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La révolution en marche - Reportage

Le « non » assourdissant de la rue à Beyrouth

Rassemblement massif, dans le centre-ville, des manifestants, qui mettent la pression pour une accélération de la formation du nouveau gouvernement.


La mobilisation relancée, hier, dans le centre-ville de Beyrouth. Patrick Baz/AFP

Les places des Martyrs et de Riad Solh étaient noires de monde hier dès 16 heures. Les manifestants ont répondu en masse aux appels de la société civile, formant l’un des rassemblements les plus importants depuis le début du soulèvement populaire, il y a 18 jours. « Kellon, yaani kellon » (tous sans exception), répétait la foule en chœur. Comme en réponse aux discours officiels, généralement conciliants, de ces quelques jours – le président de la République Michel Aoun, jeudi, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, vendredi, le ministre démissionnaire des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, hier dimanche –, les protestataires ont prouvé par leur présence massive qu’ils ne lâchaient rien.

De plus, l’incertitude entourant les concertations parlementaires pour la formation d’un nouveau gouvernement, suite à la démission du Premier ministre Saad Hariri mardi dernier, n’ont fait que renforcer la détermination de la rue. « Nous restons prêts à manifester, à bloquer les routes et à faire grève, criait une meneuse au micro hier, place des Martyrs. Cela n’a aucun sens de laisser nos étudiants aller à l’université pour mendier un travail une fois leur diplôme en poche. »

Siraj, un universitaire, a fait le déplacement, comme beaucoup de manifestants, « pour garder la révolution vivante ». « Il faut que les officiels soient conscients du fait qu’ils ne peuvent plus prendre leurs décisions sans tenir compte de nous, dit-il à L’Orient-Le Jour. Nous leur montrons que nous continuons à faire pression. »

Cet état d’esprit était présent chez tous les manifestants interrogés, qui sont loin d’avoir été convaincus par les responsables, les soupçonnant même de vouloir récupérer les acquis de la révolution. Pour Mayada, la trentaine, « si Hassan Nasrallah voulait vraiment combattre la corruption, il aurait demandé à son député Hassan Fadlallah de révéler les dossiers qu’il affirme avoir en sa possession, et il n’aurait pas adopté ce ton moqueur dans son premier discours après le début des manifestations ». « Quant à Gebran Bassil, il semble surtout vouloir se justifier, poursuit-elle. Mais il a fait plus de tort que de bien au président de la République en suggérant, par la manifestation organisée aujourd’hui (hier), que la route de Baabda n’est ouverte qu’à ses propres partisans. Ils n’arriveront cependant pas à nous priver du principal acquis de cette révolution décentralisée qui a aboli les barrières confessionnelles. »

Les responsables « récupèrent les discours de la révolution », déclare un couple de manifestants, qui estime cependant que les protestataires « ne se laisseront plus ni séduire ni provoquer ». Concernant la formation du futur gouvernement, ils estiment que le peuple « ne va plus lâcher prise » et que si les noms des futurs ministres ne sont pas satisfaisants pour les Libanais, « ils descendront encore et encore » manifester dans les rues du pays. Les événements de la soirée n’ont pas tardé à leur donner raison.




(Lire aussi : Pour que la révolte devienne révolution, le commentaire d'Elie FAYAD)


« Je ne veux plus frapper à des portes »
Les jeunes forment toujours la grande masse des manifestants. Lynn vient de décrocher un master et, malgré de brillantes études, reste sans travail en raison d’une santé précaire et d’une mobilité réduite. « À chaque fois que je présente mon CV, on me dit qu’il est excellent mais qu’on ne peut m’accepter en raison de ma santé, dit-elle. Certains me conseillent d’aller frapper à des portes de hauts responsables, mais je refuse de le faire. Je suis là parce que je veux vivre dans un pays où mes droits sont préservés. »

