Suite à leur communiqué conjoint publié vendredi dans lequel ils avaient exprimé leur appui au soulèvement populaire, le décrivant comme « un authentique sursaut national, le plus grand mouvement national unificateur depuis 1943 », les présidents de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et de l’Université Saint-Joseph (USJ), Fadlo Khuri et Salim Daccache, ont été reçus hier par le chef de l’État, Michel Aoun, qui s’est entretenu avec eux des développements politiques et sécuritaires en cours, leur demandant de mettre en garde les jeunes contre les dangers que représente le blocage des routes.
Le communiqué de vendredi avait suivi une lettre circulaire adressée par le provincial du Proche-Orient et du Maghreb des pères jésuites, le P. Dany Younès, aux membres de son ordre au Liban, dans laquelle il leur demande de « se rendre disponibles pour apprendre de cette motion populaire, y participer et l’accompagner vers les meilleures fins qu’elle poursuit afin qu’elle reste fidèle à son esprit et à sa vocation ». Concernant la visite à Baabda, elle s’est effectuée « sur invitation du président Aoun », indique à L’Orient-Le Jour Fadlo Khuri, affirmant que celle-ci a été adressée aux deux responsables universitaires pour que le chef de l’État entende de plus près leur point de vue.
« La discussion a été franche », s’est contenté d’indiquer M. Khuri. Le chargé de communication de l’AUB, Simon Kachar, n’a pas été plus loquace, déclarant simplement que la réunion est en relation avec le fait que, dans leur communiqué, M. Khuri et le P. Daccache « se sont montrés prêts à mettre leurs moyens à la disposition de toutes les parties concernées en vue de contribuer à toute solution qui ouvre la porte au salut national ». Selon le site d’information en ligne al-Moudoun, l’idée d’inviter les deux présidents d’université à Baabda semble provenir de l’une des filles du président, qui se trouverait ouvertement en conflit avec son beau-frère, Gebran Bassil, chef du CPL, et qui voulait faire entendre au chef de l’État le point de vue des présidents des deux universités sur ce qui se passe dans le pays.
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Un esprit nouveau
Selon un recoupement d’informations recueillies par L’OLJ auprès de personnes ayant assisté à la réunion et requérant l’anonymat, la question qui tenaille le président Aoun est la fermeture des routes. Il aurait demandé aux responsables des deux universités d’intensifier leurs contacts auprès des jeunes protestataires afin de leur expliquer quels sont les avantages du dialogue auquel il les a conviés. Il aurait, dans ce cadre, mis en garde ses interlocuteurs contre « les dangers encourus à cause du blocage des réseaux routiers et de la fermeture des centres névralgiques du pays comme les banques, les universités et les écoles ».
Fadlo Khuri et Salim Daccache auraient pour leur part mis l’accent sur leurs inquiétudes liées au chômage des jeunes, soulignant que sur des dizaines de milliers de diplômés chaque année, seuls 3 000 ou 4 000 trouvent du travail. Ils auraient expliqué au chef de l’État que le soulèvement populaire ne se réduit pas à des revendications mais qu’il représente « un esprit nouveau poussant les Libanais à travailler ensemble pour un État civil qui outrepasserait le confessionnalisme et les quotas, et serait fondé sur les valeurs d’égalité dans les droits et devoirs ». Ils auraient évoqué à cet égard « l’humiliation » que ressentent les jeunes diplômés lorsqu’il s’agit pour eux de devoir solliciter un « zaïm » pour trouver du travail.Contacté par L’OLJ, le P. Daccache indique qu’il transmettra le message présidentiel au cours d’une réunion prévue aujourd’hui avec les doyens, recteurs et enseignants de l’université. Il précise toutefois que cette réunion, qui était prévue avant la visite à Baabda, a plutôt pour objectif de faire « une mise au point de la situation actuelle » et d’anticiper autant que possible « le cours que pourraient prendre les choses ».
(Lire aussi : La révolution à un tournant décisif, l’édito de Émilie SUEUR)
« Blocage politique »
Les interlocuteurs ont par ailleurs convergé sur les souffrances du peuple libanais, jugeant normal que celui-ci élève la voix pour se faire entendre. « Le président de la République s’est déclaré en faveur de ceux qui élèvent la voix pour exprimer leurs besoins », indique l’une des personnes interrogées par L’OLJ, soulignant qu’« il reçoit positivement le cri des jeunes contre la corruption ».
M. Aoun aurait en outre affirmé qu’il a beaucoup œuvré en vue de mettre un terme à la corruption, mais qu’il ne détient pas les moyens constitutionnels pour intervenir dans la crise présente. « S’il a évoqué la question du remaniement ministériel, nous avons toutefois compris que la solution n’est pas entre ses mains », rapporte à cet égard la même personne interrogée, estimant qu’« une sorte de blocage politique se dessine ».
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IL EST HONTEUX DE DIRE QUE LA SOLUTION N,EST PAS ENTRE LES MAINS DU CHEF DE L,ETAT. ELLE L,EST BEL ET BIEN. LE CHEF DE L,ETAT AVEC LE PREMIER MINISTE PEUVENT CHANGER LES CHOSES S,ILS NE FONT PAS CAS DES PRESSIONS ET DES MENACES DES DEUX MILICES IRANIENNES ET SURTOUT DU GENDRE.
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 38, le 29 octobre 2019