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La révolution en marche - Focus

À Nabatiyé et à Tyr, « une troisième force » dont il faut tenir compte

Les protestataires se défendent de chercher à faire du tort à la « Résistance ».

Des manifestants tiennent le coup sur la place à Tyr depuis 26 jours malgré les pressions. Photo DR

La révolte qui a éclaté au Liban le 17 octobre a réservé de nombreuses surprises : les manifestations en masse dans plusieurs localités du Sud, notamment à Nabatiyé (ainsi que dans le village voisin de Kfarremmane) et à Tyr, des zones d’influence du tandem chiite d’Amal et du Hezbollah, n’en est pas la moindre. Toutes les personnes interrogées dans ces régions s’accordent à dire que de tels mouvements de protestation indépendants de toute influence partisane n’ont pas été vus dans ce secteur depuis les années 70. Mais le prix à payer était lourd : les premiers jours de manifestations ont connu des violences exercées par des éléments partisans contre les manifestants, autant à Nabatiyé qu’à Tyr, suivies d’un calme relatif après la circulation de vidéos sur ces violences.Si les intimidations sur le terrain ont reculé, des pressions d’un autre type sont exercées, dans cette région fortement marquée par l’appui à la Résistance islamique considérée comme la libératrice de l’occupation israélienne. Les militants du Sud rencontrés par L’OLJ insistent à faire la différence entre la « Résistance » proprement dite et la prestation politique des partis, revendiquant le droit des habitants, notamment des jeunes, à se rebeller contre la corruption et le clientélisme, très répandus dans cette région selon eux.


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Des jeunes qui ont trouvé leur place

À Kfarremmane, un village traditionnellement de gauche qui tient à sa spécificité, les manifestants se rassemblent tous les jours sous une tente bleue au milieu de la place centrale, qu’ils ne laissent pratiquement jamais vide, discutant des développements rapides au Sud comme dans le reste du pays. « Nous avons créé un espace pour les protestataires de tout le Sud », déclare fièrement un manifestant.

Dans sa demeure toute proche, Kamal Jaber, journaliste et militant de longue date dans le domaine culturel, reconnaît qu’ « un tabou a été brisé dans la relation avec les leaders traditionnels, du fait que la peur a été vaincue malgré les démonstrations de force ». « J’ai moi-même écrit que les jeunes de cette région ont enfin trouvé leur place grâce à cette révolution, dit-il. Depuis de longues années, le Hezbollah attirait les plus religieux, Amal était rejoint par les opportunistes, et les partis laïcs de gauche étaient affaiblis pour diverses raisons. Quand aux clubs culturels comme le nôtre, ils n’ont pas assez accompagné les progrès pour séduire la jeunesse. Ces jeunes étaient quasi enfermés dans leur mutisme, sachant que beaucoup sont tombés dans les différentes batailles. Aujourd’hui, ils s’expriment et accusent toutes les parties de négligence. »

Toutefois, Kamel Jaber reconnaît que le public révolutionnaire reste moins nombreux que les partisans proprement dits, étant donné qu’il demeure une large majorité silencieuse qui ne s’est pas exprimée. « La Résistance reste très respectée dans cette région, mais il y a une réelle volonté de la séparer des prestations politiques et, surtout, municipales, qui laissent très souvent à désirer, souligne le militant. Le clientélisme dans les institutions, principalement exercé par Amal qui tient, selon les estimations, non moins de 23 000 emplois dans le pays, a déjà lésé une large frange de la population et marginalisé les compétences. Or la peur d’être accusé de faire du tort à la Résistance par les partis a sorti de nombreuses personnes de la rue, mais n’a pas suffi à en dissuader d’autres. »


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« Nous sommes désormais la troisième force »

Salam Badreddine, une professeure à la retraite, se définit comme « l’une des responsables de l’insurrection à Nabatiyé ». « Nous préférons rester indépendants, dit-elle. Les pressions exercées contre nous par les partis les premiers jours se sont largement estompées, d’autant plus que nous sommes beaucoup plus nombreux aujourd’hui. Depuis, nous apprenons qu’il y a des discussions à l’intérieur même de ces partis, et peut-être qu’ils se retrouveront eux aussi à la rue bientôt. Mais nous sommes désormais la troisième force dont ils doivent tenir compte. »

