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À La Une - Liban

Jour XIX : les contestataires maintiennent la pression

Utilisant des bennes à ordures, assis au milieu de la route, garant des voitures en travers de la chaussée, les manifestants ont bloqué lundi plusieurs autoroutes et des axes de circulation importants.



Des manifestants à Saïda, le 4 novembre 2019. AFP / Mahmoud ZAYYAT

Les protestataires libanais mobilisés depuis 19 jours contre le classe dirigeante et dont le mouvement de révolte a repris de plus belle dimanche en réaction au rassemblement de soutien au chef de l’État Michel Aoun et au leader du Courant patriotique libre Gebran Bassil, ont à nouveau coupé lundi plusieurs axes routiers à Beyrouth et dans l'ensemble des régions libanaises. Progressivement dans la journée, certains points de blocage, notamment sur l'autoroute à hauteur de Nahr el-Kalb, à Bahsas, dans le Koura, et à Abdé, dans le Akkar, au Liban-Nord, ont toutefois été rouverts. 

Utilisant des bennes à ordures, assis au milieu de la route, garant des voitures en travers de la chaussée, les manifestants ont bloqué lundi plusieurs autoroutes et des axes de circulation importants et empêché des banques et administrations publiques d'ouvrir. Les contestataires, de mieux en mieux organisés, ont installé des barrages routiers à travers le pays ces derniers jours, se livrant au jeu du chat et de la souris avec la police antiémeute.

Dans le centre-ville de Beyrouth, centre névralgique de la contestation, ils ont fermé la voie express du Ring. L'autoroute côtière reliant les villes du littoral du nord au sud du pays était également coupée à hauteur de plusieurs localités.

A Jbeil, l’autoroute est coupée dans les deux sens, vers Beyrouth et vers Tripoli. Les manifestants brûlent des pneus de part et d’autre de leur sit-in, au niveau du pont qui reprend la route vers Beyrouth. Ces fermetures ont causé de gros embouteillages sur la route maritime. En début d'après-midi, ces manifestants n'étaient pas nombreux, mais il est désormais de coutume que les rangs des contestataires grossissent en fin de journée. Les manifestants ont en outre d'ores et déjà installé des tentes sur le lieu du sit-in. Ils affirment avoir brûlé des pneus parce que des militaires en permission qui n’agissaient pas sous les ordres du commandement de l’armée insistaient pour passer à bord de voitures civiles. Ils se sont heurtés aux manifestants et l’armée a essayé de calmer la situation.



A Jbeil les manifestants ont brûlé des pneus et coupé l’autoroute. Photo Suzanne Baaklini



Certains blocages ont provoqué des tensions, notamment au rond-point Chevrolet, à la lisière de Beyrouth, où une esclandre a opposé une riveraine avec des manifestants, qui s'en sont brièvement pris à une correspondante de la chaîne OTV, affiliée au CPL. D'autres tensions ont été enregistrées dans d'autres points de blocage, notamment à Jal el-Dib, dans le Metn, et à Ghazir, où des soldats qui rentraient chez eux s'en sont pris à des manifestants qui bloquaient les routes.

En soirée, les manifestants rassemblés à Jal el-Dib ont décidé de rouvrir la route devant les voitures durant une heure seulement. La fermeture de cet axe principal avait provoqué des embouteillages monstres. 


(Lire aussi : Pour que la révolte devienne révolutionle commentaire d’Élie FAYAD)



"Salamé, voleur"
"Cela fait deux ans que je travaille par intermittence. je trouve un emploi et, près de trois ou quatre mois plus tard, je suis de nouveau au chômage. Actuellement j'ai un boulot, j'y vais pendant deux ou trois heures par jour puis je rejoins les manifestants", explique Mario, 29 ans, habitant à Beit-Méry, à notre journaliste Patricia Khoder qui se trouve à Jal el-Dib. "C'est une mobilisation pour notre dignité avant toute autre chose. Il n'y a pas de vraie coordination entre les rues, déplore Mario. Personnellement j'aurais aimé qu'il y ait un comité au nom de la révolution pour organiser ce mouvement.

Youssef ,29 ans, propriétaire d'une imprimerie, habitant à Dekouané, prend également part au mouvement de protestation à Jal el-Dib : "Hier soir, quand on m'a dit que les contestataires allaient couper la route, je ne suis pas venu. Mais quand j'ai su que l'armée était en train de tabasser des manifestants, cela m'a donné du courage et je me suis rejoint à eux dès le matin. Il faut rester dans la rue, jusqu'au lancement des consultations parlementaires pour la désignation d'un Premier ministre et la formation d'un nouveau gouvernement".


A Saïda, au Liban-Sud, des groupes de jeunes manifestants ont pris d'assaut les établissements bancaires de la ville, situés dans la rue des banques. L'armée a tenté en vain de repousser les protestataires qui scandaient "Salamé, voleur", à l'adresse du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. Les manifestants se sont divisés en groupes qui sont chacun entrés de force dans un établissement, forçant les employés à sortir et provoquant la fermeture des banques. Selon notre correspondant sur place Mountasser Abdallah, les institutions publiques et les commerces ont gardé porte close, tout comme les écoles et les universités. Les manifestants ont en outre forcé la fermeture des sièges d'Electricité du Liban et de l'Office des eaux de la localité, ainsi que ceux d'Ogero, la compagnie publique de téléphone, et des opérateurs de téléphonie mobile Alfa et Touch.  Dans la matinée, l'armée a de son côté rouvert les routes, notamment au carrefour d'Elia, place forte de la contestation dans la grande ville du Liban-Sud. 

A Tripoli également, de jeunes manifestants sont entrés dans les banques et ont réussi à fermer plusieurs établissements bancaires sans violence.

La plupart des écoles et des universités restaient fermées lundi, sauf dans le nord de la Békaa. Alors que les banques ont rouvert sur l'ensemble du territoire vendredi, certaines agences dans certaines régions ont dû fermer leurs portes face à la pression des manifestants.

La veille, le mouvement de contestation contre le régime actuel au Liban, qui avait baissé d'intensité ces derniers jours après la démission mardi du Premier ministre, a repris de plus belle pour le "dimanche de l'unité" de tous les Libanais, notamment après le rassemblement de plusieurs milliers de partisans du CPL sur la route du palais de Baabda, au cours duquel le chef du courant aouniste et le président Aoun se sont exprimés. 

Depuis le 17 octobre, le Liban est secoué par un soulèvement inédit ayant mobilisé des centaines de milliers de manifestants, qui crient leur ras-le-bol face à une économie au bord du gouffre, mais aussi une classe politique jugée corrompue et incompétente, dominée depuis des décennies par les mêmes clans.


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