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Culture - L’artiste de la semaine

Yass qui rit et Yasser Hachem qui (s’)émeut

Treize ans après son premier one man show « Je s’appelle Yass et je viens de loin », Yasser Hachem, alias « Yass », rempile au Théâtre Monnot*, où il « rembobine » durant quatre soirs consécutifs ses souvenirs familiaux. Entre rire et émotion...

Yass, un grand brun pas ténébreux. Photo DR

« C’est un peu dans mon ADN d’être drôle et émouvant. Je ne sais pas faire autrement. J’aime rire, faire rire, mais j’aime aussi tellement l’amour que je fais pleurer également », confie ce grand brun, au regard pétillant, qui n’a rien de ténébreux. À bientôt cinquante ans, Yasser Hachem est, semble-t-il, un grand sentimental. Un amuseur sensible qui s’avoue « un peu timide et extrêmement émotif ». D’ailleurs, à peine évoque-t-il au cours de la conversation le souvenir de ses parents, aujourd’hui disparus, que les larmes lui montent aux yeux.

Et pourtant, il ne se prive pas de les parodier dans Yass Rembobine, le one man show qu’il présente, à partir de demain jeudi 18 juillet jusqu’à dimanche soir, au Théâtre Monnot. Un spectacle qu’il a écrit « pour leur rendre hommage ». Et qu’il vient présenter au Liban, leur pays d’origine, 13 ans après son hilarant Je s’appelle Yass et je viens de loin.

Dans ce premier spectacle, l’humoriste, né au Sénégal, racontait sur le mode loufoque ses amours, ses amis, ses emmerdes et ses tribulations de Libano-Africain. Son second opus reste un peu dans la même veine, mais la drôlerie des personnages et des situations se teinte cette fois d’encore plus d’émotion. Car Yass puise dans l’album de famille les images et les scènes de l’heureux temps de sa jeunesse. Quand sa mère « à l’amour inconditionnel » était encore là. Quand le père, « qui avait trois passions : sa femme, la musique et le champagne », berçait ses enfants des refrains de Abdel Halim Hafez. Et quand lui-même n’était encore qu’un gamin, observateur et rieur, qui captait immédiatement les tics, mimiques et attitudes des gens autour de lui et les convertissait en personnages de sketch.


Premières scènes en catimini…

« À l’école, j’étais à la fois un très bon élève et le pitre de la classe. Du coup, ça donnait une certaine légitimité à mes bêtises. Souvent, d’ailleurs, lorsqu’ils entendaient les rires étouffés des élèves, les professeurs se tournaient vers moi en disant : “Allez, on arrête le cours, vous montez sur l’estrade, vous faites vos pitreries. Comme cela, on y a droit nous aussi” », se remémore-t-il.

Son talent inné pour l’imitation et la petite vanne – « jamais méchante » – ne tardera pas à propulser le jeune Yasser Hachem sur scène. Celle d’une boîte de nuit de la capitale sénégalaise située à 200 mètres de la maison familiale. Il s’y produit, l’année même de son bac, en tant qu’humoriste et imitateur, en cachette de ses parents. « Mais je me suis fait rapidement attraper. Parce que Dakar c’est petit et que les gens appelaient ma mère pour lui dire : il nous a tués de rire hier soir! Mon père, d’abord furieux, a commencé par me réprimander, mais dès que je lui ai dit que je touchais un cachet équivalant à 100 euros par soirée, il s’est aussitôt calmé », s’amuse-t-il encore.

Une parenthèse de quelques mois qui se termine lorsque le bachelier s’envole pour Paris, pour y poursuivre des « études sérieuses » de gestion à la Sorbonne. Il profitera néanmoins de son séjour dans la capitale française pour suivre une formation parallèle de théâtre au cours Vitriot. « C’est là que j’ai découvert le sérieux du jeu et l’importance des textes. Je me suis rendu compte que le théâtre est tout sauf des pitreries », dit-il. Et d’ajouter, dans un sourire quasi extatique : « Je me souviendrai toujours de ce professeur qui m’a dit un jour : “Tu as du talent, si tu travailles, tu peux y arriver.” Personne ne me l’avait jamais dit auparavant. On me disait juste que j’étais drôle. »

