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Culture - L’artiste de la semaine

Tarek Yamani, libre dans son jazz

Le musicien était au Liban pour deux concerts à Station et à Hammana Artist House dans le cadre d’une vaste tournée. Celui qui parcourt le monde avec sa musique au bout des doigts est un autodidacte mais surtout un forcené de jazz.

Tarek Yamani. Photo Waleed Shah

Un jour, Tarek Yamani a décidé d’épouser le jazz. Comme tout mariage, cette décision a exigé de lui un grand investissement et une persévérance hors normes. Et finalement, cette union s’est avérée n’avoir jamais été une mésalliance.Élevé dans une maison de musiciens, c’est alors que Tarek Yamani a cinq ans et qu’il reçoit un clavier jouet, que le cercle familial réalise que ce petit bout d’homme a un vrai talent. Mais, plus tard, à la grande surprise de son père, ce ne sont ni les cours particuliers de ses débuts ou plus tard au Conservatoire situé alors à l’Unesco, qui vont réellement le former, mais bien sa détermination, son obsession, qui dessinent les contours d’une musique non préfabriquée. Car pour le jeune garçon, cette belle chose qui s’appelle musique est comme une longue et dure expérimentation qui nécessite des doses de connaissances, d’apprentissage et de talent.

À onze ans, Tarek Yamani réalise qu’il n’a aucun penchant pour le classique. « De par ma nature, j’aimais la liberté et par conséquent (et sans le définir encore) le jazz, le genre musical le plus libre. Je n’aimais pas jouer selon les notes écrites, mais à ma façon. » Il annonce alors un jour à son père que le classique ne l’intéresse pas et qu’il va explorer d’autres chemins musicaux.Il se lance d’abord dans le heavy metal, jusqu’à ce qu’il rencontre Khaled Yassine dans un magasin de CD. Ce dernier était à l’époque élève au Conservatoire et jouait de la flûte et de la contrebasse. C’est lui qui l’introduira au jazz. « C’est le premier qui m’en a montré le premier cahier de notes. Une nouvelle vie s’ouvrait à moi. »

Le jazz le réconcilie avec le piano. « En écoutant une musique de Herbie Hancock, j’ai eu l’impression d’avoir une révélation. » Le jeune Yamani en est sûr : voilà ce qu’il veut faire, et rien d’autre. Mais il lui manque encore les outils pour concrétiser son envie dévorante. Sa rencontre avec Nidal Abou Samra sera salutaire. « Cet homme m’a permis de découvrir toute une stratosphère que je ne connaissais pas. Grâce à un livre, très détaillé, qu’il m’a prêté, j’ai pu apprendre tous les rudiments de cette musique, l’explorer et approfondir mes connaissances. » Le début d’un apprentissage qui n’a finalement duré que deux ans.

Les rencontres, les voyages qui vont se succéder, ajoutés à la curiosité mais surtout au perfectionnisme du jeune Yamani, font qu’il sera désormais habité par le jazz. Parallèlement à ses études en sciences informatiques à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), il poursuit ses expérimentations musicales avec, d’abord, Waël Kodeih dans le groupe QPA (Quand la prose assassine) et 3aks el-sayr, puis avec Ziad Sahhab et ses Shahhadine ya baladna, et enfin avec Khaled Yassine, qu’il retrouvera vingt ans plus tard. Pour le musicien, cette phase était essentielle afin de se construire une identité même si ce n’était pas encore du pur jazz. « Nos bandes squattaient les pubs et je me souviens que la vie au Liban entre 2000 et 2005 était douce, dit-il. L’attentat perpétré contre le président Hariri et les autres par la suite ont tout faire chavirer. Jouer de la musique n’avait plus le même sens. »

...Et c’est l’envol

Tarek Yamani, qui commençait déjà à tracer sa route à force de discipline, commence alors à sentir un besoin impérieux de partir. Poussé par le désir d’aller plus loin, le hasard le met encore une fois sur le chemin de personnes qui lui ouvriront des portes. Admis au Conservatoire de musique en Hollande, il décroche ensuite une double bourse d’études octroyée par une fondation puis par le Conservatoire lui-même et, enfin, le prix de la municipalité de Groningen. Lui, le rebelle, l’insoumis, lui qui ne suivait, jusque-là, que sa propre méthode de travail, rentre dans le rang.

Vient alors rapidement le temps des prix et des reconnaissances. Finaliste à la compétition de piano solo à Montreux, Yamani obtient le prix Thelonius Monks en 2010. « C’était comme un rêve et surtout un grand honneur pour un musicien du monde arabe de gagner cette compétition », dit-il aujourd’hui. Tarek Yamani joue désormais dans la cour des grands. Lors de l’inauguration de la Journée internationale du jazz qui a lieu dans le hall du bâtiment des Nations unies à New York en 2012, un événement grandiose auquel participent des stars du jazz, il est invité à jouer avec Wayne Shorter, Zakir Hussain, Herbie Hancock et Richard Bona.

Aujourd’hui,Tarek Yamani s’investit dans des projets variés. Travaillant le quart de ton, il essaye de l’intégrer au jazz. « Je n’aime pas le mot fusion, dit-il, car il s’agit d’une nouvelle création ou entité qu’on crée en mélangeant l’arabe et le jazz avec le code génétique de l’un et de l’autre. » En outre, il a travaillé sur le film de Darine Hoteit Like Salt. Expérience qu’il réitérera volontiers, dit-il. Le musicien essaye aussi de créer des ateliers d’initiation au jazz dans le monde arabe. Tout ceci ne l’empêche pas d’écrire des essais (publiés sur www.tarekyamani.com) où, tel un scientifique, il découvre des mondes alternatifs, s’imbriquant dans la musique. Il explore également, de manière organique, la musique de Bach en invertissant le clavier, sonde les formats visuels dont les fréquences se rapprochent de l’auditif ou encore transforme la poésie en notes...

Pour l’artiste, travailler sur soi-même et être sérieux dans son travail sont les règles du succès. La vision de Tarek Yamani n’a pas changé d’un iota depuis qu’il s’est mis à l’ouvrage. Avec une discipline rigoureuse et une foi infaillible dans la direction à prendre, il s’est tracé une véritable route du son.

http://www.tarekyamani.com/writings/phrygian-suite 

http://www.tarekyamani.com/writings/epic 

http://www.tarekyamani.com/writings/sound-of-a-rectangle 

1980

Naissance de Tarek Yamani à Basta, Beyrouth.

2010

Premier prix de la prestigieuse compétition Thelonious Monks récompensant les compositeurs jazz.

2012

Performance à l’inauguration de la Journée internationale du jazz dans le hall de l’ONU.

2012

Sortie du premier album « Ashur ».

2013

Il fonde et produit « Beirut Speaks Jazz ».

2014

Sortie d’un second album « Lisan al-tarab : Jazz Conceptions in Classical Arabic ».

2017

Sortie du troisième album « Peninsular » commissionné par le Festival d’Abou Dhabi.





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