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Liban - Reportage

Au « Ring Plaza », les manifestants prennent leurs quartiers

Réfrigérateur, tapis, canapés, générateur, bureau, matelas et plante... C’est un véritable salon à ciel ouvert qu’ont recréé les protestataires sur le pont qui traverse Beyrouth.

Le salon en plein air recréé par les manifestants. Photo Julie Kebbi

Vêtue d’une simple chemise de nuit rose pastel, une petite silhouette aux boucles blanches se faufile au milieu de la foule. Les manifestants s’écartent pour laisser passer Laure Ghorayeb, la pressant de s’asseoir sur le fauteuil posé au milieu du Ring près de Tabaris. « Pour tes beaux yeux ya Téta, on va faire tomber le gouvernement ! » scande un groupe de jeunes. « Je suis venue à la rencontre de ceux que je considère comme mes petits-enfants », dit l’ancienne journaliste du Nahar et du Jour, âgée de 88 ans, en lançant un regard tendre aux jeunes assis par terre autour d’elle. « J’adore ce qu’ils ont fait, c’est très intelligent », observe-t-elle.


Depuis samedi soir, les manifestants font le pied de grue sur cette artère qui relie l’est et l’ouest de Beyrouth. Ancienne ligne de démarcation lors de la guerre civile, le lieu est stratégique et chargé d’histoire.

Plus tôt dans la journée, les forces anti-émeutes ont à nouveau essayé, après une première tentative samedi, de déloger les contestataires, sans succès. Désormais, le Ring est le nouveau spot des partisans de la révolution qui traverse le Liban depuis le 17 octobre. Réfrigérateur, tapis, canapés, générateur, bureau, matelas et plante... C’est un véritable salon à ciel ouvert qu’ont recrée les protestataires. Un vrai décor de théâtre au milieu d’un axe généralement en proie à des embouteillages monstres. Au sol, une inscription à la craie annonce la couleur : « Bienvenue au Ring Plaza ».

Chacun y trouve son compte. Certains se reposent sur les canapés en écoutant de la musique et discutent de l’avenir du pays. D’autres font du skateboard, improvisent un match de foot ou jouent à la marelle. Lundi matin, une dizaine de personnes ont apporté leurs tapis pour un cours de yoga évidemment gratuit. L’ambiance est bon enfant et les activités pour s’occuper ne manquent pas.

« C’est notre manière de nous exprimer, de montrer que l’on manque d’espaces publics à Beyrouth », explique Karl Metni, âgé de 26 ans. « C’est un moyen d’accentuer la pression tout en rendant la pareille au gouvernement, qui n’a eu de cesse de bloquer les routes pour faire passer les convois officiels », estime-t-il. Visage caché par un bandana bleu et emmitouflée dans un k-way rouge, Racha explique être venue malgré l’interdiction de ses parents. « Ils soutiennent le mouvement mais ont peur pour ma sécurité », confie-t-elle. « Mais j’ai un sentiment de culpabilité si je ne viens pas, on en est au point où on doit prendre les choses en main par nous-mêmes », continue-t-elle.

Au milieu de la foule, l’auteur-compositeur Khaled Mouzanar, et son épouse, la réalisatrice et actrice Nadine Labaki répondent aux questions des médias. « Le Liban est arrivé à un point de non-retour, les gens n’ont plus rien à perdre et veulent construire un meilleur Liban », déclare Khaled Mouzanar. « Je viens en tant que simple citoyen libanais, mais si notre notoriété peut servir pour mettre en lumière ce mouvement, alors tant mieux », souligne-t-il.



