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À La Une - Liban

Jour XX : du nord au sud du Liban, les manifestants optent pour des actions ciblées

Les protestataires se sont mobilisés devant les sièges régionaux de la Banque centrale, d'Ogero, des sociétés de téléphonie mobile Alfa et Touch et devant les banques.

Des soldats surveillant une manifestation d'étudiants le 5 novembre 2019 à Saïda. REUTERS/Ali Hashisho

Alors que de nombreux axes routiers étaient rouverts mardi par l'armée au matin du vingtième jour de la révolte libanaise, des actions ciblées étaient organisées par les manifestants devant de nombreuses institutions publiques de tout le pays, accusées de corruption. La Banque du Liban et des institutions liées aux services téléphoniques et à la gestion du système électrique étaient notamment visées. De nombreux appels étaient lancés depuis la veille à des rassemblements devant le siège des entreprises gérant la téléphonie mobile au Liban, Alfa et Touch. 

Les différentes actions menées dans l'ensemble du pays interviennent alors que l'armée était fortement déployée sur les grands axes routiers du Liban afin de rouvrir par la force toutes les routes fermées par les contestataires. Au cours de ces opérations musclées, plusieurs manifestants ont été arrêtés par la troupe, notamment dans les localités de Zouk Mosbeh (Kesrouan) et Jal el-Dib (Metn). Mais selon des informations rapportées par des médias locaux qui citent des sources judiciaires, ces manifestants vont être incessamment relâchés.



L'armée emmenant un manifestant qui essayait de bloquer la route à Zok Mosbeh. REUTERS/Mohamed Azakir



Depuis le 17 octobre, des dizaines de milliers de Libanais réclament la chute du régime. Mardi dernier, le gouvernement de Saad Hariri avait démissionné et a été chargé d'expédier les affaires courantes. Mais depuis, le chef de l’État Michel Aoun n'a toujours pas convoqué les différents groupes parlementaires aux consultations contraignantes permettant la nomination d'un nouveau Premier ministre. Se défendant de tout retard, la présidence affirme vouloir réfléchir à la formule selon laquelle sera formée le futur cabinet, alors que la rue réclame que les futurs ministres ne soient pas affiliés aux partis politiques. 

Le mouvement de contestation avait été déclenché après l'annonce de la taxe sur les appels via WhatsApp. Cette mesure a été vite annulée mais la colère ne s'est pas apaisée contre la classe dirigeante, jugée incompétente et corrompue dans un pays qui manque d'électricité, d'eau ou de services médicaux de base 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-1990).



(Lire aussi : La contestation de gauche face au Hezbollah)



Ogero, EDL et les banques
Dans le centre-ville de Beyrouth, les protestataires se sont mobilisés devant le siège principal de Touch à l'entrée de Beyrouth et devant le nouveau bâtiment polémique devant abriter les bureaux de cette société. Les dizaines de personnes réunies à ces deux endroits réclamaient notamment une réduction des tarifs de téléphonie mobile, qui sont parmi les plus élevés de la région. 

En soirée, toujours dans le centre-ville, des protestataires se sont rendus à Zaytouna Bay. Des échauffourées ont eu lieu entre eux et les agents des forces de l'ordre, ces derniers leur bloquant l'accès au site. Les forces de l'ordre ont fini par leur autoriser d'y entrer. Les manifestants ont choisi de se rendre à Zaytouna Bay parce qu'ils considèrent que les biens maritimes appartiennent au peuple et que le gouvernement n'a pas le droit de les privatiser. Sur place, les protestataires chantaient : "Zaytouna est à nous".

Dans le quartier beyrouthin de Hamra, les manifestants se sont réunis dans la matinée devant plusieurs banques, appelant à leur fermeture et tentant d'empêcher les clients d'y entrer. 

Un groupe de protestataires s'est par ailleurs rassemblé en fin d'après-midi devant l'une des entrées du Parlement, près de la mosquée al-Omari, dans le centre-ville, appelant notamment à l'application des lois contre la corruption.


Des manifestants devant le siège de Touch, à Beyrouth, le 5 novembre 2019. Photo Ani


Dans le Chouf, des jeunes ont bloqué dans la localité de Chhim l'entrée du siège d'Ogero, société chargée de la gestion des télécommunications fixes, ainsi que le siège local d’Électricité du Liban (EDL) à Mazboud, rapporte l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle). A Aley, des protestataires brandissant des drapeaux libanais ont obligé les employés des banques libanaises ouvertes à fermer leurs portes. 

A Nabatiyé, dans le Sud, les manifestants se sont rassemblés devant le siège de la BDL afin de réclamer notamment la mise à pied du gouverneur Riad Salamé. Ce mouvement de contestation a eu lieu sous haute supervision des Forces de sécurité intérieure.  



"Nous n’allons pas perdre espoir"
A Saïda
, toujours au Liban-Sud, les contestataires se sont rassemblés devant les entrées des sièges d'EDL, d'Ogero et des opérateurs de téléphonie mobile Alfa et Touch, de l'Office des eaux et de la Chambre du commerce et de l'industrie. Les manifestants se sont également mobilisés devant les différentes banques du centre de cette grande ville, les obligeant à fermer leurs portes. Des étudiants ont en outre organisé une procession dans les rues entourant la place Élia, épicentre de la révolte dans cette ville, rebaptisée place de la Révolution du 17 octobre, s'arrêtant brièvement devant le siège de la BDL où ils ont chanté des slogans hostiles à Riad Salamé.

