Saad Hariri avait prévenu les forces politiques qu’il n’accepterait de présider un nouveau gouvernement qu’à condition qu’il s’agisse d’un cabinet d’experts. Devant le refus par ses partenaires, notamment le tandem chiite Hezbollah/Amal, de cette option, le Premier ministre sortant n’a eu d’autre choix que de céder la place à un autre candidat sunnite.
C’est hier soir, à l’issue d’une réunion à la Maison du Centre entre le Premier ministre démissionnaire et deux représentants du tandem chiite, Hussein Khalil, bras droit du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, et Ali Hassan Khalil, ministre sortant des Finances et membre du mouvement Amal, que le nom du député de Tripoli et ancien ministre des Finances Mohammad Safadi a émergé.
Qui a décidé du nom du milliardaire sunnite, déjà conspué par les manifestants dans la rue avant même qu’il ne soit officiellement désigné ?
Une source politique indique à l’OLJ que M. Hariri, pressé par le Courant patriotique libre et le tandem chiite, qui avaient mal accueilli sa démission le 29 octobre, de revenir à la tête du prochain gouvernement, avait bien précisé qu’il n’accepterait qu’à condition qu’il s’agisse d’un cabinet exclusivement composé d’experts, nécessaire pour relever les défis de la phase actuelle.
Pour tenter de sortir de l’impasse, les trois parties lui ont demandé de suggérer des noms de personnalités sunnites qui pourraient présider le prochain gouvernement. Il a alors suggéré celui de Nawaf Salam, l’ancien ambassadeur du Liban aux Nations unies, actuellement juge à la Cour internationale de justice. « Ce nom s’est heurté à un refus », ajoute la même source qui a requis l’anonymat. Des discussions ont suivi au cours des derniers jours et plusieurs autres noms ont été évoqués, dont celui de M. Safadi. Finalement, jeudi soir, les ministres du tandem chiite « ont officiellement informé Saad Hariri que le nom de Mohammad Safadi avait été décidé », a poursuivi cette source.
M. Hariri a alors répondu qu’il n’avait aucune objection, d’autant que Mohammad Safadi a soutenu, aux dernières législatives, le courant du Futur à Tripoli, et que son épouse, Violette, est considérée comme proche de cette formation au sein du gouvernement.
(Portrait : Mohammad Safadi, homme d'affaires et figure politique traditionnelle de Tripoli)
Les consultations lundi ?
Interrogé par l'OLJ, le bureau de presse de M. Safadi a indiqué que ce dernier serait prêt à accepter de présider le prochain gouvernement s'il est désigné à la suite des consultations parlementaires (contraignantes du chef de l’État avec les blocs parlementaires), à condition qu'on lui donne « les moyens de répondre aux revendications des Libanais ».
Le chef du CPL Gebran Bassil a, pour sa part, indiqué aujourd'hui à la MTV être en contact avec le ministre Safadi « qui a accepté de présider le prochain gouvernement, s’il obtient l’accord des principales parties politiques faisant partie du gouvernement ». « Si les choses vont dans le bon sens, les consultations devraient commencer lundi », a ajouté M. Bassil.
Des propos qui lui ont valu une verte réaction de la part du courant du Futur : « Le ministre Bassil a fixé la date des consultations parlementaires avant même qu’elles ne soient fixées par le président de la République », s'est insurgée une source proche de la Maison du Centre, citée par le site web de la formation, Mustaqbal web. « Il a aussi annoncé que la formation du gouvernement aurait lieu rapidement. S’il veut rendre service au pouvoir et à la présidence de la République, il devrait s’abstenir de faire des déclarations ».
Le bureau de presse de M. Bassil a par la suite publié une mise au point, précisant que le ministre sortant des Affaires étrangères avait juste eu une conversation à bâtons rompus avec les journalistes, et que ses propos n’avaient pas été rapportés fidèlement.
(Lire aussi : Cabinet-cocktail, double provocation, l'édito de Issa GORAIEB)
Quant au palais présidentiel, il a, selon des sources citées par la MTV, indiqué qu'aucune date n'avait encore été fixée pour les consultations parlementaires.
Les trois anciens Premiers ministres Tamam Salam, Nagib Mikati et Fouad Siniora ont réagi pour leur part en renouvelant leur soutien à Saad Hariri. "Depuis le début de la crise politique, nous insistions et nous rappelons notre position centrale qui consiste à (soutenir) la désignation à nouveau de Saad Hariri pour former un nouveau gouvernement, à la lumière des développements actuels, et toutes les forces politiques doivent faciliter sa tâche", ont dit les trois anciens chefs du cabinet.
Selon des sources politiques, l’ancien ministre Safadi est assuré d’obtenir l’assentiment des blocs parlementaires du CPL, d’Amal, du Hezbollah et du Futur, qui constituent réunis la majorité des voix au Parlement. Par contre, la formation du Premier ministre démissionnaire n’acceptera pas de faire partie de son gouvernement, selon les mêmes sources.
Quant à la rue, elle n’a pas encore dit son dernier mot. Dès que le nom de M. Safadi a filtré hier soir, des manifestants à Tripoli, Beyrouth et Saïda l’ont conspué, l’accusant de symboliser la corruption, et des rassemblements hostiles à sa nomination sont prévus aujourd’hui, même s’ils risquent d’être compromis par la pluie battante.
Lire aussi
La solution doit venir des Libanais eux-mêmes, affirme l’émissaire français
commentaires (14)
Ils doivent tenir quelque chose de très très fort sur ce M Safadi pour le forcer à prendre ce poste ... le pauvre!
Aboumatta
21 h 58, le 15 novembre 2019