à Khaldé. « Il y a quelques jours, j’ai organisé deux manifestations auxquelles ont pris part les écolières des écoles publiques pour filles de la ville, nombreuses d’entre elles contre la volonté de leurs parents, lance Bahia Solh. La nouvelle génération a une longueur d’avance sur nous. Elle commence à sortir de l’influence du Hezbollah. Des jeunes, dont les parents sont membres ou affiliés au Hezb, prennent part au mouvement de protestation. Ils ont réalisé que le parti n’a rien fait pour le développement socio-économique de la ville et le répètent à leurs aînés. Ils sont convaincus qu’il est grand temps d’en finir avec le suivisme et avec les flatteries pour espérer décrocher un emploi ou se faire soigner. Ils sont conscients qu’il s’agit de leurs droits les plus élémentaires. » Et de souligner : « Les garçons sont absents de ce mouvement estudiantin parce qu’ils sont peu nombreux à poursuivre leurs études. Ils quittent l’école à un très jeune âge pour s’enrôler dans les rangs du Hezbollah. »
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Intimidations
Les premiers jours de la révolution, les manifestations se déroulaient au rond-point Jabali à l’entrée de Douris, avant de se transporter à la place Khalil Moutran à Baalbeck, à la suite d’intimidations exercées par des clans sur les contestataires. Ceux-ci ont pris part aux protestations, les quatre premiers jours du mouvement, puis se sont retirés de la scène après que Saad Hariri eut annoncé, dans le cadre des réformes prises en Conseil des ministres le 21 octobre, vouloir œuvrer pour l’adoption de la loi d’amnistie générale avant la fin de l’année en cours. « Cette loi les concerne directement puisque dans leur majorité, les trafiquants de drogue et les personnes recherchées par la justice sont originaires de Baalbeck », explique Hussein Hassan, professeur à l’Université libano-américaine.
« Ce mouvement de protestation n’a rien à voir avec les trafiquants de drogue, renchérit Abdallah Shall, médecin. Ses objectifs sont nobles. La pauvreté a miné les habitants de Baalbeck et la corruption a atteint des records. Ce n’est pas l’image que nous aimerions véhiculer de notre ville, sachant que celle-ci est rayée de la carte du Liban. Pourtant, nous sommes attachés à notre pays et nous voulons qu’il soit le pays des libertés et de la dignité. »
Abdallah Shall explique que la participation des habitants aux manifestations est timide. « Pourtant cette ville aurait dû être en tête de liste des régions qui se sont révoltées, d’autant qu’elle souffre depuis des décennies de privation à tous les niveaux », observe-t-il. Pour lui, cette réticence à prendre part aux manifestations est principalement due à « la peur que continuent à ressentir les habitants de la ville à l’égard du parti de Dieu, au fanatisme confessionnel et communautaire, comme à l’allégeance au zaïm, mais aussi pour des raisons économiques, parce qu’ils ont besoin de travailler pour subvenir aux besoins de leurs familles ». « De plus, les parents interdisent à leurs enfants de prendre part aux manifestations pour des considérations politiques, partisanes et sociales, ajoute Abdallah Shall. À cela s’ajoutent les pressions exercées par les partis sur leurs partisans. »
En effet, contrairement à Nabatiyé, Tyr et Beyrouth où des manifestants ont été attaqués par des partisans du tandem chiite, les protestataires à Baalbeck ont été à l’abri de la violence. Toutefois, ils sont la proie d’intimidations exercées contre eux au quotidien. Aussi, Bahia Solh raconte que tous les jours, quelqu’un vient lui dire que des vidéos d’elle en train de manifester ont été déposées au bureau de mobilisation pédagogique. Hussein Yaghi, un jeune manifestant et président de l’ONG Safe Side qui sensibilise essentiellement au danger des balles perdues, affirme de son côté que des « convois de voiture brandissant les fanions du Hezbollah ont cherché à provoquer les manifestants après le deuxième discours » du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans lequel il avait insinué que le mouvement de protestation était financé par des ambassades occidentales. « De plus, certaines personnes reçoivent des appels de menaces voilées », poursuit-il.
