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À La Une - Contestation

Jour XII : les manifestants transforment des pans d'autoroutes... en parkings géants

Trois blessés à Saïda lors d'échauffourées avec l'armée qui a rouvert des routes.

Des manifestants bloquant à l'aide de leurs voitures l'autoroute Beyrouth-Tripoli, au niveau de Nahr el-Kaleb, lundi 28 octobre 2019. AFP / JOSEPH EID

Le douzième jour consécutif de révolte au Liban s'annonce comme celui des "parkings géants". Les dizaines de milliers de manifestants qui sont dans la rue depuis le 17 octobre pour réclamer le départ de la classe dirigeante fermaient ce matin des pans entiers d'autoroutes à travers tout le territoire grâce à leurs véhicules garés sur les voies. Du Nord au Sud, en passant par la Békaa, en renforçant les barrages routiers, les contestataires durcissent ainsi encore le bras de fer avec le pouvoir confronté à une paralysie persistante du pays.

Selon les commentateurs, la priorité des autorités est d'obtenir la levée des barrages pour permettre un redémarrage du pays. Lundi, le ministre de la Défense Elias Bou Saab a affirmé qu'il faut "régler la question du blocage des routes rapidement, sans confrontation entre l'armée et les contestataires".  En effet l'armée, jusque-là parfaitement neutre, a fait savoir qu'elle refusait le recours à la force contre les manifestants, qui côtoient les forces anti-émeutes dans une ambiance débonnaire. A l'exception de quelques échauffourées lundi avec les forces de l'ordre qui tentaient de rouvrir certains axes au Liban-Sud, faisant des blessés.

Mais dans les rangs des protestataires, de nombreux appels à renforcer ces barrages avaient commencé à circuler, dès dimanche soir, sur les réseaux sociaux. Résultat, ce matin, l'autoroute reliant le Nord au Sud du pays était bloquée en de nombreux points devenus des lieux de rassemblements habituels pour les protestataires. Denniyé, Okaïbé, Safra, Jounieh, Zouk, Naher el-Kaleb, Dbayé, Jal el-Dib... En ces points, la chaussée a été transformée en parking géant où les manifestants ont garé leurs véhicules pour empêcher toute circulation. Certains irréductibles ont même passé la nuit dans leurs véhicules, pour s'assurer que personne ne passe, sauf les cas urgents, comme les ambulances ou les véhicules militaires.



(Lire aussi : « O Fortuna », l'édito de Michel Touma)




Des manifestants bloquant l'autoroute de Jounieh, le 28 octobre 2019. Photo ANI


Dans la capitale, la voie rapide du Ring, axe névralgique qui relie l'est et l'ouest de Beyrouth, était toujours bloquée lundi matin par une poignée de manifestants qui avaient installé la veille des canapés, des tables, et même un réfrigérateur.

Photo REUTERS/Alkis Konstantinidis


Les protestataires distribuaient des tracts aux automobilistes pour leur expliquer les raisons du blocage. Certains automobilistes se montraient compréhensifs, d'autres moins. Dans le secteur de Saïfi, à l'entrée nord du centre-ville, une jeune femme est même descendue de sa voiture pour rejoindre les manifestants qui l'ont convaincue de ne pas aller à son lieu de travail. L'avenue Béchara el-Khoury était, elle aussi, fermée à la circulation. Une poignée d'étudiants bloquaient en outre la corniche, au niveau de Aïn el-Mraïssé.



Sur la corniche. Photo Hala Chmaytelli


En fin d'après-midi, une poignée de manifestants anti-gouvernementaux ont franchi les fils barbelés installés par les forces de l'ordre au pied du Grand Sérail, place Riad el-Solh, dans le centre-ville, mais n'ont pas tardé à rebrousser chemin, sous une pluie battante. Les protestataires ont emprunté la route menant vers l'entrée de la résidence de la présidence du Conseil, avant de faire marche arrière.


Sur le croisement dit de "Chevrolet", en banlieue de Beyrouth, la tension est montée lundi matin entre un groupe de manifestants et une automobiliste qui voulait passer.



(Lire aussi : Hariri entre la pression de la rue et celle du Hezbollah)



Tension à Saïda
Au sud de la capitale, les axes de Khaldé étaient bloqués à la circulation à l'aide de gravats. De même à Saadiyat, Naamé et Jiyé.

A Saïda, trois personnes ont été blessés lors d'échauffourées au moment où l'armée tentait de rouvrir la route au niveau de Awwali. Trois autres manifestants ont été brièvement arrêtés par les militaires, selon notre correspondant sur place, Mountasser Abdallah. Les protestataires ont réussi par ailleurs à fermer les routes menant à la place de l'Etoile à Saïda, ainsi que celles menant au siège d'Electricité du Liban et d'Ogero. Plus au sud, dans le caza de Nabatiyé, l'armée a rouvert le rond-point du village de Kfar Remmane, devenu un haut-lieu de la contestation au cœur du fief du Hezbollah chiite.

Des militaires délogeant par la force des protestataires à Saïda, le 28 octobre 2019. Photo REUTERS/Ali Hashisho


Dans la Békaa, les manifestants ont bloqué l'autoroute de Ferzol dans les deux sens à l'aide de leurs véhicules.

