Les signes inquiétants d’une impasse politique s’accumulent : face à une rue en pleine ébullition réclamant la formation d’un gouvernement apolitique capable de redresser le pays dans les plus brefs délais, le palais de Baabda continue de tergiverser au sujet des consultations parlementaires contraignantes pour la nomination du futur Premier ministre. Hier soir, aucune date n’avait encore été fixée pour le début de ces consultations. Et une source proche de la présidence a confié à L’Orient-Le Jour que contrairement aux annonces antérieures, les consultations parlementaires risquent de ne pas avoir lieu aujourd’hui ou demain. Le traditionnel communiqué convoquant les députés au palais présidentiel pourrait être publié mercredi, et les consultations se tenir jeudi, ajoute-t-on de même source.
Ce n’est donc que près de dix jours après la démission du Premier ministre Saad Hariri que le mécanisme constitutionnel de la formation d’une nouvelle équipe pourrait être mis sur les rails officiellement. Un constat qui n’est pas sans susciter la colère des protestataires, qui ont augmenté leur pression en faveur d’un cabinet composé de personnalités indépendantes, en se rassemblant hier massivement dans les places publiques de Beyrouth, mais aussi dans plusieurs régions.
Le bureau de presse de Baabda avait publié samedi un communiqué dans lequel il avait précisé que « la date des consultations parlementaires sera fixée prochainement ». « Depuis la démission du Premier ministre, le président de la République a procédé aux contacts nécessaires préalables à la désignation de la date des consultations parlementaires contraignantes. La situation actuelle dans le pays exige une gestion calme de la situation, qui requiert de surmonter certains obstacles afin que la désignation (du Premier ministre) soit naturelle et facilite ensuite la formation du gouvernement », poursuit le communiqué. « Le président estime que les grands défis auxquels le futur gouvernement sera confronté imposent une approche rapide mais non précipitée du processus de désignation, car la précipitation dans de tels cas peut avoir des répercussions néfastes », ajoute le texte.
Le palais de Baabda serait donc en train de faciliter la tâche du futur Premier ministre. « D’autant que dans les circonstances actuelles, il faut mieux distiller un climat d’entente généralisée, avant de lancer les tractations gouvernementales », souligne un proche de Baabda à L’OLJ. Il confie que les contacts menés par Michel Aoun portent sur la forme de la future équipe qui semble osciller entre un gouvernement à dominante politique, un cabinet de spécialistes, ou encore une équipe dite « techno-politique », combinant les deux premières formules.
Mais dans certains milieux politiques hostiles au pouvoir en place, on ne perçoit pas les choses sous cet angle. « Les soi-disant contacts visent à imposer l’intégration du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, au prochain gouvernement », déclare ainsi à L’OLJ Marwan Hamadé, député joumblattiste du Chouf. Il insiste, toutefois, sur le fait que « la première leçon à tirer des gigantesques manifestations d’aujourd’hui (hier) réside dans le fait que la rue n’acceptera pas un gouvernement qui inclurait M. Bassil ». C’est également dans le même sens que pourrait aller un tweet hier du leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, dont les rapports avec M. Bassil et son parti sont en dents de scie depuis des mois. « À l’heure où la crise politique bat son plein, et après que le mouvement contestataire eut fait tomber la majorité (si ce n’est l’ensemble) de la classe politique, certains ignorent la Constitution, sous prétexte d’assurer la formation du gouvernement avant la désignation du Premier ministre, et ce dans le but de préserver les intérêts despotiques d’une personne et d’un courant politique anarchique », a écrit le leader druze dans une claire allusion au CPL et son chef, gendre du chef de l’État.
(Lire aussi : Pour que la révolte devienne révolution, le commentaire d'Elie FAYAD)
Un gouvernement sans Bassil ?
Ces atermoiements dans la désignation du futur chef du gouvernement interviennent à l’heure où les relations entre Saad Hariri et Gebran Bassil, les deux piliers du compromis présidentiel de 2016, qui avait donné le coup d’envoi au mandat de Michel Aoun, passent par de graves secousses, le parti fondé par le chef de l’État accusant M. Hariri de l’avoir « trahi » en annonçant sa démission-surprise, mardi dernier, sans en avoir informé le CPL ou Baabda à l’avance. La glace entre les deux parties devrait être brisée par leur premier contact concernant la formation du cabinet « et qui devrait avoir lieu aujourd’hui », comme l’a déclaré Alain Aoun, député aouniste de Baabda à la MTV. Ce geste est notable dans la mesure où il pourrait paver la voie à un appui aouniste à un éventuel retour de M. Hariri au Grand Sérail. D’autant que des sources aounistes avaient indiqué à L’OLJ que le CPL ne nommera pas M. Hariri avant d’entrer en contact avec lui.
À une question portant sur un éventuel substitut à M. Hariri à l’heure actuelle, les sources CPL précisent que si M. Hariri ne prend pas contact avec la formation de M. Bassil, et s’il s’avère impossible de lui trouver un substitut, le CPL pourrait s’abstenir de nommer un chef du gouvernement.
En face, le courant du Futur semble conscient de l’ampleur de la pression populaire qui avait amené Saad Hariri à jeter l’éponge. Il semble donc déterminé à continuer à répondre favorablement à ses demandes. « Nous sommes conscients que Gebran Bassil est une figure que les manifestants refusent et jugent provocatrice. Nous souhaitons donc pouvoir former un cabinet qui ne l’inclurait pas », déclare sans détour Moustapha Allouche, membre de la direction du parti haririen. Il souligne aussi que M. Hariri souhaite former un cabinet d’indépendants, tel que réclamé par les manifestants. M. Allouche réagissait ainsi à l’équation établie, il y a quelques jours, par les milieux aounistes, selon laquelle la reconduction de Saad Hariri à son poste devrait aller de pair avec une nouvelle nomination de M. Bassil à la tête d’un ministère.
(Reportage : Le « non » assourdissant de la rue à Beyrouth)
Quant aux alliés traditionnels du Futur, en l’occurrence les Forces libanaises et le PSP, ils se montrent favorables à un cabinet d’indépendants dirigé par le leader du Futur. Pour Marwan Hamadé, c’est d’« un gouvernement neutre et indépendant, capable de dialoguer avec les protagonistes locaux et les bailleurs de fonds dont le Liban a besoin ». « Si Michel Aoun ne voit pas les choses sous cet angle rapidement, la révolte populaire visera son régime », a-t-il averti.
Mais c’est surtout sur le camp du 8 Mars que les regards seront braqués durant les prochains jours, dans la mesure où Saad Hariri a démissionné en dépit de la volonté de Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah. Une attitude à même de faire craindre un veto du parti chiite au retour de Saad Hariri. Mais pour le moment rien n’est définitif, assure une source informée, tout en affirmant que le substitut à M. Hariri existe, si ce dernier décide de se retirer de la vie politique. Mais l’important, c’est qu’il ne tente pas d’imposer des conditions à la majorité parlementaire, note-t-on de même source.
Lire aussi
Ceux qui voient un complot derrière la révolte libanaise
commentaires (11)
police arrested 10 suspects on Monday morning and detained nine others for questioning on suspicion of involvement in bribery, fraudulent receipt of funds, money laundering, income tax offenses and other financial crimes. Among those involved were two senior figures in local government. pardon ce n'est pas au liban C'EST EN ISRAEL CE MATIN PAS DE COMMENTAIRES SUPPERFLUS
LA VERITE
13 h 51, le 04 novembre 2019