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Liban - Éclairage

Au Liban, le tabagisme des moins de 18 ans explose

Les jeunes fument de plus en plus tôt, parfois dès l’âge de 11 ou 12 ans.


Pour Pascale Salameh, épidémiologiste, le grand coupable de la hausse du tabagisme des jeunes au Liban est le narguilé. AFP / JOSEPH EID

Entre 10 et 15 points de pourcentage en plus. Voilà l’augmentation vertigineuse du tabagisme chez les moins de 18 ans au Liban en dix ans, selon un recensement effectué dans des écoles libanaises par Pascale Salameh, pharmacienne, épidémiologiste et professeure d’université. Une tendance qui suit celle du Moyen-Orient, mais est totalement inversée par rapport à l’évolution mondiale du tabagisme chez les jeunes.

« Entre 30 et 35 % de jeunes Libanais fument, contre pas plus de 20 % il y a une dizaine d’années », affirme à L’Orient-Le Jour Pascale Salameh.

Cette tendance à la hausse du tabagisme au Liban ne s’applique pas qu’aux jeunes, le nombre de fumeurs adultes continuant d’augmenter. En 2010, 34,2 % des hommes et 19,5 % des femmes fumaient quotidiennement, selon des chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), tandis que cinq ans plus tard, 37,4 % des Libanais et 21,3 % des Libanaises de plus de 15 ans consommaient du tabac.

Cette augmentation du tabagisme chez les jeunes fait, dans une certaine mesure, écho aux statistiques disponibles pour d’autres pays de la région, selon les chiffres de l’OMS. En Égypte, par exemple, 7,5 % des jeunes de 13 à 15 ans fumaient des cigarettes en 2009, un chiffre montant à 10,1 % en 2014. En Irak, 13,4 % des jeunes de cette même tranche d’âge avaient consommé du tabac, sous n’importe quelle forme, un chiffre en légère augmentation en 2014, avec 14,1 % de fumeurs.

En Europe et en Amérique du Nord, en revanche, de moins en moins de gens, et de jeunes, fument. Aux États-Unis, par exemple, une étude réalisée en 2017 par le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) rapportait que 7,6 % des jeunes de 14 à 18 ans fumaient des cigarettes, contre 28 % en 2000.

Haro sur le narguilé
Pour Mme Salameh, le grand coupable de cette hausse du tabagisme des jeunes au Liban est le narguilé qui pose « un véritable problème culturel », tant il est socialement accepté que jeunes filles et garçons le fument. Il y a dix ans, sur l’ensemble des jeunes consommant du tabac, un tiers seulement fumaient la pipe à eau. Aujourd’hui, deux tiers d’entre eux apprécient ses nuages de fumée sucrée et le roulis de l’eau dans le vase, précise-t-elle, soulignant que cette tendance en hausse est « très marquée chez les filles ».

L’épidémiologiste tire également la sonnette d’alarme quant à l’âge toujours plus bas d’initiation au tabagisme. « Avant, les enfants commençaient à fumer vers 13-14 ans, aujourd’hui, certains commencent dès 11-12 ans », s’exclame-t-elle, expliquant qu’un enfant entouré de parents, d’amis ou de frères et sœurs qui fument risque de commencer très tôt à fumer. À l’inverse, plusieurs « facteurs de protection » permettent d’éviter l’initiation précoce au tabagisme, comme le fait d’avoir des parents qui ne fument pas et qui s’opposent au tabagisme, une communication ouverte avec le père et une forte présence de la mère à la maison.

« Choqués et déçus »
Pour Carl, jeune fumeur de 18 ans, le fait que ses parents soient « non-fumeurs et entièrement contre la cigarette » ne l’a pas empêché de commencer à fumer dès l’âge de 11 ans. « Je traînais beaucoup avec des amis plus âgés, de 16-17 ans, et je voulais m’intégrer, faire le mec devant eux », explique le lycéen. « La première m’a semblé dégoûtante », se souvient-il. Le dégoût laisse rapidement place à l’addiction.