Des manifestants bloquant l'autoroute de Ferzol, dans la Békaa, le 28 octobre 2019. Photo ANI



(Lire aussi : Foules en colère : mode d’emploi)



En début de soirée, une foule joyeuse brandissant des drapeaux libanais envahissait, malgré la pluie, le centre de Beyrouth et d'autres villes du pays, notamment Tripoli capitale du Liban-Nord.


Dans un entretien accordé à la chaîne LBCI, le secrétaire général de la Croix-Rouge libanaise, Georges Kettané, a indiqué que les secouristes ont effectué hier, dans le cadre des manifestations, 198 missions sur place. Quinze cas ont nécessité des hospitalisations, les 183 autres ont été traités sur place.

Ce durcissement de la part des manifestants, lundi, intervient au lendemain d'une spectaculaire démonstration d'unité des manifestants qui ont réussi à former une chaîne humaine de 170 kilomètres du nord au sud du pays pour montrer leur détermination à ne rien lâcher. Cette initiative a été lancée par un groupe de quatre jeunes, aidés par de nombreux volontaires. Ce projet visait à "regrouper des Libanais de toutes confessions et tendances politiques, désireux de demander de manière unie et pacifique le départ d’une classe dirigeante jugée corrompue", selon les organisateurs.

Au cours des derniers jours, de nombreuses initiatives ont marqué ce mouvement de contestation inédit au Liban. Différents groupes de la société civile et d'institutions diverses, tout comme des universités, organisent notamment des débats et discussions sur l'avenir et les objectifs du mouvement, comme c'est le cas à Beyrouth. Sur la place des Martyrs, une collecte de vêtements est également mise sur pied pour aider les plus démunis. En plus des différents stands installés dans tout le pays pour vendre de la nourriture, des familles cuisinent et distribuent des plats faits maison aux manifestants.

La révolte libanaise a été déclenchée le 17 octobre par l'annonce surprise d'une taxe sur les appels via la messagerie WhatsApp. Cette mesure a été vite annulée mais la colère ne s'est pas apaisée contre la classe dirigeante, jugée incompétente et corrompue dans un pays qui manque d'électricité, d'eau ou de services médicaux de base 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-1990).

Un temps évoqué, un remaniement ministériel ne paraît plus à l'ordre du jour. Les principaux ministres, même les plus conspués par la rue, refusent d'être sacrifiés sur l'autel de la colère populaire, rapporte la presse.


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commentaires (5)

Le problème c’est que tous les politiques misent sur l’épuisement des manifestants!! En débloquant les routes tous peuvent vaquer à leur occupation pendant que ces pauvres manifestants s’épuisent et rentrent à la maison petit à petit ... c’est une des stratégies employer et si cela ne fonctionne pas alors ils emploieront la force

Bery tus

21 h 39, le 28 octobre 2019

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Commentaires (5)

  • Le problème c’est que tous les politiques misent sur l’épuisement des manifestants!! En débloquant les routes tous peuvent vaquer à leur occupation pendant que ces pauvres manifestants s’épuisent et rentrent à la maison petit à petit ... c’est une des stratégies employer et si cela ne fonctionne pas alors ils emploieront la force

    Bery tus

    21 h 39, le 28 octobre 2019

  • "... le ministre de la Défense Elias Bou Saab a affirmé qu'il faut "régler la question du blocage des routes rapidement, sans confrontation entre l'armée et les contestataires" ..." Eh bien, qu’est-ce que tu attends? Démissionne! Le peuple ne veut plus de vous, ce n’est pas assez clair? Et kellon ya3ne kellon, ça veut dire toi aussi...

    Gros Gnon

    16 h 08, le 28 octobre 2019

  • LA REVOLUTION EMANCIPEE S,EXPRIME PACIFIQUEMENT. LA BALLE EST CHEZ LES GOUVERNANTS QUI S,ILS NE REPONDENT PAS AUX REVENDICATIONS POPULAIRES... CAR SOUS PRESSIONS HEZBOLLAHIS... OU S,ILS REAGISSENT EN DEHORS DE LA LOGIQUE ILS POURRAIENT CONDUIRE LE PAYS VERS DES JOURS SOMBRES. DEGAGEZ ! KELLON YE3NE KELLON !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 43, le 28 octobre 2019

  • Il faut laisser la vie économique du pays se dérouler normalement tout en maintenant les manifestations pacifiques afin de maintenir la pression et prouver qu'on est là, prêts à bloquer le pays au cas où des avancées notoires n'ont pas été obtenues.Il ne faut pas oublier qu'il y a des malades, des boulangeries... qui doivent fonctionner pour assurer le quotidien vital des gens. Ne pas oublier non plus que même si certaines petites soutiennent le mouvement, leur précarité financière et leur survie les obligent à continuer à travailler. Le risque de retourner l'opinion publique contre les manifestants est présente et à ne pas négliger.

    Citoyen

    11 h 55, le 28 octobre 2019

  • Prolongation du cirque . L'ordre est donné pour un retour à la normale, avec bien sûr beaucoup de doigté. On est pas des sauvages quand même.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 29, le 28 octobre 2019

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