De jeunes universitaires issus de la montagne mettent le doigt sur la plaie quand ils évoquent un conflit de générations. « Nous ne sommes pas de la génération de la guerre comme nos parents, disent-ils. Eux se méfient des autres religions. Nous, nous sommes différents. Nous avons des amis de tous les horizons, nous ne voulons plus être divisés et ne laisserons pas les responsables semer la zizanie entre nous, comme cela semble être leur intention par leurs atermoiements et leurs discours doucereux. »


(Lire aussi : Baabda continue de faire la sourde oreille aux manifestants)


Débat avec des journalistes d’investigation
Les révolutionnaires ont bel et bien pris leurs quartiers au centre-ville, où un drapeau de plusieurs mètres de long fait son entrée en soirée, porté par plusieurs jeunes. Outre la plateforme centrale qui a accueilli hier Madi K., le fameux DJ de Tripoli, face à un public qui s’étendait sur toute la place des Martyrs, le parking de l’immeuble des lazaristes a été le théâtre de débats. Un débat particulièrement animé qui s’est déroulé en présence de plusieurs journalistes d’investigation de la chaîne al-Jadeed, qui viennent de faire l’objet d’une émission sur cette même chaîne deux jours plus tôt. Leurs reportages ont été effectués durant les années précédentes sans avoir eu l’effet escompté auprès de la justice. Un public nombreux et fasciné écoute les journalistes et pose des questions, avide d’en savoir plus.

Du côté de Riad Solh, il est difficile de se mouvoir tant la foule est dense. Un meneur harangue les protestataires et scande des slogans essentiellement dirigés contre le système bancaire et en relation avec la crise économique. Un jeune artiste fait sensation avec une chanson personnelle qui mêle le « zajal » traditionnel au rap…

De l’attitude des manifestants se dégage une seule certitude : ils ne sont pas près de sortir de la rue. Les appels à la grève se succèdent sur la place comme sur les réseaux sociaux. Un peu plus haut, le pont du Ring ne tarde pas à être de nouveau fermé par les manifestants. Une nouvelle semaine de mouvements populaires s’annonce.



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Les places des Martyrs et de Riad Solh étaient noires de monde hier dès 16 heures. Les manifestants ont répondu en masse aux appels de la société civile, formant l’un des rassemblements les plus importants depuis le début du soulèvement populaire, il y a 18 jours. « Kellon, yaani kellon » (tous sans exception), répétait la foule en chœur. Comme en réponse aux discours...

commentaires (8)

quand le liban sera declare en faillitte et que les banques et institutions internationales poursuivront en justice les politiciens pour saisir leur biens immobiliers et leur argent caches dans des offshore , on saura qui est corrompu et qui ne l'est pas ( cad 101% des politiciens a un moment ou un autre) avant cela personne n'y fera rien car Hezballah, le complice de Aoun ne le permettra pas , par la force certainement souvenez vous de cela et preparez vous a la riposte comme Bachir l'a fait en 1975

LA VERITE

17 h 59, le 04 novembre 2019

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Commentaires (8)

  • quand le liban sera declare en faillitte et que les banques et institutions internationales poursuivront en justice les politiciens pour saisir leur biens immobiliers et leur argent caches dans des offshore , on saura qui est corrompu et qui ne l'est pas ( cad 101% des politiciens a un moment ou un autre) avant cela personne n'y fera rien car Hezballah, le complice de Aoun ne le permettra pas , par la force certainement souvenez vous de cela et preparez vous a la riposte comme Bachir l'a fait en 1975

    LA VERITE

    17 h 59, le 04 novembre 2019

  • le plus grave de tout cela est que les messieurs en question- les dames aussi- ne semblent nullement avoir vraiment la VOLONTE de bien faire, de mieux faire serait ridicule a ecrire puisqu'ils n'ont jamais fait rien d'un peu bien ...

