L’ambassadeur de France a rendu visite hier au ministre sortant des Affaires étrangères. Photo Dalati et Nohra
Un dénouement de la crise dans laquelle le pays s’enlise et qui menace du pire interviendrait-il par l’intermédiaire de la France ? Un émissaire du président français, Emmanuel Macron, Christophe Farnaud, directeur d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au Quai d’Orsay, est attendu mardi à Beyrouth, où il doit faire part aux responsables libanais de la « profonde préoccupation de la France » par rapport à la détérioration de la situation dans le pays et les presser de former un nouveau gouvernement, a-t-on appris de sources politiques informées.
Entre-temps, la classe dirigeante ou du moins une partie d’entre elle continue de faire montre d’une insouciance effarante dans la gestion de la crise sans précédent qui secoue le pays, alors que les mises en garde contre un effondrement économique et financier imminent se multiplient et que le secteur bancaire est soumis à des pressions énormes. Pour la fête du Maouled (naissance du Prophète), les banques ont décidé de fermer leurs portes pendant deux jours, aujourd’hui et lundi, alors que le directeur régional pour le Moyen-Orient de la Banque mondiale, Saroj Kumar Jha, qualifiait de « profondément préoccupante » la situation au Liban, pour la deuxième fois en 48 heures. Dans une interview à l’agence Associated Press, il a de nouveau appelé les dirigeants libanais à s’empresser de former un gouvernement dans la semaine qui vient, pour éviter que la situation économique et la confiance en la stabilité du pays « ne se dégradent davantage ».
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Sauf que tous ces avertissements continuent de tomber dans l’oreille d’un sourd, les tractations autour de la formation du gouvernement butant toujours sur la nature de la nouvelle équipe, que Saad Hariri voudrait exclusivement composée de spécialistes, s’il est désigné pour la former, alors que le CPL et le Hezbollah restent attachés à un cabinet composé de politiques et de spécialistes.
Dix jours après la démission du gouvernement, et vingt-trois jours depuis le déclenchement du soulèvement populaire du 17 octobre, la classe dirigeante croit toujours avoir le luxe du temps pour façonner un gouvernement à la mesure de ses intérêts et de ses ambitions politiques. Le président Michel Aoun n’a toujours pas fixé de date pour les consultations parlementaires contraignantes, en attendant une hypothétique entente, qui, elle, attend le bon vouloir d’un Hezbollah qui n’est près de rééditer l’expérience du gouvernement Siniora (2005) dans lequel il ne détenait pas la minorité de blocage et sous lequel le Tribunal spécial pour le Liban, qui devait plus tard pointer du doigt la responsabilité d’un groupe de ses cadres dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri avait vu le jour.
Parallèlement, Saad Hariri, qui a exposé jeudi au chef de l’État la gravité de la situation économique, a fait savoir à son interlocuteur qu’il est seulement prêt à diriger un gouvernement de salut composé de personnes indépendantes avec un seul dossier à son agenda : un redressement économique et financier fondé sur le document de réformes qu’il avait présenté quelques jours avant sa démission ainsi que sur celui que le président Aoun avait également élaboré et rappelé dans son message aux Libanais, le 31 octobre, à l’occasion du mi-mandat. Selon son entourage, cette condition n’est pas négociable parce que autrement, son équipe risque de se retrouver prisonnière des mêmes blocages qui avaient empêché la précédente de démarrer et qu’avec la crise qui secoue le pays, il ne peut pas courir un tel péril. Si le gouvernement est appelé à être formé à moitié de politiques et à moitié de spécialistes, il devrait être dirigé par quelqu’un d’autre que lui, a-t-on fait savoir dans son entourage. Hier, le bruit a couru que Saad Hariri a effectivement renoncé à diriger la nouvelle équipe ministérielle, ce qui a été démenti par des sources proches de Baabda.
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En fait, les négociations continuent et sont principalement engagées par le président de la Chambre, Nabih Berry, qui reste attaché à la présence de M. Hariri à la tête du cabinet, mais qui essaie dans le même temps de trouver une formule qui concilie les exigences du chef du courant du Futur et celles d’un Hezbollah qui redoute notamment qu’une équipe ministérielle dans laquelle il ne sera pas représenté ne planche sur des dossiers d’une importance cruciale pour lui, tels que la stratégie nationale de défense.
La mission de la France au Liban se recoupe quelque part avec cette dynamique, d’autant que Paris s’était efforcé d’obtenir de Téhéran des assurances pour faciliter la formation d’un gouvernement au Liban, a-t-on appris de mêmes sources politiques. Hier, l’ambassadeur de France, Bruno Foucher, a été reçu par le ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, qui devrait s’entretenir mercredi avec l’émissaire français.
Le souci principal de Paris est d’obtenir la formation rapide d’un gouvernement, capable de déclencher sans tarder un processus de sauvetage, de se faire l’écho des revendications de la population qui continue d’investir la rue aux quatre coins du pays et de gérer CEDRE, sans se mêler de sa nature ou de sa composition. Sinon c’est l’effondrement certain. Très peu d’informations ont pu être obtenues sur la visite de M. Farnaud à Beyrouth. On sait cependant qu’en plus des pôles du pouvoir, il devrait aussi s’entretenir avec les chefs des principaux partis politiques, dont peut-être des représentants du Hezbollah.
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commentaires (10)
75 ans plus tard on espère en l'ancienne puissance coloniale ! Quelle honte, la jeunesse libanaise vaut mieux que ça. Dehors les incapables !
TrucMuche
20 h 27, le 11 novembre 2019