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Liban - Reportage

Au cœur de Beyrouth, la détermination des manifestants l’emporte sur les intimidations

Les attaques perpétrées par les partisans du Hezbollah n’ont pas réussi à déloger les protestataires places des Martyrs et Riad el-Solh. Moins d’une heure plus tard, le centre-ville était de nouveau tenu par les manifestants.

La joie des manifestants, à Beyrouth, après l’annonce par Saad Hariri de sa démission, hier. Patrick Baz/AFP

Ni les intimidations ni les attaques violentes perpétrées hier par des partisans du Hezbollah n’auront réussi à faire fléchir les protestataires qui investissent les places Riad el-Solh et des Martyrs depuis treize jours. Une heure à peine après les assauts perpétrés contre eux par des partisans du Hezbollah, ils ont réussi à restituer aux places détruites leur aspect d’avant les violences.

À 17 heures, de nombreuses tentes, saccagées par les assaillants, avaient déjà été remplacées par d’autres grâce aux efforts conjoints des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes, mobilisés au centre-ville de Beyrouth. Les travaux se poursuivaient en début de soirée pour reconstruire les estrades. Des centaines d’hommes et de femmes s’affairaient à cet effet. Seul un tas de barres de fer empilées au beau milieu de la place et surmontées d’un drapeau libanais rappelait la scène de guerre qui a eu lieu en début d’après-midi. Hier soir, après les violences, l’ambiance est de nouveau à la mobilisation. Plus que jamais.

« Nous construisons, s’exclame Youssef, jeune étudiant. Ils ne réussiront pas à nous faire peur. D’ailleurs, ces attaques n’étaient pas surprenantes. Nous nous y attendions. Gandhi avait dit : d’abord ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, après ils vous combattent et, enfin, vous gagnez. Nous allons gagner. »

« Nous resterons sur la place, renchérit Farah, en mettant de l’ordre dans une tente adjacente. Personnellement, je n’ai plus rien à perdre. J’ai été congédiée de mon travail, parce que j’ai pris part aux manifestations. Je n’ai pas le sou, je ne sais pas comment je vais payer mon loyer à la fin du mois, mais peu importe. J’ai besoin de participer à cette révolution pour garantir mon avenir. Je ne veux pas émigrer. Je crois fermement que ce soulèvement mènera au changement que nous désirons. Je préfère mourir durant cette révolution que de revivre dans les mêmes conditions qui prévalaient avant le 17 octobre. »


(Lire aussi : D’une pierre trois coups, l'éditorial de Issa GORAIEB)



« Vous êtes la fierté de la révolution »

Sur la place des Martyrs, l’hymne national est diffusé sur des haut-parleurs, ainsi que l’hymne de la révolution adapté sur les airs de l’hymne à la joie de Beethoven, l’une des versions libanisées de Bella Ciao et d’autres chansons patriotiques. Au micro, un jeune annonce à la foule que « la révolution a marqué un premier point », en référence à la démission du chef du gouvernement Saad Hariri, annoncée quelques heures plus tôt. « Nous avons gagné, crie-t-il au micro. Je salue les jeunes femmes et hommes qui ont été attaqués par les milices des partis au pouvoir. Vous êtes la fierté de la révolution. Aujourd’hui (hier), nous célébrons une première victoire. La deuxième étape consistera à former un gouvernement de spécialistes. »

Rapidement, la foule des manifestants commence à grossir. Certains sont accompagnés de leurs enfants. Rassemblés par petits groupes de trois ou de quatre personnes, certains s’essaient à analyser la situation. « (Saad) Hariri aurait dû démissionner dès le premier jour puisqu’il est soucieux de ne pas entraîner le pays dans une grave crise socio-économique, observe ainsi Diane. Ça aurait été tout en son honneur. » « Il aurait pu éviter ces attaques qui ont eu lieu aujourd’hui (hier) contre des gens pacifiques », dit Hassan. « Mais comme une des victimes de ces agressions l’a bien dit, il faut tolérer ces personnes, après tout ce sont des Libanais comme nous, reprend Diane. Comme elle l’a dit aussi, il faut renforcer l’enseignement dans les écoles publiques, parce que ces personnes n’ont eu pour valeurs que celles apprises dans les écoles des zaïms. »

Issam discute avec une amie. « Ce soir, je ne comptais pas venir, affirme-t-il. Je voulais profiter de la soirée pour me rendre dans mon village. Mais lorsque j’ai vu ces images de guerre à la télé, j’ai décidé de descendre dans la rue. »

« J’ai envie de pleurer », confie Norma. Accompagnée de ses amis, elle a tenu à descendre dans la rue après les attaques contre les manifestants pacifiques. « J’ai été déçue par la révolution du Cèdre de 2005, poursuit-elle. Cette révolution a réhabilité le Liban à mes yeux. C’est une union de tous les Libanais, toutes communautés et classes sociales confondues. Je prends part à cette révolution pour mon fils, dans l’espoir qu’il puisse rentrer un jour travailler au Liban. » « Moi, je le fais pour soutenir ce peuple que je côtoie dans la misère depuis vingt-cinq ans », soutient de son côté Nicole.


(Repère : Du début du soulèvement à la démission de Hariri : retour sur 13 jours de révolte inédite au Liban


« Nous y arriverons ! »

À la place Riad el-Solh, les traces de destruction ont aussi été balayées en début de soirée. La foule est en liesse. Elle chante et danse pour célébrer « la démission du Premier ministre », mais aussi pour montrer « aux agresseurs qu’ils n’auront pas raison de notre détermination à la vie », lance Fadoua. « Nous resterons sur la place, jusqu’à ce que nos revendications soient satisfaites », insiste-t-elle. « La démission n’est qu’une première étape d’un long chemin vers l’édification d’un État de droit avec à sa tête un chef national qui fait primer les intérêts du peuple et du pays sur les siens propres », déclare de son côté Mohammad.

Des protestataires font le va-et-vient entre les deux places pour examiner l’ampleur des dégâts. Ils se félicitent et réitèrent leur détermination à aller jusqu’au bout. « La démission du Premier ministre n’est que la première étape dans notre guerre contre la corruption, insiste Anthony. Nous y arriverons… une étape après l’autre ! »



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commentaires (3)

Les articles de Scarlett Hadda nous manquent terriblement pour pouvoir jauger tout cela et avoir un autre point de vue plus sain . Où es-tu Scarlett ?

Chucri Abboud

10 h 30, le 30 octobre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Les articles de Scarlett Hadda nous manquent terriblement pour pouvoir jauger tout cela et avoir un autre point de vue plus sain . Où es-tu Scarlett ?

    Chucri Abboud

    10 h 30, le 30 octobre 2019

  • CA NE MARCHE PLUS LES INTIMIDATIONS ET LES MENACES DES DEUX MILICES IRANIENNES. ADIEU AU TRIPTYQUE IMAGINAIRE, LE PEUPLE NE FAISANT POINT PARTIE. NI GENDRE NI HEZBOLLAH ET AMAL.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 45, le 30 octobre 2019

  • Comment peut-on légalement congédier un employé parce-qu’il a exprimé ses opinions politiques ?? On peut tout au plus lui déduire les jours d’absence au travail de ses salaires. Du véritable terrorisme économique . Partout dans le Monde l’entreprise et l’employeur seraient sévèrement sanctionnés..! Une des choses qui devra aussi changer. A rajouter à la liste des doléances..

    LeRougeEtLeNoir

    08 h 47, le 30 octobre 2019

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