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Culture - Commémoration

Assi Rahbani, ce père fondateur et unificateur

Trente-trois ans déjà que le maître de la composition et du verbe poétique libanais n’est plus. En cette fête des Pères et de la Musique, hommage au... père de l’opérette libanaise.


Assi Rahbani. Photo tirée des archives de L’OLJ.

« L’artiste a le pouvoir de réveiller la force d’agir qui sommeille dans d’autres âmes », disait l’autre. Assi Rahbani a certainement été l’un de ces artistes-là. Patriote viscéralement attaché au Liban, il a rendu à l’engagement patriotique ses lettres de noblesse. Ce compositeur engagé a incité, aux moments les plus critiques de l’histoire du pays du Cèdre, tout un peuple à se mobiliser au nom de la patrie. « J’ai écrit sur l’attachement à la terre, sur l’enracinement, comment voulez-vous que je la quitte ! J’ai un sentiment intérieur que je suis plus protégé si je reste dans mon pays et dans ma bourgade, Antélias », disait-il.

À sa mort, le 21 juin 1986, et par la cruelle ironie du sort le jour même de la fête de la Musique, au terme d’une existence laborieuse où sa passion pour la création musicale n’aura d’égal que son engagement patriotique pour la réunification du Liban, il aura laissé derrière lui un phénomène artistique nouveau. Un phénomène évoluant, d’une part, pour devenir l’héritage culturel du pays et tendant, d’autre part, à faire sortir la musique arabe de la léthargie dans laquelle elle s’était plongée. Avec son frère Mansour et son épouse, la diva Feyrouz, ce monstre démiurge a porté à un point de perfection des centaines et des centaines d’œuvres qui embrassent tous les genres musicaux de son époque, qui devinrent après lui les principales formes de la musique savante libanaise. Le nom de ce trio est, rapidement, passé dans le langage courant comme synonyme de génie et de virtuosité. Entre la langue monodique modale orientale et la langue harmonique tonale occidentale, les frères Rahbani ont constitué la pierre angulaire du renouveau de la musique arabe par l’introduction de nouveaux genres musicaux basés sur la polyphonie sans pour autant rompre avec la musique traditionnelle du Moyen-Orient.

Feyrouz, quant à elle, n’a eu de cesse de prêter sa voix « turquoise », envoûtante et mythique aux sans voix, inscrivant ainsi la musique des frères Rahbani dans la mémoire collective universelle. Ainsi, sous le coup de la douleur infligée par une guerre sans merci, l’âme de la trinité de la chanson libanaise a vibré comme un cristal ; un chant s’est élevé en elle et les mots, les images et les sons se sont efforcés de traduire ce chant intérieur qui a brisé toutes les barricades en criant Bhebbak ya Lebnan (Je t’aime, ô Liban), pour arriver à tous les refuges du Nord jusqu’au Sud en passant par la capitale Beyrouth et faire fondre en larmes tous les Libanais sans exception.

« Victime de son génie, de sa créativité et de son sacrifice » (comme l’a écrit un des journaux de l’époque), le père fondateur de l’opérette libanaise a été hospitalisé, pour la première fois le 26 septembre 1972, à la suite d’une hémorragie cérébrale gauche. Ce jour-là, les Libanais, chrétiens et musulmans, se sont réunis pour sonner les cloches des églises et appeler à la prière dans les mosquées. Assi Rahbani, qui a tissé des chefs-d’œuvre qui font, jusqu’à nos jours, la fierté du Liban dans le monde entier et qui a œuvré, jour et nuit, pour la coexistence des religions, a fini par céder à la mort le 21 juin 1986, une mort qui le rapprochait du Tout-Puissant, du « grand », auquel il s’est adressé durant ses derniers jours par les mots suivants : « Ouvre-moi, ouvre-moi, le sifflement me tue et la mer n’a pas de son, je t’en supplie ouvre-moi... l’écriture poétique est un tourment, la composition musicale est un tourment, la vie est un tourment, la mort est le couronnement de la vie. »

Rima Rahbani : Je n’arrive pas à retenir ma tristesse

Assi et Rima Rahbani dans un moment de complicité heureuse.Photo archives L’OLJ

C’est un message poignant que Rima Rahbani, la fille cadette de Assi et Feyrouz, rend, à travers L’Orient-Le Jour, à son père, décédé il y a 33 ans le jour même de la fête des Pères : « Je me rappelle toujours de toi disant que les gens doivent se réjouir, et à ta mémoire je ne parviens pas à retenir ma tristesse. Il est vrai qu’à travers sa voix (la voix de Feyrouz) tu continues à me rassurer mais toi, tu n’es plus là ! Ton absence l’a fatiguée et nous a tous fatigués... Ton absence a laissé un vide infini que personne n’a pu combler et que même le temps n’a pu effacer. Tu disais toujours que tu étais le mur de soutien de tous et nous n’avions jamais compris l’importance de ce mur que lorsque nous l’avons perdu. Tu me manques beaucoup et je continue à rêver que tu es quelque part très haut en train de nous regarder, et heureux. »


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Arrivé au bout de mon grand âge, et 46 ans de vie loin du pays natal, je me permets de dire que la chanson, les paroles, la musique et l'orchestration de la chanson "Sa narjaou yawman ila hayyina"* est le plus belle du monde. * "Nous reviendrons un jour à notre quartier".

Un Libanais

19 h 20, le 21 juin 2019

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Commentaires (1)

  • Arrivé au bout de mon grand âge, et 46 ans de vie loin du pays natal, je me permets de dire que la chanson, les paroles, la musique et l'orchestration de la chanson "Sa narjaou yawman ila hayyina"* est le plus belle du monde. * "Nous reviendrons un jour à notre quartier".

    Un Libanais

    19 h 20, le 21 juin 2019

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