Les réfugiés palestiniens étaient sur le qui-vive hier, après que le ministère du Travail a lancé il y a quelques jours une campagne de fermeture de commerces détenus illégalement par des étrangers ou employant des ouvriers non libanais qui ne possèdent pas de permis de travail. Le ministère a pour sa part défendu son plan relatif à la lutte contre la main-d’œuvre étrangère illégale et démenti les informations selon lesquelles les Palestiniens sont la cible de ce plan.
Contacté par L’Orient-Le Jour, le ministre du Travail, Camille Abousleiman, a assuré que les mesures prises par son ministère ne sont dirigées contre personne mais qu’il est nécessaire d’appliquer la loi. Il s’était réuni plus tôt dans la journée avec le président du comité de dialogue libano-palestinien, l’ancien ministre Hassan Mneimné, ainsi qu’avec l’ambassadeur de Palestine à Beyrouth, Achraf Dabbour.
« Je leur ai expliqué qu’il n’y avait pas de décision prise à l’encontre des Palestiniens. Mais on ne peut pas faire d’exceptions. Tout le monde doit obéir à la loi. En revanche, je leur ai dit que j’étais prêt à assouplir certaines des conditions pour l’obtention des permis de travail, à condition qu’ils adoptent une attitude marquée par le calme et le dialogue », a déclaré M. Abousleiman, dans une critique claire aux manifestations ayant eu lieu hier matin dans les camps de Bourj el-Chamaly et Rachidiyé. À noter qu’une grève est prévue aujourd’hui dans les camps palestiniens de Saïda, notamment celui de Aïn el-Héloué.
(Pour mémoire : Aucune complaisance envers les personnes embauchant illégalement des étrangers, affirme Abousleiman)
Appui de Bou Faour
« Je n’ai pas compris l’utilité des manifestations dans les camps palestiniens, a d’autre part relevé le ministre du Travail à L’OLJ. Il n’y a rien qui soit dirigé contre eux. J’ai même défendu la cause palestinienne lors de la conférence de Genève (en juin dernier). La loi ne peut pas être appliquée uniquement aux Libanais dans le pays, il faut qu’elle s’applique aussi aux Palestiniens. »
Mercredi dernier, le ministre du Travail avait affirmé que le ministère ne ferait preuve d’aucune complaisance à l’égard des personnes embauchant de manière illégale des étrangers, alors que le délai accordé aux entreprises employant des non-Libanais pour finaliser les permis de travail de ces derniers expirait ce jour-là.
Le ministre de l’Industrie, Waël Bou Faour, a pour sa part appelé hier, à l’issue d’une réunion avec M. Abousleiman, à ce que les « Libanais soient embauchés en priorité ». « Le plan du ministère du Travail est un plan national loin de tout racisme », a ajouté M. Bou Faour.
« Travailler pour subsister »
« Les Palestiniens veulent juste travailler pour subsister et nourrir leurs familles », a pour sa part déclaré l’ambassadeur palestinien Achraf Dabbour, à l’issue de sa réunion avec le ministre du Travail. « Nous demandons qu’il y ait adoption de mesures pratiques, en coopération avec le comité de dialogue libano-palestinien, pour amoindrir les souffrances des Palestiniens et leur garantir le droit de travailler selon les lois en vigueur. Ces lois exemptent les Palestiniens nés au Liban et ceux nés de mère libanaise de ces mesures (concernant l’obtention des permis) », a-t-il souligné.
Hassan Mneimé, président du comité de dialogue libano-palestinien, a pour sa part dénoncé, dans un entretien avec L’OLJ, certaines conditions qui rendent l’obtention des permis de travail difficile. « Une loi votée en 2010 a annulé les frais pour obtenir des permis de travail pour les Palestiniens, mais certains obstacles subsistent. Il faut d’abord avoir un contrat avec l’employeur qui est lui-même obligé de souscrire à la Sécurité sociale, ce qu’il ne fait pas tout le temps. De plus, les patrons palestiniens qui emploient du personnel doivent avoir une garantie de 60 000 $ (quand le capital dépasse 100 millions de livres). Le ministre nous a promis de trouver des solutions », a-t-il déclaré, ajoutant : « L’attribution des permis de travail dépend parfois aussi du bon vouloir de certains fonctionnaires. »
Réagissant à la polémique sur la main-d’œuvre palestinienne, l’ancien ministre Achraf Rifi a appelé le ministre du Travail dans un tweet à « reconsidérer toute décision qui pourrait affecter négativement la vie des Palestiniens », tout en insistant sur le refus de l’implantation. Le député de Saïda et chef du mouvement nassérien Oussama Saad a pour sa part dénoncé hier « des mesures qui portent atteinte à l’identité arabe du Liban », à l’issue d’une réunion avec une délégation palestinienne.
Ziyad Sayegh, expert en politiques publiques et réfugiés, réfute pour sa part les accusations de racisme ou de xénophobie envers les travailleurs palestiniens et plaide pour une application de la loi. « Je ne pense pas que les Palestiniens soient intentionnellement visés par ces mesures. Il s’agit uniquement d’une application de la loi, a déclaré M. Sayegh à L’OLJ. Le problème est qu’il n’y a pas de politique du travail dans le pays. On ne sait pas de quoi on a besoin, ni dans quel secteur. Il faut réfléchir à cela. »
Et M. Sayegh d’ajouter : « M. Abousleiman est issu d’un milieu juridique et il est connu pour son respect des droits de l’homme. Il reste à voir la méthode qui va être mise en place pour faire respecter la loi. Nous avons une chance, avec ce ministre, de pouvoir développer une véritable politique du travail. Il faut également lancer le dialogue entre les patrons et les ouvriers et unifier l’inspection au sein des institutions et des ministères. »
Pour mémoire
Abousleiman aux industriels : Pour chaque étranger embauché, employez trois Libanais
La hausse des frais de permis de travail adoptée en commission
commentaires (5)
J’ai consulté des économistes confirmés, toutes ces ponctions ne réduisent pas beaucoup le déficit, mais à chacun son idée…
L'ARCHIPEL LIBANAIS
16 h 14, le 16 juillet 2019