« Les appréhensions du Hezbollah vis-à-vis du soulèvement populaire sont légitimes, affirme Souheil Raad. Mais accuser le mouvement de protestation de félonie était inacceptable. Après le deuxième discours de Hassan Nasrallah, les gens proches du Hezb ont commencé à remettre en cause les objectifs de ce mouvement. On ne se concentrait plus sur ses objectifs, c’est comme si nous exécutions l’agenda de l’étranger. C’est une forte pression psychologique qu’ils nous font subir. »
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Manifester à Beyrouth
Toutes les personnes rencontrées s’entendent à dire que cette révolte est importante puisqu’elle a permis de briser les chaînes d’asservissement. « Le Hezbollah prétend combattre, même à l’étranger, en faveur de la dignité et de la liberté, déclare Souheil Raad. Qu’en est-il de notre liberté et de notre dignité à Baalbeck ? »
Notant que les « armes du Hezbollah sont un atout aux mains de l’État contre les visées d’Israël », il insiste sur la nécessité de faire la différence entre la Résistance du Hezbollah et la révolte. « Nos revendications sont purement de nature socio-économique, insiste-t-il. Depuis 1992, les députés et les ministres du tandem chiite de la région n’ont rien fait pour le développement de Baalbeck, qui reste sous le joug des trafiquants de drogue. »
Dans la Cité de la Lumière, la révolte est donc principalement menée par la communauté sunnite, les chiites s’étant retirés de la place à la suite du deuxième discours de Nasrallah. « Ils ont pris leurs distances de la révolution, constate Hussein Hassan. Les chiites préfèrent manifester à Beyrouth où ils peuvent crier haut et fort des slogans comme “Tous sans exception”, chose qu’ils ne peuvent pas dire à Baalbeck où nombre d’entre eux ont des intérêts économiques avec le Hezbollah. Si le parti décide de les sanctionner, ils n’auront plus de quoi vivre. Le Hezb a mis en place dans la ville un système social, économique, familial et religieux dont il est difficile de sortir. Aussi, certains chiites continuent de prendre leurs précautions et hésitent à s’exprimer. »
C’est ce que confirme Bahia Solh qui souligne que de nombreuses personnes affiliées au parti de Dieu « soutiennent intérieurement la révolte ». « Ils nous incitent à poursuivre le mouvement confiant qu’ils ne peuvent pas sortir au grand jour », lance-t-elle.
Souheil Raad explique dans ce cadre qu’une tente Baalbeck-Hermel a été dressée à la rue de l’émir Bachir reliant la place des Martyrs à celle de Riad el-Solh pour faire parvenir la voix de cette région. Néanmoins, il estime qu’il est « important de continuer de manifester à Baalbeck même ». « La force de ce soulèvement populaire reste dans la multiplicité des places de manifestations, constate-t-il. Chaque place renforce l’autre. En poursuivant les activités dans la ville, nous influençons même ceux qui sont restés chez eux. Quelque part, certains d’entre eux sont gênés parce qu’ils ne font pas partie de ce mouvement. »
« Bien que nous soyons peu nombreux, ce mouvement reste important d’autant qu’il a réussi à mobiliser les jeunes qui sont l’avenir de ce pays » , martèle Abdallah Shall, qui conclut en mettant l’accent sur « le fléau du confessionnalisme qui ronge le pays ».
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La méthode des Chefs de partis et surtout HB consiste à asservir les gens et bien les maintenir sous leur coupe pour que même leurs droits élémentaires soient une faveur que ces Zaïms accorderaient ou pas en fonction du comportement du partisan ou même du simple citoyen qui a le malheur de se trouver dans leurs régions. Tous les libanais doivent enfin comprendre que ça n'est pas normal. Que ca ne devrait pas fonctionner de la sorte. Ils sont des citoyens laborieux qui payent leurs impôts et ils ont des droits qu'ils doivent exiger de leurs employés qui sont les députés, ministres maires et surtout le président de la REPUBLIQUE. etc...puisque ce sont eux qui payent leurs salaires et non pas le contraire. Mais on les a affamés terrorisés pour mieux les dominer et lorsqu'ils osent prétendre à un seul de leur droit même en manifestant pacifiquement se voient accablés de tous les maux (mots). Collaborateurs des Americains, exécuteurs d'ordre de complotistes, et même des sionistes qui oeuvrent pour l'usurpateur que eux combattent Ces Zaïms se sont transformés en GOUROUS qui terrorisent le peuple vu le nombre d'années passées à les côtoyer pour mieux connaître leurs failles et pour mieux les manipuler. Ils leur imposent leur doctrine tout en sacrifiant leurs droits en les faisant culpabiliser et en les punissant lorsque la culpabilité n'est pas suffisante. Il est impératifet que les droits des gens soient sacralisés et que les armes soient retirées
18 h 06, le 18 novembre 2019