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Culture - Festival de Baalbeck/Rencontre

Omar Bachir, un prince pour le roi des instruments arabes

Omar Bachir se produira deux fois de suite dans le temple de Bacchus : en accompagnant Jahida Wehbé le premier soir* et, le lendemain, avec ses musiciens pour présenter un répertoire tout en couleur qu’il promet différent... Comme à son habitude.

Omar Bachir. Photo DR

Bachir, un patronyme célèbre à double titre… Au nom du père, Mounir, et au nom du fils, Omar, qui a pris la relève. Deux maîtres incontestés du oud, le père d’abord, référence incontournable dans l’art du maqam, le fils ensuite, qui a repris le flambeau.

Après un doctorat en musicologie de l’Université de Budapest, Mounir Bachir s’était installé, au cours des années soixante, au Liban pour mener une carrière de soliste. Lorsque le jeune régime baassiste irakien l’invite pour relancer le secteur artistique du pays au début des années 70, le maître oudiste, apolitique, pose ses conditions et les obtient. C’est ainsi qu’il crée plusieurs écoles de musique et organisations artistiques dans le pays. Et l’on parlera désormais de l’ère avant Bachir et de l’ère après, et surtout de l’école bachiriste. « Mon père a introduit le oud avec tous les instruments de musique, de la guitare au piano, en passant par le violon, sans jamais dénigrer la musique orientale. Il redonne ainsi au oud ses lettres de noblesse, et d’un instrument faisant désormais partie d’un orchestre, le musicien du oud devient soliste. Il le modifie dans sa forme et dans sa fonction. On dira de lui : “Le prophète du oud après le prophète Daoud”. »


Une école sans cour de récréation

Lorsque Omar Bachir naît à Budapest en 1970, son père, ce musicien de oud des plus vénérés du monde arabe, chef d’orchestre et instructeur, considéré comme le maître suprême d’un système de maqamate, n’avait aucune intention de former son fils à la musique. « Sauf que, raconte Omar Bachir, ma mère ayant décelé en moi une oreille musicale intéressante, avait insisté auprès de mon père qui me prendra sous son aile. C’est ainsi qu’à l’âge de 5 ans, je regardais, sans une larme, s’éloigner le train de mon enfance pour rejoindre l’école la plus difficile, celle de Mounir Bachir mon père. » « Il ne s’agissait pas seulement d’apprendre à jouer, mais aussi d’écouter, se souvient Omar Bachir. Nous restions ensemble dans le salon, mon père mettait des disques différents et nous explorions tous les genres. Un jour, nous écoutions de la musique flamenco pour en discuter, et le lendemain, c’était du raga indien ou de la musique japonaise. C’est ainsi que cela a fonctionné. » Son père était un véritable maître d’œuvre quand il s’agissait d’enseigner à son fils comment jouer de l’instrument. Les leçons quotidiennes pouvaient être d’une durée de six heures. Il fallait exercer le bras et l’esprit. « Je pouvais passer de cinq à six mois à entraîner la main gauche uniquement pour ensuite passer à la main droite pour six autres mois. Mon père considérait l’ego comme le plus grand ennemi de tout musicien et avait décidé de me briser afin que je puisse me reconstruire exempté de toute fierté déplacée. Si je faisais une erreur, il me disait simplement : “Oh, tu vas échouer. Je ne peux pas te faire monter sur scène. Tu n’es pas prêt”. »

Mais Omar Bachir reconnaît que la méthode de son père a fait de lui un meilleur musicien car c’était sa manière à lui de contrebalancer les éloges que son fils récoltait. Ces leçons avec son père lui ont appris que la musique était une activité sérieuse, sauf que « j’ai été longtemps en colère contre lui, il m’avait privé de mon enfance et de l’innocence des jeux d’enfants, mais aujourd’hui, s’il revenait à la vie, je recommencerais et lui baiserais mains et pieds pour ce qu’il a fait de moi ». Jamais de flatterie, ni d’éloges, ni d’encouragements, mais un apprentissage des plus sévères qui aurait découragé plus d’un. Et pourtant un soir, après avoir joué un duo inhabituel à Amman, aux côtés d’un guitariste électrique, le spectacle avait été un succès et son père était dans le public, il avait dit à son fils : « Ce soir, je suis fier de toi, continue à explorer, mais n’oublie jamais tes origines. » « 20 ans que j’attendais ce moment », confie Omar Bachir.


Je suis hippie

Omar Bachir avait ainsi rejoint l’école de musique et de ballet que son père avait fondée. Ce dernier s’était entouré des meilleurs musiciens venant de toute l’Europe, et l’école se concentrait sur la musique occidentale. En 1979, à neuf ans, le petit Omar présente son premier concert. « On m’avait qualifié d’enfant prodige, et moi, je pensais à ce train, celui sur lequel je n’avais pas pu embarquer avec mes copains. » À 18 ans, il entre au conservatoire, achève son éducation musicale et part en 1991 pour Budapest où il rejoint l’Académie Franz Liszt. « J’ai tout appris de mon père à qui je dois tout, mais c’est un chemin très particulier que j’ai emprunté. » Tout le secret de sa musique réside dans l’improvisation. Le véritable musicien à ses yeux joue sans livret de notes et jamais aucun concert ne ressemble à un autre. « Lorsque je prends mon envol, mes musiciens suivent. »

Depuis la sortie de son premier album, Music from Iraq, en 1992, il a enregistré plus d’une vingtaine d’albums qui explorent toutes les facettes du oud – de son rôle dans la musique spirituelle au rock et au flamenco. « Chaque projet que je fais commence vraiment par une pensée, explique-t-il, et à partir de là, j’explore et développe le concept. L’album, ou la musique elle-même, est en quelque sorte la réponse à cette question. » The Dancing Oud en est un excellent exemple. Il est un album sur lequel on peut danser et reste fidèle à la mission de l’artiste de mettre en valeur la diversité du oud. Suivront The Crazy Oud, qui comprend du blues et du jazz, et The Latin Oud dans lequel il interprète tellement bien la chanson Pharaon des Gipsy King que, depuis, elle sert d’intro pour tous leurs concerts...

Aujourd’hui, Omar Bachir est une référence mondiale, ses concerts affichent toujours complet, il a la reconnaissance et la gloire à sa porte et pourtant, rien ne le contente autant que de marcher pieds nus dans la rue et de traîner avec des hippies. Il aime prôner l’égalité et le pacifisme, conteste l’ordre établi, la société de consommation et le conformisme, et critique les gouvernements totalitaires, même ceux qui le reçoivent et l’honorent. « Je suis peut-être une star, mais je suis fondamentalement un hippie de l’intérieur. Je méprise l’ère de la matière, les billets de dollars valent autant à mes yeux qu’un mouchoir en papier, et une voiture pour moi, c’est uniquement 4 roues ! Je ne regrette rien dans la vie et ne connais pas de dépression. Je suis un artiste libre de mes pensées et fier de ce que je suis, un homme sans ego, l’enfant de cinq ans qui a tout appris de son père jusqu’à l’humilité car j’ai compris que le bonheur passait par là. » Le bonheur, justement, il sera sans doute présent les 2 et 3 août dans le temple de Bacchus, où le prince du oud officiera avec Jahida Wehbé le premier soir et avec son groupe musical le second soir, dans le cadre du Festival de Baalbeck.

*Le 2 août 2019 accompagnant Jahida Wehbé, et le 3 août avec son groupe musical.


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