Mya a 16 ans. Lorsqu’elle a commencé à fumer, il y a deux ans, ses parents, pourtant fumeurs, se sont montrés « choqués et déçus ». « Je pense qu’aucun parent ne veut que ses enfants fument », estime-t-elle, précisant n’avoir jamais allumé de cigarette en présence de ses parents.

Autre source d’inquiétude, Pascale Salameh explique que, parmi les mineurs interrogés lors du dernier recensement mené au Liban, « aucun jeune qui fume régulièrement n’a arrêté de fumer ».

Carl souhaite néanmoins changer ses pratiques tabagiques. « J’essaie de remplacer la cigarette par d’autres choses. Pour le moment, je ne fume plus que la cigarette électronique. On dit que c’est moins nocif », souligne-t-il, après être arrivé à fumer deux paquets de cigarettes par jour.

Comment expliquer cette hausse du tabagisme chez les jeunes, alors que l’État a adopté il y a huit ans une loi antitabac, interdisant notamment de fumer dans les lieux publics et ordonnant que soient collés sur les paquets de cigarettes divers avertissements concernant les risques du tabac sur la santé ? « Cette loi est constamment enfreinte et contournée et n’a eu aucun impact sur les jeunes », se désole Mme Salameh. Elle regrette notamment que les commerçants ne vérifient pas l’âge des jeunes achetant des cigarettes, que les avertissements concernant les risques de santé ne se retrouvent pas sur les paquets de tombac et que les prix du tabac n’aient jamais augmenté, alors qu’il a été prouvé que ceci constitue un facteur essentiel de diminution du tabagisme.

Mya, elle, ne compte pas lâcher cette habitude, affirmant que « rien ne pourrait la motiver à arrêter ». « Ma mère m’a parlé des risques, du cancer, mais ça ne m’atteint pas du tout », reconnaît l’adolescente, qui fume près d’un paquet de cigarettes par jour.

En l’absence de réelle volonté des décideurs libanais d’inverser les tendances en matière de tabagisme, l’horizon semble toujours plus enfumé. Au Liban, le nombre de consommateurs de tabac, tous âges confondus, pourrait encore augmenter d’ici à 2025, jusqu’à atteindre 48 % de la population, selon l’OMS, et, avec lui, le nombre de mineurs accrochés à leur cigarette et leur narguilé.



Lire dans notre dossier spécial

Loi antitabac : vers un amendement pour une meilleure application ?, par Nada MERHI

Pourquoi les cigarettes restent-elles bon marché au Liban ?, par Philippe HAGE BOUTROS

Pourquoi la cigarette électronique est-elle interdite d’importation au Liban ?, par Gaby NASR

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Entre 10 et 15 points de pourcentage en plus. Voilà l’augmentation vertigineuse du tabagisme chez les moins de 18 ans au Liban en dix ans, selon un recensement effectué dans des écoles libanaises par Pascale Salameh, pharmacienne, épidémiologiste et professeure d’université. Une tendance qui suit celle du Moyen-Orient, mais est totalement inversée par rapport à l’évolution...

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Le libanais (homme et femmes) adore imiter les occidentaux...et en tout. Alors j'ai envie de leur dire à mes concitoyens : réveillez vous et pour une fois allez jusqu'au bout de votre raisonnement et imitez l'Europe totalement et cessez de fumez bêtement en vous faisant autant de violence. Votre santé n'a pas de prix. En France il ne reste que très peu de gens qui fument encore... Ces deux derniers années...deux millions de français ont cessé de fumer et la tendance continue.

Sarkis Serge Tateossian

01 h 39, le 01 juin 2019

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Commentaires (1)

  • Le libanais (homme et femmes) adore imiter les occidentaux...et en tout. Alors j'ai envie de leur dire à mes concitoyens : réveillez vous et pour une fois allez jusqu'au bout de votre raisonnement et imitez l'Europe totalement et cessez de fumez bêtement en vous faisant autant de violence. Votre santé n'a pas de prix. En France il ne reste que très peu de gens qui fument encore... Ces deux derniers années...deux millions de français ont cessé de fumer et la tendance continue.

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 39, le 01 juin 2019

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