On n’en finit pas de tourner en rond. Face à des milliers de Libanais qui réclament la démission du gouvernement de Saad Hariri, c’est surtout sur le facteur temps que les pôles du pouvoir semblent parier pour que la révolte en cours s’essouffle. Pourtant, le mouvement contestataire se montre déterminé à atteindre ses objectifs. On est, de la sorte, en présence d’une véritable course à l’abîme, un intervalle de temps que le pouvoir compte mettre à profit pour trouver les garanties de la formation rapide d’un nouveau gouvernement. Il reste que, douze jours après le début du mouvement contestataire, une seule donnée semble sûre : il n’est pas question pour le Premier ministre de jeter l’éponge, du moins pour le moment. Pour lui, c’est une façon d’épargner au pays une nouvelle vacance gouvernementale, comme l’affirme à L’Orient-Le Jour un proche de Saad Hariri, qui fait savoir que les tractations sont toujours en cours en quête d’une solution à même de calmer la colère des manifestants.
Selon la même source, M. Hariri « est en quête de garanties à même de confirmer la formation d’un nouveau cabinet dans les plus brefs délais, et c’est principalement de ces garanties qu’une (éventuelle) démission de M. Hariri dépend ». De source bien informée, on fait état aussi d’un forcing occidental pour empêcher le Premier ministre de quitter son poste.
(Lire aussi : La révolution à un tournant décisif, l’édito de Émilie SUEUR)
Veto du Hezbollah
Sauf que des observateurs politiques estiment que la mise sur pied d’un nouveau cabinet bute sur un obstacle essentiel : le veto du Hezbollah. Fouad Siniora, ancien Premier ministre et ex-chef du bloc parlementaire du courant du Futur, a déclaré hier sans détour à la chaîne panarabe al-Hadath : « Nasrallah a empêché la démission de Saad Hariri. » M. Siniora faisait ainsi allusion au discours prononcé vendredi dernier par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. L’occasion pour ce dernier de réitérer, pour la deuxième fois en l’espace d’une semaine, son refus d’un renversement du président de la République Michel Aoun, d’une démission du cabinet Hariri et de la tenue d’élections anticipées. Une position qui est certainement à même de freiner les efforts en quête d’une sortie de crise. Les contacts pour un remaniement, tenus loin des feux de la rampe, s’articulaient principalement autour des figures jugées impopulaires au sein du cabinet. Il s’agit, pour Saad Hariri, de répondre aux demandes des manifestants sans pour autant quitter son poste. Mais cette option, approuvée dans un premier temps par le président de la République, se serait ensuite heurtée à son opposition. Michel Aoun serait hostile à toute modification ministérielle qui impliquerait la sortie du gouvernement du chef du CPL, Gebran Bassil, son gendre. Loin des « spéculations médiatiques », une source gravitant dans l’orbite de Baabda se contente de préciser à L’OLJ que le remaniement ministériel n’est qu’une des idées de solution à la crise actuelle. « Il est également question d’intégrer des technocrates au cabinet actuel (pour pourvoir aux quatre sièges vacants après la démission des Forces libanaises, annoncée le 19 octobre) ou de former un nouveau gouvernement », ajoute le proche de Baabda, avant d’expliquer qu’« il n’y a toujours pas de garanties quant à un engagement des protagonistes à faciliter la formation d’une nouvelle équipe ministérielle ».
« L’important reste l’ouverture des routes bloquées par les manifestants », affirme encore le proche de Baabda. Dans certains milieux politiques, on explique cette position par un pari sur la baisse de l’effectif des protestataires au fil des jours. On confie aussi que des mesures seront prises prochainement pour faciliter la circulation, surtout à l’approche de la fin du mois.
Le gouvernement de technocrates et le compromis de 2016
Parallèlement à cette prudence de la part de Baabda, le groupe parlementaire aouniste dit du « Liban fort » tente d’imposer une nouvelle équation établissant un lien direct entre la démission de Saad Hariri et celle de Gebran Bassil. Citées par l’agence al-Markaziya, des sources au sein du groupe aouniste précisent qu’un gouvernement de spécialistes, tel que réclamé par le mouvement de contestation, devrait être totalement apolitique. Cela signifie que Saad Hariri lui-même devrait en être écarté, au même titre que Gebran Bassil, cible première des manifestants.
Les milieux de la Maison du Centre réagissent en rappelant que cette équation est à même de torpiller le compromis politique conclu en 2016 entre Michel Aoun et Saad Hariri. Cela est aussi à même de plonger le pays dans l’inconnu, prévient-on dans ces milieux, assurant que cela n’est dans l’intérêt de personne, surtout dans les circonstances actuelles.
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commentaires (9)
Le CPL lie un départ de Gebran Bassil à une démission de Saad Hariri. ET VOILA ENCORE LE GENDRE QUI POSE DES CONDITIONS AU PREMIER MINISTRE ET ON S'ETTONNE QU'IL SOIT CONSPUE PAR 90% DE LA POPULATION QUI EN MARRE DE CE PYROMANE AUX DENTS AIGUISES QUEL PAYS DE M... SOMMES NOUS DEVENU OU UN PARENT D'UN PRESIDENT PEUT DICTER SA LOI A UN PREMIER MINISTRE ET A UN PRESIDENT D'AILLEURS BIEN AFFAIBLI PHYSIQUEMENT ET MORALEMENT ET QUI LE LAISSE FAIRE NO MORE COMMENT LE TITRE CI HAUT DIT TOUT SUR QUI DIRIGE CE PAYS
LA VERITE
12 h 52, le 29 octobre 2019