Les affrontements dans la grande ville d'Aden au Yémen reflètent de profondes fractures dans le camp antirebelles et menacent de provoquer "une guerre civile dans la guerre civile", selon des experts.
Pays pauvre de la péninsule Arabique, le Yémen est déchiré depuis près de cinq ans par une guerre opposant les rebelles houthis, originaires du Nord, à des forces progouvernementales soutenues par une coalition militaire menée par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis.
Les houthis contrôlent des régions du nord et de l'ouest, ainsi que la capitale Sanaa, tandis que le camp antirebelles domine le sud du pays. Mais le camp anti-houthis est lui-même divisé, en particulier entre les séparatistes du Sud et les unités du gouvernement, et s'entredéchire à nouveau violemment depuis mercredi.
Ces affrontements, qui ont tué plus de 18 personnes dont des civils, menacent de provoquer, dans le sud du Yémen, "une guerre civile dans la guerre civile" ravageant déjà le pays, a estimé dans un rapport le centre de réflexion sur les conflits International Crisis Group (ICG).
Samedi, le Yémen s'est enfoncé encore davantage dans le chaos avec la prise du palais présidentiel à Aden par des combattants séparatistes.
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Précédent meurtrier
Ce n'est pas la première fois que les séparatistes du Conseil de transition du sud (STC) --qui incluent une force nommée "Cordon de sécurité" formée par les Emirats arabes unis-- s'opposent aux unités loyales au gouvernement yéménite du président Abd Rabbo Mansour Hadi. En janvier 2018, trois jours de combats entre ces mêmes forces avaient fait au moins 38 morts et 222 blessés.
Les unités pro-Hadi s'étaient déjà retrouvées assiégées au palais présidentiel et une intervention concertée saoudo-émiratie avait permis in extremis de stopper la bataille d'Aden.
Les circonstances du déclenchement des hostilités de cette semaine restent confuses, mais des responsables du STC ont accusé le parti islamiste Al-Islah d'avoir tué un commandant de la force "Cordon de sécurité". Ils affirment aussi depuis un moment qu'Al-Islah a "infiltré" le gouvernement Hadi.
Toutes ces forces font pourtant partie depuis 2015 d'une coalition hétéroclite arabo-sunnite, menée par le pouvoir saoudien à Riyad et le gouvernement émirati d'Abou Dhabi, qui lutte contre les rebelles chiites houthis, soutenus par l'Iran.
Les séparatistes du STC n'ont toutefois jamais caché leur hostilité envers le gouvernement "corrompu" du président Hadi, lui-même réfugié à Riyad.vMohammed al-Hadhrami, vice-ministre des Affaires étrangères du gouvernement Hadi, a déclaré samedi sur Twitter que "ce qui se passe dans la capitale provisoire d'Aden est un coup d'Etat contre les institutions du gouvernement légitime".
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La "question du sud"
Aden était la capitale du Yémen du Sud, un Etat indépendant avant sa fusion avec le Nord en 1990. Selon l'ICG, les nouveaux affrontements au sein du camp anti-houthis soulignent "la nécessité pressante" de traiter "la question du Sud" et des sécessionnistes "maintenant" plutôt que d'"attendre une transition politique post-conflit".
Par ailleurs, la situation particulièrement complexe d'Aden reflète les ambiguïtés de la coalition antirebelles, "unie contre un ennemi commun mais fragmentée et sans identité commune", a noté l'ICG.
Même les Saoudiens et les Emiratis sont divisés entre eux. Les unités loyales au président Hadi sont soutenues par Riyad, tandis que le STC et la force "Cordon de sécurité" sont appuyées par Abou Dhabi.
Samedi, le gouvernement d'Abou Dhabi s'est déclaré "très inquiet" par la situation à Aden et a affirmé oeuvrer au maximum à une désescalade, "en tant que partenaire actif de la coalition" menée par Riyad.
Abdallah ben Zayed, ministre émirati des Affaires étrangères, a appelé toutes les forces à se concentrer sur la lutte contre les houthis, considérés comme l'ennemi principal. Selon le Comité international de la Croix-Rouge, quelque 200.000 habitants d'Aden n'ont pas accès à de l'eau potable en raison des combats.
Le conflit au Yémen a fait des dizaines de milliers de morts, dont une majorité de civils, selon diverses sources humanitaires. Environ 3,3 millions de personnes sont toujours déplacées et 24,1 millions, soit 80% de la population, ont besoin d'assistance, selon l'ONU qui évoque régulièrement la pire crise humanitaire au monde.
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14 h 38, le 11 août 2019