Au lendemain d'incidents et de tensions, dans le cadre du mouvement de révolte, ayant plus particulièrement touché les régions chrétiennes du pays - incidents associés par certains à des "images de la guerre civile" - plusieurs initiatives ont été prises, autant dans la rue que parmi les responsables, pour étouffer toute dissension entre les grands partis rivaux chrétiens et leurs partisans.
La journée de mercredi, qui avait été caractérisée par un regain de tension suite à l'entretien télévisé très critiqué du président Michel Aoun, mardi soir, a été rythmée par des scènes de violence, notamment à Jal el-Dib. Dans cette localité du Metn, un homme armé d'une kalachnikov a tiré en direction des contestataires qui bloquaient les routes, faisant plusieurs blessés. Les manifestants ont rapidement arrêté cet homme et lui ont arraché son arme, avant qu'il ne soit arrêté par des agents des Forces de sécurité intérieure. Le Courant patriotique libre (fondé par le chef de l'Etat) a démenti que l'homme était affilié à ce parti, mais selon des témoignages recueillis par L’OLJ, l'assaillant et les personnes qui se trouvaient à ses côtés seraient tous des partisans du CPL, originaires de la région, qui ont décidé de rouvrir la route par la force.
Un peu plus loin sur l'autoroute menant vers le nord du pays, à Nahr el-Kalb, des manifestants ont érigé les bases d'un mur de béton, avant de le détruire, peu après. A Naamé également, au Liban-Sud, ainsi qu'au Liban-Nord, dans le secteur d'el-Mina, des manifestants ont entrepris dans le même temps de construire des murets bloquant des axes routiers.
L'incident de Nahr el-Kalb a été très critiqué autant dans les médias que sur les réseaux sociaux par des internautes dénonçant une pratique visant à séparer les régions du pays au lieu de les unir. Critiquant la symbolique de la fermeture du tunnel reliant le nord au sud du pays, une photo d'archive a été largement partagée sur les réseaux sociaux, montrant les deux entrées du tunnel bouchées par des monticules de terre. Un message accompagnant cette image rappelle les événements de 1990, en l’occurrence la guerre d'"élimination" entre l'armée (alors conduite par Michel Aoun) et les Forces libanaises, "lorsque le tunnel a été transformé en poste frontière humiliant en raison d'une guerre qui semble se poursuivre entre les mêmes parties".
"Volonté de sabotage"
Le chef du CPL, Gebran Bassil, a lui aussi réagi à la construction avortée de ce muret. "La priorité est à la formation d'un gouvernement de salut national et à la mise en échec de toute volonté de sabotage qui mènerait le pays à des affrontements", a-t-il souligné. Il a mis en garde, dans un tweet, contre la construction de "murs d'isolement, la fermeture des axes de communication et la volonté de pousser les gens à se battre". Il a toutefois appelé ses partisans à "ne pas réagir", estimant que "les complots commencent à être mis au jour".
Dans la matinée, M. Bassil a été reçu par le patriarche maronite, Béchara Raï, avec qui il s'est entretenu des "derniers développements locaux". Après cet entretien, il avait été annoncé que Mgr Raï a effectué une série de contacts avec les responsables des grandes formations chrétiennes, notamment le leader des FL, Samir Geagea, et le chef des Kataëb, Samy Gemayel, mais cela a été démenti par Bkerké.
Réunion entre Mgr Raï et Gebran Bassil à Bkerké. Photo Ani
Les Libanais "ont construit des ponts"
Un haut-responsable Kataëb a également démenti avoir été contacté par le patriarche et a réfuté tout lien entre les incidents de la veille et la formation politique de Samy Gemayel. Le député Elias Hankache, membre de cette formation, a de son côté souligné, dans un message publié sur son compte Twitter, que "depuis le 17 octobre, les Libanais construisent des ponts entre eux, détruisent tous les murs et barrages qui les ont séparés pendant des années. Ils ne permettront à personne de les faire revenir en arrière". "Que personne n'essaie de déformer cette révolution civilisée et pacifique", a-t-il ajouté.
Pour sa part, le ministre de la Défense, Elias Bou Saab (affilié au CPL), a souligné, à l'issue d'une réunion avec le chef du Parlement, Nabih Berry, que "les événements des deux derniers jours lui ont rappelé la guerre civile". "Cela est dangereux mais ne signifie pas que le mouvement de contestation est responsable de ce qui s'est passé", sans donner plus de précisions sur quelle partie il rejetait la responsabilité.
Sur le terrain, un groupe de contestataires, aidé par les forces de sécurité, a pris l'initiative, dans la matinée de jeudi, de nettoyer le tunnel et les voies de circulation noircis par les pneus brûlés et ont décoré l'entrée du tunnel avec des fleurs et des plantes.
Par ailleurs, partout dans le pays, l'armée s'est déployée sur les axes routiers afin de rouvrir les routes fermées par les manifestants, notamment à Zouk Mosbeh, Ghazir (Kesrouan), sur l'autoroute de Baabda, menant au palais présidentiel, au croisement dit de Chevrolet, lieu fort de la contestation en banlieue beyrouthine. A Jbeil, dans le Kesrouan, au nord de Beyrouth, et à Jal el-Dib, l'armée a utilisé des pelleteuses et des grues pour évacuer tous les obstacles obstruant le passage. Selon des témoins cités par la LBC, trois personnes ont été arrêtées lors de l'opération de la troupe dans cette localité du Metn. Une de ces personnes a été relâchée peu après par l'armée, selon l'Ani. Mais en soirée, des échauffourées ont eu lieu entre des manifestants et des militaires lorsque ces derniers ont tenté d'empêcher les protestataires de bloquer de nouveau la route. Selon les médias locaux, ces échauffourées ont fait un blessé.
Depuis le début du mouvement de contestation, le 17 octobre, le CPL accuse régulièrement les Forces libanaises d'attiser les manifestations et de "surfer sur la vague" de la révolte.
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commentaires (10)
OLJ il y a UNE SEULE RUE et elle est LIBANAISE
Khalaf Hana
18 h 21, le 14 novembre 2019