Prévue depuis un certain temps, la visite du Premier ministre, Saad Hariri, à Washington, où il doit rencontrer de hauts responsables américains, survient quelques jours à peine après le dénouement de la crise de Qabr Chmoun, survenu après l’intervention de la diplomatie américaine qui avait rappelé les protagonistes à l’ordre.
Si elle reste pour l’heure placée sous le sceau de la discrétion, cette visite, qui comprend un volet familial – une cérémonie de remise des diplômes à la fille de M. Hariri –, sera également une occasion politique permettant au chef du gouvernement d’échanger avec ses interlocuteurs américains autour de plusieurs dossiers concernant le Liban et les récents développements dans la région.
La situation économique et financière du Liban, la question des sanctions américaines contre le Hezbollah et le litige frontalier entre le Liban et Israël devront en principe être évoqués lors des entretiens, selon des sources informées. Arrivé lundi à Washington, M. Hariri, qui doit rencontrer demain, jeudi, le secrétaire d’État Mike Pompeo, s’est déjà entretenu avec Marshall Billingsley, secrétaire adjoint du Trésor américain pour le terrorisme et l’intelligence financière, et l’un des artisans des sanctions qui frappent l’Iran et le Hezbollah.
Depuis le début de la crise entre les États-Unis et l’Iran, Washington poursuit sa politique de pression en recourant, crescendo, à la politique des sanctions économiques imposée à Téhéran et au Hezbollah.
En juillet dernier, l’administration de Donald Trump a élargi sa campagne de « pression maximale » contre l’Iran et ses alliés en imposant pour la première fois des sanctions contre deux députés du parti chiite, Mohammad Raad et Amine Cherri, et contre le responsable de l’appareil sécuritaire du parti, Wafic Safa.
Parallèlement, Washington, qui annonce à intervalles réguliers que les nouvelles sanctions contre le Hezbollah sont appelées à se durcir et risquent de toucher des alliés du parti chiite, ne serait toujours pas parvenu à trancher cette question qui risque de déstabiliser un peu plus un pays au bord de l’effondrement économique et aux prises avec ses querelles intestines.
Pour de nombreux observateurs et analystes, la visite de M. Hariri serait notamment destinée à dissuader les responsables américains d’un éventuel renforcement des sanctions qui risquerait de porter un coup fatal non seulement à une situation financière exsangue, mais également à l’unité du pays qui vient à peine d’être colmatée après la crise de Qabr Chmoun dans laquelle la présidence de la République a fini par s’enliser.
(Lire aussi : Les États-Unis pourraient être suivis dans leur mise en garde par d’autres pays)
On le sait déjà : la décision d’élargir les sanctions, notamment aux alliés du Hezbollah, ne fait pas encore l’unanimité au sein de l’administration américaine dont certains tenants continuent de défendre la thèse notamment soutenue par le Premier ministre, qui est d’éviter au Liban une sanction collective, en effectuant une nette distinction entre l’État libanais en tant que tel, et le Hezbollah, une de ses composantes. Cette approche ne convainc toutefois pas les tenants de l’aile conservatrice à Washington, qui préconisent de mettre l’ensemble des Libanais devant leurs responsabilités en les incitant à faire face à ce qu’ils considèrent être une emprise tentaculaire du parti chiite sur le pays.
Lors de sa récente visite au Liban, en mars dernier, Mike Pompeo avait réitéré la détermination de son administration à œuvrer en vue de couper le cordon qui relie le parti chiite à certaines formations libanaises.
Par ailleurs, la question du litige frontalier entre le Liban et Israël sera probablement au menu des échanges lors de cette visite, qui survient quelques semaines seulement avant la prise de fonctions du nouveau sous-secrétaire d’État américain pour le Proche-Orient, David Schenker, qui remplace à ce poste David Satterfield. Ce dernier avait été chargé d’un rôle de médiation entre le Liban et Israël sur ce dossier.
Ancien responsable au Pentagone, sous l’administration de George W. Bush, M. Schenker est connu pour être un homme proche d’Israël. La médiation effectuée par son prédécesseur entre Beyrouth et Tel-Aviv avait échoué il y a deux mois face au refus israélien d’avaliser la demande du Liban de voir les Nations unies parrainer les négociations entre les deux pays.
Les responsables américains devront également évoquer avec M. Hariri la situation régionale à l’ombre de la crispation des relations entre les États-Unis et l’Iran. « Les Américains chercheront probablement à savoir, comme l’a déjà fait la France, quelle sera la position du Liban, plus particulièrement du Hezbollah, en cas d’aggravation du conflit dans le Golfe », précise une source proche du courant du Futur.
Lors d’une entrevue accordée à la chaîne al-Manar le 13 juillet dernier, Hassan Nasrallah avait affirmé que l’administration américaine tentait d’établir un contact indirect avec les responsables du parti chiite, pour sonder ses intentions en cas de guerre régionale. « Si la guerre est déclarée contre l’Iran, c’est toute la région qui s’embrasera », avait alors affirmé le chef du Hezbollah.
Pour mémoire
La portée des dernières sanctions américaines contre le Hezbollah
commentaires (4)
Pourquoi les Sionistes ne veulent pas les Nations Unis parrainer les négociations? Par ce que ils savent qu'ils ont tort
Eleni Caridopoulou
16 h 47, le 20 août 2019