Malgré ces encouragements, Yasser Hachem choisit, en bon fils, de suivre la voie tracée par ses parents. Il retourne en Afrique, où il décroche un poste de directeur général d’une grosse compagnie de construction en Côte d’Ivoire. Et, pour assouvir son besoin de jouer, cette adrénaline que seule la scène lui donne, il crée en 1996 avec un groupe de potes sa première troupe de théâtre, qu’il baptise « Le prêt-à-jouer ». « On s’amusait en revisitant des sketches et des comédies tirés des répertoires de nos idoles : Coluche, Smaïn, Michel Boujenah, Muriel Robin, Timsit, Gad Elmaleh, Les Inconnus… »

En 1999, un coup d’État a lieu en Côte d’Ivoire. Tous les membres de la troupe se font la malle, sauf Yasser, qui reste seul… sur scène. « Pour combler le vide laissé par les autres, je campais des personnages avec des histoires à la fois drôles et émouvantes. »

Le blues du businessman

Mais c’est en 2004 qu’il va prendre le grand virage de sa vie. Son poste de directeur lui apporte certes tout le confort matériel (villa, piscine, voiture de luxe, etc.), mais ne comble pas ses rêves d’enfant. Serait-ce le blues du businessman ? Toujours est-il qu’au bout de six mois de ruminations et de nuits blanches, il décide de tout plaquer pour se jeter dans le grand bain de la scène et de l’humour. « Quelque chose me disait : si tu ne le fais pas, tu vas mourir avec des regrets. »

Il s’attelle alors à l’écriture de son premier spectacle. Forcément autobiographique. Quatre mois et 80 pages d’écriture – suivis d’une recherche de metteur en scène, producteur et salle – aboutiront à la création, « le 2 mars 2006 », de Je s’appelle Yass et je viens de loin, sur la scène du Petit Palais des glaces à Paris. Un one man show de 1h45 « qui va se clôturer par 5 minutes d’applaudissements d’un public debout et les larmes aux yeux », indique l’humoriste. Un premier essai qui se révèle donc un coup de maître. Et dont le succès de la tournée dans les pays francophones d’Europe et d’Afrique (en passant par Beyrouth en 2009) confirmera Yasser Hachem dans son destin d’homme de scène… aux multiples casquettes. Car dès 2011, ayant repéré beaucoup de jeunes talents, il va également s’improviser producteur et lancer un festival d’humour à Dakar baptisé Yass et les Doff du rire.

En 2014, il vit une scène marquante au Liban-Sud avec son père, quelque temps avant la disparition de ce dernier. Ce sera le déclic de son second spectacle. Ce Yass rembobine dans lequel il déroule avec drôlerie, dérision et tendresse une galerie de personnages ayant marqué sa jeunesse. À commencer par les figures bien-aimées de ses parents. Un seul en scène qu’il présente à partir de demain soir à Beyrouth, comme un ultime retour aux sources... du rire aussi.

*« Yass rembobine » les 18, 19, 20 et 21 juillet au Théâtre Monnot, 21h.

20 août 1969

Naissance à Dakar

1988

Il intègre le cours de théâtre Viriot à Paris

1996

Il crée sa première troupe de théâtre « Le prêt-à-jouer »

1999

Il reste seul sur scène

2004

Il plaque tout pour vivre sa passion de la scène

2006

Il crée son premier one man show à Paris, au Petit Palais des glaces

2011

Il s’installe à Dakar et fonde sa propre société de production ainsi que le festival « Yass et les Doff du rire ».

2014

Il vit une scène marquante avec son père au Liban-Sud

2017

Il entame l’écriture de son

deuxième spectacle


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« C’est un peu dans mon ADN d’être drôle et émouvant. Je ne sais pas faire autrement. J’aime rire, faire rire, mais j’aime aussi tellement l’amour que je fais pleurer également », confie ce grand brun, au regard pétillant, qui n’a rien de ténébreux. À bientôt cinquante ans, Yasser Hachem est, semble-t-il, un grand sentimental. Un amuseur sensible qui s’avoue...

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