Des centaines de Libanais se sont rassemblés dimanche dans le centre-ville de Beyrouth pour crier leur colère contre la classe politique qu'ils accusent de corruption et de dilapidation des fonds publics, dans un contexte de crise économique et financière qui se fait de plus en plus pesante.
Des jeunes et moins jeunes, ainsi que des familles se sont rassemblés peu avant midi sur la place des Martyrs, en réponse à des appels à manifester lancés quelques jours plus tôt sur les réseaux sociaux. Interrogés par la LBCI, certains d'entre eux insistaient sur le fait qu'ils n'étaient pas affiliés à des formations politiques. Un groupe de manifestants criaient "révolution !", devant les caméras. D'autres lançaient "On a faim !".
"Le cancer est partout"
"Les Libanais n’ont plus de quoi s’acheter à manger ; ils ne peuvent plus payer leurs soins de santé. Où est le pouvoir fort ?", criait une femme d’âge mûr, Hoda Chartouni, qui a perdu son emploi. "J’appelle le père de tous (le président Michel Aoun, NDLR) à respecter ses promesses", ajoutait-elle. La plupart des manifestants affirment être venus seuls ou par petits groupes, en réponse aux appels sur les réseaux sociaux. Comme André Zakhia, un médecin de soixante ans, père de deux garçons partis à l’étranger. "Je suis venu seul, et je pense que chaque Libanais devrait descendre dans la rue, affirme-t-il à l’OLJ. On en a assez des slogans ! Le Liban vert ? Le cancer est partout, notre pays est foutu. Où les dirigeants nous emmènent-ils ? Ce n’est pas le Liban que nous voulons".
En début d'après-midi, les rangs des manifestants ont grossi, notamment avec la venue de militants du parti Sabaa, qui se réclame de la société civile. La foule était diverse, les manifestants affirmant venir de différentes régions du pays. Certains réclamaient la "chute du régime", d'autres "l'instauration d'un régime militaire". Des protestataires partageaient également leur frustration en affirmant être au chômage depuis des mois. Certains n'hésitaient pas à apostropher le chef de l’État Michel Aoun, lui demandant d'appliquer une politique d'austérité aux dirigeants sans toucher à la classe populaire.
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Échauffourées au bas du Grand Sérail
Un groupe de manifestants s'est ensuite dirigé vers la place Riad Solh, via la rue des Banques. Quelques protestataires ont tenté de franchir les barrières de sécurité érigées au bas du Grand Sérail, siège de la présidence du Conseil, mais ont été repoussés par les policiers de la brigade anti-émeute déployés sur les lieux. Ces échauffourées ont fait un blessé côté manifestants, quatre côté forces de l'ordre. Au moins un militant de la société civile a été arrêté.
Plusieurs routes ont été bloquées en cours d'après-midi par des manifestants à l'aide de pneus brûlés, notamment l'autoroute du "Ring", le tunnel Salim Salam, ou encore l'avenue Béchara el-Khoury.
AFP / ANWAR AMRO
Vers 16 heures, les forces de l'ordre se sont déployées dans le centre-ville de Beyrouth pour déloger les manifestants qui bloquaient les routes dans ce secteur. Les principaux axes de la capitale ont été rouvertes en fin d'après-midi.
Des manifestations de moindre ampleur ont également eu lieu à Tripoli, au Liban-Nord, où des protestataires ont brûlé des affiches à l'effigie du Premier ministre Saad Hariri, ainsi qu'à Saïda, au Liban-Sud, à Baalbeck, dans la Békaa, et dans d'autres localités dans plusieurs régions libanaises jusque dans la nuit, où des protestataires ont bloqué des routes.
Dans la soirée, la ministre libanaise de l'Intérieur, Rayya el-Hassan, a réagi à cette journée de manifestations. "Je comprends que les gens se plaignent de la situation économique et financière difficile. Je suis évidemment en faveur de la liberté de manifester et d'expression. Ce que je ne comprends pas, ce sont les pneus brûlés, les dégradations et les insultes", a écrit Mme el-Hassan sur son compte Twitter.
De leur côté, les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont déclaré dans un communiqué avoir "accompli leur devoir pour faire respecter le principe de la liberté d'expression conformément à la loi", alors qu'une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre une charge violente contre un manifestant à Beyrouth.
Les inquiétudes des Libanais concernant l'économie se sont intensifiées depuis plusieurs jours, de nombreux clients de banques ne pouvant plus retirer d'argent en dollars de leurs comptes. Plusieurs sources bancaires ont dans ce cadre indiqué à L’Orient-Le Jour que la majorité des établissements avaient limité depuis plusieurs semaines les plafonds et conditions de retrait de billets verts. Ces sources ont évoqué une volonté, imposée par la Banque du Liban dans un contexte de situation financière fragile, de limiter autant que possible la circulation de devises lorsqu’elle semble inutile ou suspecte. Le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé avait pourtant assuré lundi qu’il n’y avait pas de pénurie de dollars et que les banques pouvaient répondre aux besoins de leurs clients.
Le Parlement a adopté en juillet un budget d'austérité pour 2019 pour réduire le déficit public. La dette publique culmine à 86 milliards de dollars, soit plus de 150% du PIB, troisième taux le plus élevé au monde après le Japon et la Grèce.
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Assez de mettre le blame toujours sur les "autres". Ou nous sommes maitres de notre destin. Ou nous continuerons a vivre comme des zombies!
23 h 44, le 29 septembre 2019