(Lire aussi : « O Fortuna », l'édito de Michel Touma)



Berghol w banadoura
Plus loin, des jeunes assis sur le bord de la route prennent leur petit-déjeuner. Tels des écoliers, ils ont une manoushé dans une main, un Bonjus dans l’autre. Devant eux, deux hommes et une jeune fille s’affairent autour d’une table couverte de snacks et de petits gâteaux. « C’est un stand ouvert à tous, tout est gratuit », explique Christelle, 25 ans. « Je ne connais pas ces gens mais c’est comme si on se connaissait depuis 20 ans », poursuit-elle en regardant les autres manifestants. « Une dame est venue il y a quelques instants nous donner cinq packs d’eau et des manoushé. Elle est repartie sans rien demander », renchérit un homme à côté d’elle. Sur ce stand aux allures de petit dekkéné en plein air, des boissons chaudes sont aussi mises à disposition grâce à une bouilloire connectée à un générateur.

Les nuages à l’horizon n’inquiètent pas les manifestants, qui distribuent des ponchos en plastique pour hommes et pour femmes afin de se protéger de la pluie. « Nous sommes déterminé à rester. S’il pleut, au pire, nous tomberons malades mais bon, l'air que nous respirons est déjà pollué, et l'eau avec laquelle nous nous lavons est sale... Peut-être que l’eau de pluie est plus propre », ironisent deux jeunes.

L’initiative n’est toutefois pas du goût de tous. Une jeep blanche aux vitres fumées surgit de nulle part, tente de forcer le passage, manquant de renverser des contestataires. Hussein, venu de Brital et âgé de 21 ans, se précipite vers le véhicule. « Montre nous ta carte d’identité et on te laissera peut-être passer ! », lance-t-il en rigolant. La fenêtre s’ouvre du côté conducteur, laissant apparaître une femme à la crinière blonde qui déverse immédiatement un flot d’insultes à l’intention des jeunes avant de faire demi-tour. Même scène de l’autre côté du Ring en direction de Hamra. Un chauffeur de service réussit à se frayer un chemin pour entrer sur l’artère avant de se faire stopper net par des protestataires, aidés par des policiers venus calmer le jeu.

L’ambiance est plus tendue alors que la circulation est souvent dense de ce côté du Ring. La zone fait également face à Khandak el-Ghamik, quartier chiite et bastion du mouvement Amal. « On laisse passer les ambulances, l’armée, la police ou encore les voitures allant à l’hôpital ou transportant des femmes enceintes et des nourrissons », explique Tarek Wheidi. « Il y a une sorte d’accord implicite avec la police », ajoute-t-il. Non loin de lui, des jeunes studieux sont rassemblés sous la pluie autour d’un professeur de l’Université libanaise pour discuter des alternatives possibles à cette classe politique qu'ils veulent voir partir. Portant une énorme marmite en métal, un homme vient les interrompre pour annoncer l’heure du repas. « Berghol w banadoura pour tous ! »



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Vêtue d’une simple chemise de nuit rose pastel, une petite silhouette aux boucles blanches se faufile au milieu de la foule. Les manifestants s’écartent pour laisser passer Laure Ghorayeb, la pressant de s’asseoir sur le fauteuil posé au milieu du Ring près de Tabaris. « Pour tes beaux yeux ya Téta, on va faire tomber le gouvernement ! » scande un groupe de jeunes. « Je suis venue...

commentaires (2)

La crise des déchets est réglée : ils sont tous déversés sur le ring... Aussi ridicules qu'inutiles, ces anarcho-zaddistes conduisent le mouvement à la même impasse que les gilets jaunes en France.

Georges Lebon

12 h 03, le 29 octobre 2019

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Commentaires (2)

  • La crise des déchets est réglée : ils sont tous déversés sur le ring... Aussi ridicules qu'inutiles, ces anarcho-zaddistes conduisent le mouvement à la même impasse que les gilets jaunes en France.

    Georges Lebon

    12 h 03, le 29 octobre 2019

  • Je préfère voir ce peuple investir le centre ville que de remémorer la saleté qui infestait ce même centre pendant des années, et par la force, par les chiens des barbus qui ont ruiner plus d'une entreprise

    Citoyen

    22 h 11, le 28 octobre 2019

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