« Il est vrai que dans un premier temps, les partis ont brandi le spectre de ce qu’ils considèrent comme un manque de fidélité à la Résistance, mais ils ont rebroussé chemin face à la stabilité de nos revendications, et la théorie du complot a été abandonnée, poursuit-elle. La Résistance nous a maintenus dans nos maisons au Sud, nous n’acceptons pas d’infiltration contre elle dans nos rangs, mais nous critiquons aujourd’hui la prestation politique de tous les partis, ajoute-t-elle. En fait, cela se faisait déjà en privé, c’est la première fois que l’on en parle en public. »

Tout comme Kamel Jaber, Salam Badreddine souligne l’importance de mettre fin au clientélisme et insiste sur l’importance d’une justice équitable ainsi qu’une reddition de comptes globale.

Comment les militants voient-ils le changement survenir dans cette région du Liban ? « Dans le domaine de la sociologie que j’enseigne, on parle de deux genres de changements, l’un rapide par le biais des révolutions, et l’autre lent à travers les institutions, explique Salam Badreddine. Je crois que dans notre révolution sans leader, nous sommes dans une dynamique entre les deux : nous restons dans le cadre des institutions, mais nous ne patienterons pas indéfiniment. Le système libanais n’est pas mauvais en soi, mais il doit être appliqué sans être dévoyé. Dans tous les cas, il nous faut du souffle, et nous l’avons. »

Kamel Jaber reste très réaliste à ce propos. « Je vois un changement partiel dans un premier temps, la route est longue », affirme-t-il.


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« Le Hezbollah a perdu son visage angélique »

Comme Nabatiyé, Tyr a brisé un tabou en manifestant durant 26 jours sans discontinuer. Sur la place centrale où des manifestants demeurent jour et nuit, Hassan, un jeune homme, a laissé tomber son travail pour assurer une permanence, sachant que beaucoup d’autres sont au chômage. « Dans cette région, les personnes qui ne sont pas affiliées aux partis n’ont aucune chance de se faire embaucher, il faut que cela cesse, dit-il. Nous restons là malgré toutes les pressions. »

En réponse aux questions de L’OLJ, un manifestant qui participe à l’organisation des mouvements à Tyr pense que cette ville, où l’influence d’Amal est ancienne et bien ancrée, « s’est soulevée cette fois en raison des difficultés financières ». « Le Sud compte traditionnellement sur l’apport de ses fils émigrés, or la crise du dollar les a profondément affectés », dit-il. Il estime aussi « qu’il y a un recul de l’influence des partis, notamment d’Amal, ce qui est clair depuis les élections législatives, malgré la victoire » du tandem chiite. Il ramène cela « à la mauvaise prestation politique et au clientélisme à outrance ».

Ce militant présent dans la rue depuis le premier jour estime que « le Hezbollah ne s’est pas mêlé de la scène de Tyr, mais des pressions ont été exercées par Amal, que ce soit par des agressions directes ou des menaces indirectes portant sur la sécurité de l’emploi et autre ». « Mais ils ont reculé face au scandale des vidéos qui ont fait le tour du pays et qui ont suscité une vague de sympathie sans précédent avec Tyr », ajoute-t-il.

Pourquoi cette réaction des partis face au mouvement populaire ? « Ils ont peur de ce qu’ils ne contrôlent pas, estime-t-il. Dans leur logique, ce mouvement est considéré comme un ventre mou qu’il est facile d’infiltrer sécuritairement. De ce fait, ils ont réussi à démobiliser une bonne partie des manifestants à Tyr et, dans une moindre mesure, à Nabatiyé. Seul Kfarremmane reste hors de leur influence. Mais je pense qu’en cas d’effondrement économique, plus personne ne pourra garder les habitants chez eux. »

Le militant n’en est pas à sa première expérience dans la rue. « Je pense qu’on est arrivé à un degré d’éveil dont on pouvait seulement rêver les années précédentes, et cela est un acquis de la révolution, dit-il. L’une des conséquences, c’est que le Hezbollah est dorénavant considéré comme un parti similaire aux autres, notamment après les comportements de certains de ses partisans dans les rues de Beyrouth. À mon avis, il a perdu son visage angélique. »

