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Liban - Code du travail

Abousleiman tente de résister à la pression des Palestiniens

Des réfugiés ont bloqué des routes aux abords de leurs camps et tenté sans succès d’atteindre le siège du Parlement.

Partout dans les camps palestiniens, comme ici à Bourj el-Brajné, les réfugiés ont laissé éclater leur colère. Anwar Amro/AFP

Le ministre du Travail, Camille Abousleiman, a affirmé hier qu’il poursuivra l’application de la loi relative au travail illégal des étrangers, en dépit des sit-in des Palestiniens organisés depuis lundi en signe de protestation contre les mesures de fermeture de commerces détenus illégalement par des étrangers ou employant des ouvriers non-libanais qui ne possèdent pas de permis de travail.

Il y a deux mois, M. Abousleiman avait publié un plan de lutte contre le travail illégal des étrangers, enjoignant aux étrangers en infraction de régulariser leur situation dans un délai d’un mois à partir du 10 juin. La semaine dernière, les inspecteurs de son ministère ont entamé des tournées dans différents points du pays, établissant des procès-verbaux à l’encontre de patrons qui n’ont pas finalisé des permis de travail à leurs salariés et allant même jusqu’à mettre sous scellés deux entreprises.

À noter que les réfugiés palestiniens bénéficient d’une exemption des frais dus par les travailleurs étrangers pour l’obtention d’un permis de travail. En 2010, le Parlement a en outre levé les restrictions qui leur étaient imposées en matière d’emploi et qui les confinaient à quelques secteurs, comme l’agriculture ou le bâtiment. Mais les professions libérales restent réservées aux Libanais.

« Nous continuerons à appliquer le code du travail et ne serons pas affectés par la pression », a martelé M. Abousleiman dans un entretien avec la LBCI, soulignant que « la loi s’applique à tous, tant aux Libanais qu’aux Palestiniens contrevenants ». « À chaque fois que nos inspecteurs constateront des infractions, ils prendront les mesures nécessaires », a-t-il prévenu, notant cependant que « sur 550 infractions à la loi du travail constatées depuis mercredi dernier, seuls deux grands établissements tenus par des Palestiniens sont concernés ».

Le ministre du Travail s’est par ailleurs montré disposé à faire preuve de « flexibilité » pour aider les Palestiniens à obtenir des permis de travail, affirmant que « les choses seront facilitées dans le cadre de la loi ».

Hier, à l’aube, des Palestiniens se sont toutefois insurgés contre la décision de M. Abousleiman d’appliquer la loi. Ils ont bloqué à l’aide de pneus enflammés les entrées des camps de Aïn el-Héloué, Miyé Miyé, Bourj Chémali et Rachidiyé, au Liban-Sud, ainsi que l’entrée du camp palestinien al-Khalil, à Baalbeck, et du camp de Bourj el-Brajné, dans la banlieue sud. Près de 200 manifestants ont également défilé à Beyrouth, près du pont de Cola, mais ont été empêchés par les forces de sécurité de se diriger vers le siège du Parlement.


Exemption ?

Interrogé par L’Orient-Le Jour sur les points d’assouplissement qu’il pourrait concéder, M. Abousleiman a évoqué « la possibilité d’exempter les travailleurs palestiniens d’une inscription à la Sécurité sociale et de dispenser les patrons palestiniens du paiement d’une caution bancaire ».

Le président du Comité de dialogue libano-palestinien, l’ancien ministre Hassan Mneimné, qui s’était réuni lundi avec le ministre du Travail, en présence de l’ambassadeur de Palestine à Beyrouth, Achraf Dabbour, indique à ce propos à L’OLJ qu’avec M. Dabbour, il a expliqué à M. Abousleiman que « les Palestiniens vivant dans les camps ont peur de perdre leur travail, c’est-à-dire la source de leur subsistance et celle de leurs familles ». M. Mneimné affirme que ce dernier a promis d’« œuvrer pour ne plus lier l’obtention d’un contrat de travail d’un étranger à la souscription de son patron à la Sécurité sociale, d’autant que les employeurs concernés possèdent généralement des entreprises très modestes et ne sont pas en mesure de payer les cotisations ». Un autre obstacle qui empêche un ressortissant palestinien de décrocher un permis de travail est que, selon la loi actuelle, pour qu’une entreprise puisse le recruter, il faut que son patron dépose une garantie bancaire de 60 000 dollars. M. Mneimné fait état d’une possibilité de « supprimer cette condition », précisant sur un autre plan que les travailleurs palestiniens exigent que « si un nouveau processus d’obtention de permis est adopté par M. Abousleiman, il faudra qu’il fasse l’objet d’un décret pris en Conseil des ministres, afin qu’il ne soit pas modifié au gré des ministres qui se succéderont à la tête du ministère du Travail ».