    Gaby SIOUFI

    16 h 44, le 04 novembre 2019

  • C’est miraculeux l’effet de l’ego même chez les vieux frappés de mutisme par on ne sait quelle maladie 8 jours durant que les millions de Libanais étaient dans la rue, il ne va pas à leur rencontre ni ne leur permet de le rencontrer devant son palais qui est en fait celui de tous les citoyens. Il choisi de faire enfin un discours balbutiant et cafouillant par le moyen d’un enregistrement. Et là , miracle pour quelques milliers scandant son nom, il sort à leur rencontre la parole fluide et se permet même pour clore son discours une Anecdote qui n’a convaincu que ses partisans. Quel Clown que ce président. Tordant son humour

    Sissi zayyat

    10 h 13, le 04 novembre 2019

  • « Notre » président pense qu’il est nécessaire de gérer la situation calmement et sans précipitation, donc les consultations parlementaires pourront attendre, après tout les citoyens ont attendu 29 ans ils peuvent bien attendre encore une semaine, Hier notre ministre, le gendre, atteint d’une libido narcissique a affiché sans retenue sa satisfaction d’avoir rassemblé cinquante mille individus qui ont adopté une posture qui exprime la reconnaissance d’une certaine supériorité de leur guide suprême et tant pis pour les deux millions d’imbéciles. qui battent le pavé depuis deux semaines , après tout il nous a bien dit qu’il nous aimait et on devra s’en contenter.

    C…

    08 h 51, le 04 novembre 2019

  • TERGIVERSATION ET MAUVAISE FOI SONT DANS LE MENU DES GOUVERNANTS. ILS ESSAIENT DE GAGNER DU TEMPS DANS L,ESPOIR QUE LA CONTESTATION SE DEGONFLE. VAINE TENTATIVE. LE PEUPLE NE DECOLERE PAS ET RESTE SUR SES REVENDICATIONS. THAWRA ! THAWRA ! KELLON YE3NI KELLON ! GOUVERNEMENT DE TECHNOCRATES. NI LE GENDRE NI LES DEUX MILICES. CHANGEMENT RADICAL. ET LE PEUPLE AURA RAISON.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 27, le 04 novembre 2019

  • Aoun et Nasrallah doivent partirent. C est actuellement eux la tête de ce régime consensuellement corrompu qui place des gendres et des parrains mafieux à tous les verrous de l'état.

    Aboumatta

    07 h 08, le 04 novembre 2019

  • Mais certainement que les gens vont redescendre dans la rue... Le pire de la part de nos dirigeants, c’est de prendre les gens pour des imbéciles: il est clair que le Président tergiverse, prononce des discours mielleux ainsi que son gendre, essaye de récupérer leurs revendications et croire qu’avec un peu de temps il pourra refaire un gouvernement mi-figue, mi-raisin, et on continue sur notre lancée comme si de rien n’était... Vous parlez de ce reportage du Al-Jadeed sur la corruption qui a duré plus de deux heures il y’a deux jours: il est d’ une incroyable actualité et relate des scandales inimaginables, bien documentés, dans presque tous les ministères, qui n’épargnent aucune communauté et qui perdurent depuis 3 décennies... C’est tellement énorme qu’on en reste bouche bée: une grotte d’Ali Baba devient une bagatelle si la moitié de ce qu’ils rapportent est réel... Un pillage et destruction systématique de tout un pays ( et on parle du vol de dizaines de milliards de dollars) au profit de moins de 1% d’une mafia trans-communautaire qui se sentait intouchable! Tellement choquant et révoltant qu’on appuie à fond les revendications de la rue.... Sauf que, il ne faut pas rêver en couleurs: le chemin va être très long et plein d'embûches mais il n’y a plus de retour en arrière!

    Saliba Nouhad

    01 h 36, le 04 novembre 2019

  • Le pouvoir en place devra tôt ou tard cesser d’être dans le déni et les vaines paroles et comprendre que ce qui se passe n’est pas une révolte mais une révolution qui durera le temps qu’il faudra! Sans obtenir ses droits, le peuple uni ne cédera jamais!

    Dounia Mansour Abdelnour

    00 h 58, le 04 novembre 2019

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