Et d’ajouter : « Ce qui terrifie les deux partis aujourd’hui, c’est que le public réussisse à leur trouver une alternative. Or les gens sont de plus en plus convaincus qu’ils sont passés d’un féodalisme familial à un féodalisme partisan, et à mon avis, cela ne leur convient plus. Mais le changement sera probablement progressif. »


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commentaires (4)

On dit que Hb a libere le Liban En fait le premier ministre de l'epoque M Barak a decide que la mort d'un soldat de plus au Liban ne valait pas la peine et a volontairement decide de quitter le Liban car Israel meme si on le hait considere une vie de ses citoyens ou soldats comme une tragedie et essaie d'en avoir le moins possible ( ce qui n'est evidement le cas ches HN qui a envoye 7000 de ses enfants mourrir pour la politique Iranienne en Syrie ) Ce que Hezballah , le liberateur du liban a reussi a faire c'est une guerre en 2006 qui a cause la mort de 1200 libanais et a detruit de grandes infrastructures au Liban. Le fait que l'iran a sorti ses dollars pour compenser les degats n'est pas une excuse pour comprendre que cette guerre a ete un echec complet pour le Hezballah et pas une victoire divine surtout apres le fameux SI J'AVAIS SU Continuer le mythe d'un liberateur pour garder ses moutons sous controle alors que le peuple entier se revolte contre les politiciens ( TOUS PAS SEULEMENT CEUX DE HB ET AMAL ) est un suicide programme pour ces deux partis LA REVOLUTION GAGNERA CETTE FOIS CI ET LES CORROMPUS ET LES ENNEMIS DE LA REVOLUTION EN PAIERONT LE PRIX

LA VERITE

14 h 20, le 12 novembre 2019

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Commentaires (4)

  • On dit que Hb a libere le Liban En fait le premier ministre de l'epoque M Barak a decide que la mort d'un soldat de plus au Liban ne valait pas la peine et a volontairement decide de quitter le Liban car Israel meme si on le hait considere une vie de ses citoyens ou soldats comme une tragedie et essaie d'en avoir le moins possible ( ce qui n'est evidement le cas ches HN qui a envoye 7000 de ses enfants mourrir pour la politique Iranienne en Syrie ) Ce que Hezballah , le liberateur du liban a reussi a faire c'est une guerre en 2006 qui a cause la mort de 1200 libanais et a detruit de grandes infrastructures au Liban. Le fait que l'iran a sorti ses dollars pour compenser les degats n'est pas une excuse pour comprendre que cette guerre a ete un echec complet pour le Hezballah et pas une victoire divine surtout apres le fameux SI J'AVAIS SU Continuer le mythe d'un liberateur pour garder ses moutons sous controle alors que le peuple entier se revolte contre les politiciens ( TOUS PAS SEULEMENT CEUX DE HB ET AMAL ) est un suicide programme pour ces deux partis LA REVOLUTION GAGNERA CETTE FOIS CI ET LES CORROMPUS ET LES ENNEMIS DE LA REVOLUTION EN PAIERONT LE PRIX

    LA VERITE

    14 h 20, le 12 novembre 2019

  • On fait bien de faire une distinction très stricte entre manifester contre la corruption et la résistance libanaise du hezb. La stupidité aveugle ne le verra pas de son œil de cyclope.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 45, le 12 novembre 2019

  • MALHEUREUSEMENT L,INTIMIDATION ET LES MENACES EN AURONT RAISON DE LA PLUPART DE CES LIBANAIS CHIITES CONTESTATAIRES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 01, le 12 novembre 2019

  • Pour plusieurs, le hezb n’a jamais eu un visage angélique. Heureux de voir que les yeux de nos compatriotes comptés comme acquis par le tandem finissent par s’ouvrir. Les murs se brisent grâce à l’information qui circule. On ne peut plus “désapprendre“ ce qu’on a appris.

    Michael

    00 h 23, le 12 novembre 2019

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