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Moyen Orient et Monde - Élection municipale

À Istanbul, l’opposition en ordre de bataille

À la veille d’un nouveau scrutin municipal dans la capitale économique turque, le candidat du CHP et maire déchu, Ekrem Imamoglu, continue de mener campagne tambour battant. Son adversaire de l’AKP, Binali Yildirim, peine lui à trouver sa place. Mais le résultat de dimanche s’annonce serré.

Le candidat du CHP à la mairie d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, s’adressant à ses partisans, le 19 juin à Istanbul.Murad Sezer/Reuters

Telle une rockstar, Ekrem Imamoglu salue la foule depuis le toit d’un bus siglé de son nom et de son portrait. Il est 18h30 et le candidat du CHP (le principal parti d’opposition) à la mairie d’Istanbul en est déjà à son troisième rassemblement public de la journée.

À 49 ans, le politicien au style décontracté suscite espoir et enthousiasme chez une partie des électeurs lassés par vingt-cinq années de gestion AKP (le parti du président Recep Tayyip Erdogan) de la capitale économique turque. Il faut dire que l’homme a le sens du spectacle et de la formule. Face à lui, des centaines de personnes chantent en chœur « Her sey çok güzel olacak » (« Tout ira très bien »). Des mots prononcés le 6 mai dernier par Ekrem Imamoglu lui-même. Ce jou-là, le YSK, le Haut Comité électoral turc, annulait pourtant la victoire du CHP lors du scrutin municipal du 31 mars dernier, sous prétexte d’irrégularités. Mais le maire déchu, qui avait créé la surprise en battant d’un cheveu le candidat de l’AKP et ancien Premier ministre Binali Yildirim, ne se départit pas de son flegme. Il tient d’abord à rassurer ses supporteurs sur sa capacité à triompher à nouveau. Et cette petite phrase, en apparence anodine, « Tout ira très bien », devient rapidement un slogan politique. Depuis cette décision controversée, Ekrem Imamoglu est reparti au combat, plus déterminé encore.

À bord de son bus de campagne, il sillonne Istanbul et va à la rencontre des électeurs. En cette fin d’après-midi, à Ümraniye, dans ce quartier résidentiel et périphérique de la rive asiatique, cet ancien entrepreneur du bâtiment insiste, comme à son habitude, sur des problématiques concrètes : l’emploi, les transports, le pouvoir d’achat. Et surtout, il veut dépasser le clivage turc habituel entre libéraux laïcs et islamo-conservateurs : « Je serai le maire des 16 millions de Stambouliotes », répète à l’envi ce bon orateur, encore inconnu du grand public il y a quelques mois. Un discours rassembleur qui séduit au-delà de la base de son électorat. « Je vote pour l’AKP depuis toujours, mais cette fois, je donnerai ma voix au CHP, confie un homme d’une cinquantaine d’années dans l’auditoire. J’ai été choqué par l’annulation des résultats : il faut respecter le choix des urnes ! »


(Lire aussi : Municipales d’Istanbul : Erdogan change de stratégie)


Avis de tempête
Pour limiter le risque de nouvelles contestations lors du vote de dimanche, le CHP mise cette fois sur une armée d’observateurs bénévoles. Au siège local du parti, dans l’arrondissement central de Beyoglu, non loin de la célèbre place Taksim, le téléphone d’Ahmet Kiraz n’arrête pas de sonner. Cet avocat politisé est chargé de coordonner des équipes de juristes venus de tout le pays. « Là, j’étais en ligne avec un groupe d’une centaine de confrères et consœurs de la ville d’Adana (dans le sud de la Turquie, NDLR) qui ont prévu de venir à Istanbul ce week-end pour nous prêter main-forte, glisse-t-il entre deux coups de fil. Rien qu’à Beyoglu, nous serons au minimum quatre-vingt-cinq avocats pour surveiller 502 bureaux de vote, c’est deux fois plus que d’habitude ! »

Afin de réitérer l’exploit du 31 mars, le parti kémaliste tente aussi de remobiliser ses troupes. Des bus ont été affrétés aux quatre coins de la Turquie pour permettre aux électeurs du CHP ne résidant pas à Istanbul de voter dans leur ville d’origine. Ces dernières semaines, de nombreuses municipalités ont également choisi l’humour pour inciter les Stambouliotes en congé à se rendre malgré tout aux urnes. Sur son compte Twitter, la mairie de Datça, une cité côtière de la mer Méditerranée, annonce même une tempête de neige ainsi qu’une invasion de créatures mutantes sur ses plages le 23 juin, jour du vote. De son côté, l’AKP mène une seconde campagne diamétralement opposée à celle du premier scrutin. Cette fois-ci, pas de meetings géants, pas de discours polarisants sur « la survie de la nation », et surtout, un candidat, Binali Yildirim, plus visible et accessible. Une fois n’est pas coutume, Recep Tayyip Erdogan a préféré rester en retrait. Le « reis » (chef) a même autorisé la tenue d’un débat télévisé entre un membre de sa formation politique et un adversaire, une première depuis 17 ans en Turquie ! Ce qui n’a pas empêché le président de la République de décocher, cette semaine, quelques flèches en direction d’Ekrem Imamoglu, que tous les instituts de sondage donnent légèrement en tête.

Recep Tayyip Erdogan a coutume de dire : « Qui contrôle Istanbul contrôle la Turquie. » Une nouvelle victoire du candidat de l’opposition dans la ville-monde serait un message clair envoyé par les électeurs stambouliotes à l’homme fort du pays.


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