Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, a annoncé jeudi qu'il allait demander au ministre du Travail, Camille Abousleiman, de soumettre sa décision relative à l'emploi illégal des étrangers, qui a provoqué une flambée de colère dans les camps de réfugiés palestiniens, au Conseil des ministres. "Je vais demander au ministre du Travail de soumettre sa décision concernant le travail des étrangers au Conseil des ministres", a déclaré M. Hariri.
Cette décision de M. Hariri est intervenue après un appel du chef du Parlement, Nabih Berry, lors de la séance plénière consacrée aux débats sur le budget, au ministre du Travail d'annuler sa décision. M. Berry a argué du fait que l'affaire ne peut pas attendre d'être débattue en Conseil des ministres, annonçant par la suite l'annulation de la décision qui fait polémique dans les rangs des réfugiés palestiniens. Lors d'une conférence de presse tenue un peu plus tard, le ministre du Travail n'a toutefois pas fait marche arrière, maintenant les mesures entreprises.
Les Palestiniens protestent contre la campagne menée par le ministère du Travail contre l'emploi illégal des étrangers. En juin, celui-ci a donné un délai d'un mois aux entreprises pour acquérir les permis de travail nécessaires. Après l'expiration de ce délai la semaine dernière, le ministère a commencé des inspections, fermé des établissements en infraction et donné des avertissements. Des militants ont critiqué ces mesures, affirmant qu'elles visaient particulièrement les Syriens qui seraient 1,5 million au Liban selon les autorités.
Mais les réfugiés palestiniens du Liban craignent aussi de faire les frais de cette campagne. Les réfugiés palestiniens au Liban bénéficient d'une exemption des frais appliqués aux travailleurs étrangers pour l'obtention d'un permis de travail. Les entrepreneurs parmi eux doivent en revanche payer 25% des frais appliqués au permis de travail et inscrire leur activité au registre du commerce, à l'instar de toute société opérant au Liban. En 2010, le Parlement libanais avait levé les restrictions imposées en matière d'emploi aux réfugiés palestiniens, jusque-là confinés à quelques secteurs, comme l'agriculture ou le bâtiment. Les professions libérales et la fonction publique restent réservées aux Libanais.
(Lire aussi : Abousleiman tente de résister à la pression des Palestiniens)
Geagea accuse le Hamas et le Hezbollah
Lors de sa conférence de presse, M. Abousleiman a une nouvelle fois assuré que les mesures prises ne sont pas dirigées contre eux, mais entrent plutôt dans le cadre de l’application du code de travail à tous les Libanais et étrangers, sans exception. "J'ai donné mes directives pour faciliter l'octroi de permis de travail et toutes les mesures que nous avons prises aident les Palestiniens", a-t-il déclaré. En référence aux mouvements de protestation, le ministre a affirmé que "tous ces troubles doivent s'arrêter parce qu'ils n'ont aucun sens".
"Nous sommes en train de mettre en application des lois qui donnent toutes les garanties aux Palestiniens", a indiqué le ministre, rappelant qu'ils auront par exemple des garanties contre le licenciement arbitraire. "Je ne comprends pas les mouvements de protestation parce que nous essayons d'aider les Palestiniens, a-t-il ajouté. Des universités et des grandes sociétés n'emploient pas des Palestiniens pour appliquer la loi. Nous voulons leur permettre de le faire, tout en appliquant la loi".
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a lui aussi dénoncé les mouvements de protestation des Palestiniens affirmant qu'ils "n'ont aucun lien avec la décision du ministre du Travail", affilié à sa formation. Il a accusé le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais d'orchestrer ces mouvements de protestation "en dénaturant la décision du ministre". "Tout cela a pour objectif d'entraîner la rue (palestinienne) du côté du Hamas et de ses alliés dans leur conflit avec l'Autorité palestinienne", a encore dit le chef des FL.
"Des invités au Liban"
L'ambassadeur de Palestine Achraf Dabbour a de son côté appelé les Palestiniens du Liban au calme, et l'autorité palestinienne a dépêché au Liban un dirigeant du Fateh, l'ancien ministre Azzam al-Ahmad. Ce dernier s'est entretenu jeudi matin avec le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, puis avec Bahia Hariri, députée de Saïda qui abrite le plus grand camp du Liban, Aïn el-Heloué. "Cette affaire a pris une ampleur disproportionnée, a déclaré M. al-Ahmad après avoir rencontré Bahia Hariri. Ce n'est pas une affaire de ministère, il y a des lois et nous devons les respecter".
Après avoir été reçu dans l'après-midi par M. Hariri, M. el-Ahmad a estimé que le Liban "a le droit de faire appliquer sa loi réglementant le travail". Les Palestiniens sont "des invités au Liban et doivent respecter la législation libanaise", a-t-il souligné, appelant à régler les problèmes soulevés par les décisions du ministère du Travail "par le dialogue". L'émissaire palestinien a encore mis en garde contre "toute instrumentalisation" de cette polémique.
Malgré ces appels au calme, la mobilisation s'est poursuivie dans les camps et jeudi, les Palestiniens du camp de Aïn el-Héloué étaient toujours en grève pour le quatrième jour consécutif. Toutes les entrées du camp étaient fermées. Les Palestiniens résidant dans le camp de Rachidiyé (Tyr, Liban-Sud) étaient également mobilisés. Lors d'un sit-in dans le camp, les porte-paroles des contestataires ont appelé le ministre Abousleimane à suspendre l'application des mesures prévues dans son plan et portant atteinte aux réfugiés palestiniens et appelé les responsables libanais à faire pression à cet effet sur le gouvernement. Ils ont également réclamé "un décret législatif qui permettrait aux Palestiniens de ne pas se trouver à la merci des décisions des ministères libanais, quels qu'ils soient".
Mercredi soir, l'armée libanaise avait accentué ses patrouilles dans les environs des camps palestiniens dans la banlieue-sud de Beyrouth.
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commentaires (7)
En effet les palestiniens sont "des invités au Liban et doivent respecter la législation libanaise",et obligatoirement obéir aux décisions du ministère du Travail ni plus ni moins .
Antoine Sabbagha
18 h 08, le 18 juillet 2019