Par ailleurs, des manifestants se sont assis par terre sur la place Élia et ont mis tout autour d’eux un grand drapeau, pour refuser d’évacuer la place, selon notre correspondant Mountasser Abdallah. L’armée les a encerclés, alors que des manifestants se sont attroupés dans le secteur, portant des banderoles affirmant "Si tu es avec la révolution, klaxonne". Les automobilistes passant près de la place ont commencé à actionner leur klaxon en solidarité. Les militaires avaient démantelé le podium à partir duquel les organisateurs du sit-in sur la place haranguaient la foule, ainsi que les tentes où campaient les protestataires sur le trottoir. Le chef de l’Organisation populaire nassérienne, Oussama Saad, a critiqué cette décision et affirmé que "le soulèvement populaire va s’intensifier jusqu’à réaliser ses objectifs".

En soirée, les manifestants étaient nombreux et déterminés. Un autre podium a été installé sur la place Élia qui a reçu des protestataires venus de Kfar Remmane et Tripoli.

Yaacoub, un diplômé de l’école technique, a affirmé : "J’ai eu mon diplôme depuis trois ans et depuis je cherche du travail, en vain. La révolution va se poursuivre jusqu’à ce qu’on parvienne à nos objectifs".
Mohieddine, un étudiant, a déclaré de son côté : "Nous n’allons pas perdre espoir, au contraire nous allons être encore plus déterminés. Nous voulons intensifier la pression pour la formation d’un gouvernement de gens honnêtes".

Au Liban-Nord, des manifestants ont déversé des déchets à l'entrée des bureaux de la fédération des municipalités de la localité de Zghorta. Les manifestants ont ensuite marché jusqu'au village voisin de Aqbé, brandissant des drapeaux libanais. Sur leur route, ils se sont arrêtés devant une banque dénonçant la hausse du cours du dollar et le chômage, scandant "A bas le régime des banques".


En outre, des manifestants se sont rassemblés au rond-point principal de Zahlé et formé une chaîne humaine. Toujours dans la Békaa, à Bar Élias, des protestataires se sont rassemblés, sous le regard de l'armée libanaise.




(Lire aussi : Bassil chez Hariri, une petite brèche dans l’immobilisme ambiant)



Mobilisation estudiantine
Des élèves et étudiants libanais se sont par ailleurs impliqués à leur façon dans le mouvement de contestation, malgré la réouverture de nombreuses écoles et universités après deux semaines de fermeture. 

A Achrafiyeh, des étudiants qui manifestaient devant l'AUST ont tenté à plusieurs reprises de bloquer la route passant devant l'université. Ils en ont été empêchés, de manière assez violente, par les forces de l'ordre, selon une information rapportée par la chaîne de télévision locale LBC. Les étudiants ont toutefois affirmé qu'ils resteraient mobilisés, jusqu'à nouvel ordre. Le ministre sortant de l’Éducation, Akram Chehayeb, a réagi à ces échauffourées et a pris la défense des jeunes manifestants, rappelant dans un communiqué que "le droit de manifester et de s'exprimer sont sacrés". Il a estimé que les mouvements estudiantins sont "le rempart permettant de protéger la démocratie", appelant encore à respecter les règlements en vigueur au sein de l'université.

Dans le Koura (Liban-Nord), les étudiants de l'Université de Balamand ont organisé un sit-in devant les portes de l'institution et se sont assis à même le sol sur la route y menant.


Sit-in des étudiants devant l'entrée de l'Université de Balamand, dans le Koura, le 5 novembre 2019. Photo Ani


A Kaslik, dans le Kesrouan, les étudiants ont fermé la route menant à l'Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK) au moyen de bennes à ordures.
Des élèves des différents cycles de l'école publique de Akkar el-Atika ont, eux, refusé de rentrer en classe et se sont assis dans la cour de l'école, scandant les slogans du mouvement de contestation.



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commentaires (5)

Jour XX super dialogue de sourds entre manifestants et responsables ou le silence pour former un gouvernement gagne du terrain .

Antoine Sabbagha

19 h 14, le 05 novembre 2019

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Commentaires (5)

  • Jour XX super dialogue de sourds entre manifestants et responsables ou le silence pour former un gouvernement gagne du terrain .

    Antoine Sabbagha

    19 h 14, le 05 novembre 2019

  • Et pendant ce temps, le pouvoir semble faire la grève, lu aussi. Toujours rien concernant la première revendication des manifestants: formation d'un gouvernement indépendant des partis. Est-il vraiment si difficile de trouver, au Liban, 15 personnes à la fois honnêtes et compétentes?

    Yves Prevost

    18 h 51, le 05 novembre 2019

  • Chers révolutionnaires, je vous ai compris. Vous n’aurez rien sans un minimum de débordement. Et le ralliement de quelques intellos de renom augmentera les chances de votre victoire. Ainsi la perspective qui se dessine sera un peu plus claire. Vive les revendications citoyennes. Avec vous de tout cœur, jusqu'à la victoire............

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    15 h 34, le 05 novembre 2019

  • JE NE LES COMPREND PAS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 58, le 05 novembre 2019

  • C'est une nouvelle activité pour des révolutionnaires mis en chômage technique. Et que les fonds Shwartz ( Soros ) continuent d'arroser.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 34, le 05 novembre 2019

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