L’ambassadeur de Palestine à Beyrouth, Achraf Dabbour, s’est dit convaincu que le dialogue entrepris avec M. Abousleiman portera ses fruits, s’attendant à ce que « des résultats positifs soient bientôt perçus ». Il a appelé ses compatriotes à « préserver le calme au Liban », affirmant que « la stabilité de ce pays est propre à renforcer la cause et les droits palestiniens ».


Condamnations

Le président du Conseil national palestinien, Salim Zaanoun, semble au contraire stigmatiser la démarche de M. Abousleiman. Dans une lettre adressée au chef du législatif, Nabih Berry, il a appelé ce dernier à intervenir pour « empêcher les effets négatifs des mesures prises par le ministère du Travail contre des travailleurs palestiniens ». Mesures qui, selon lui, « nuisent gravement aux droits humains et civils et privent les Palestiniens de sources de subsistance ».

Dans le même esprit, plusieurs personnalités et formations politiques et professionnelles ont fustigé les mesures prises par M. Abousleiman, exhortant ce dernier à revenir sur sa décision. Pour le ministre du Travail, il ne s’agit pas toutefois d’une décision à proprement parler mais d’une simple application de la loi. Sur son compte Twitter, il a affirmé que son ministère « n’a pris aucune décision nouvelle, mais applique le code du travail ».

Parmi ceux qui ont critiqué l’initiative de M. Abousleiman, Anouar Jomaa, député du Hezbollah. À l’issue d’une réunion avec une délégation du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP), il a mis l’accent sur la nécessité d’« exempter les ressortissants palestiniens de la loi des travailleurs étrangers, ce en raison de leur spécificité ».

Dans un communiqué, la Jamaa islamiya a condamné, pour sa part, ce qu’elle décrit comme des « décisions hâtives et non étudiées au plan des répercussions économiques et humanitaires », réclamant au ministère du Travail de « revenir sur ces décisions dont émane une odeur de racisme sous couvert de légalité ».

La Commission nationale libanaise pour le soutien de la cause palestinienne a insisté, dans un communiqué, que soit « prise en considération la situation des travailleurs palestiniens, notamment après la réduction des aides de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) imposée par les États-Unis, en connivence avec l’ennemi israélien ».

Des propriétaires d’entreprises touristiques de la Békaa centrale ont eux aussi appelé M. Abousleiman à « revenir sur sa décision ». « Nous embauchons des centaines de Libanais, mais certains emplois ne sont pas prisés par les nationaux, ce qui nous pousse à avoir recours à la main-d’œuvre arabe et étrangère », ont-ils expliqué dans un communiqué.

Face aux condamnations et mouvements de protestation contre la campagne menée par M. Abouleiman, la Ligue maronite s’est dit « surprise ». « Aucune décision n’a été adoptée par le ministère du Travail à l’encontre des Palestiniens ou d’autres. Camille Abousleiman a simplement appliqué aux Libanais, Palestiniens et étrangers des lois entrées en vigueur avant son entrée en fonctions », a-t-elle affirmé dans un communiqué. « Nous rejetons les accusations injustifiées lancées contre lui, d’autant qu’il n’a jamais été raciste. Son passé professionnel et sa culture juridique en témoignent », ajoute la Ligue maronite, soupçonnant « une main cachée qui tire les ficelles d’un mouvement d’opposition pour des raisons et des objectifs inconnus ».


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FALLAIT PAS LANCER DES INEPTIES.

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 15, le 17 juillet 2019

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Commentaires (3)

  • FALLAIT PAS LANCER DES INEPTIES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 15, le 17 juillet 2019

  • 1- Mr. Anouar Jomaa, "exempter les ressortissants palestiniens de la loi des travailleurs étrangers" c'est l’équivalent d'accepter leur implantation. A mon entendement, il y a une semaine seulement que le Hezbollah était contre cette possibilité et aujourd'hui Mr. Jomaa demande son contraire! De la pure politique politicienne, toujours dans le seul but de saper l’état et ses lois. 2- Certains demande "Que soit prise en considération la situation des travailleurs palestiniens, notamment après la réduction des aides de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) imposée par les États-Unis, en connivence avec l’ennemi israélien ». Les Palestiniens ont usé et abusé de l’hospitalité Libanaise comme des sous Arabes en les dilapidant pour rien. Basta! Il est temps qu'ils se conforment aux règles du pays. Pourquoi doit on encore supporter des coûts supplémentaires pour une cause qui ne devrait plus nous concerner? Les Arabes et ils n'en ont plus rien a foutre! Nous non plus d'ailleurs!

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 14, le 17 juillet 2019

  • Monsieur Anouar Jomaa, député du Hezbollah, de quoi vous mélez-vous ? Votre parti qui claironne depuis des décennies vouloir libérer la Palestine...qu'attend-il pour le faire, et ainsi rapatrier ces réfugiés palestiniens "chez eux" ? Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 23, le 17 juillet 2019

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