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Liban - Focus

Pourquoi les cigarettes restent-elles bon marché au Liban ?

Placée sous la tutelle du ministère des Finances, la Régie a triplé ses capacités de production en 2015 et a signé, depuis, une série d’accords de sous-traitance avec plusieurs grands cigarettiers. Photo L'Orient-Le Jour

Le Liban a presque tout d’un paradis pour fumeurs : la loi 174 sur la lutte antitabac de 2011 n’existe presque que sur le papier ; il est possible d’acheter – voire de se faire livrer – des cigarettes et du tombac même dans les endroits les plus improbables ; et enfin le tabac y est, sous la plupart de ses formes, bien moins cher qu’ailleurs.

Un classement du prix des cigarettes publié en octobre 2016 par le site Numbeo, plaçait le Liban en 68e position sur 88 pays, en se basant sur les prix TTC d’un paquet standard de Marlboro, dont le prix moyen a été fixé au Liban à 2,32 dollars américains, soit environ 3 500 livres. Si ce tarif reste bien plus élevé que les 99 cents de dollar que payent les Pakistanais, derniers du classement, il est cependant dérisoire par rapport aux 8,93 dollars facturés aux Français (10es au classement) ; aux 12,66 dollars imposés aux Britanniques (5es) ; et aux 20,79 dollars que doivent débourser les Australiens (1ers). Si ce classement n’a pas été mis à jour depuis, plusieurs sources concordantes assurent que la situation n’a pas beaucoup évolué.

25 000 producteurs de tabac
« Les droits d’accises (taxe catégorielle, NDLR) sur le prix du paquet de cigarettes n’ont augmenté que de 1 500 livres depuis les années 2000. La Régie a parfois procédé à des ajustements sur le prix de vente du paquet lui-même, hors taxes, afin que le consommateur final ne paye pas plus. C’est ce qui explique que les prix de certaines marques de cigarettes n’ont pas bougé quand la hausse d’un point de TVA votée en 2017 est entrée en vigueur quelques mois plus tard », explique une source au sein de la Régie libanaise des tabacs et tombacs, l’établissement public qui détient le monopole de la production et de la distribution du tabac dans le pays.

Placée sous la tutelle du ministère des Finances, la Régie a triplé ses capacités de production en 2015 et a signé, depuis, une série d’accords de sous-traitance avec plusieurs grands cigarettiers (Imperial Tobacco, Japan Tobacco International, British American Tobacco ou encore Philip Morris International). Selon la source précitée, l’établissement public a versé environ 300 millions de dollars à l’État en 2018, pour pas moins de 550 millions de paquets de cigarettes commercialisés dans le pays sur cet exercice. Enfin, la régie fait vivre près de 25 000 producteurs de tabac, la moitié au Liban-Sud, le reste réparti entre le Liban-Nord et la Békaa.

Selon une enquête publiée en 2017 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les amateurs de nicotine au Liban allument 3 223,15 cigarettes par an et par personne – soit un demi-paquet par jour et par personne en moyenne, avec d’importantes disparités dans les profils. Ce total place le Liban sur la troisième marche du podium, derrière le Monténégro (4124,53) et la Biélorussie (3831,62).

Le poids des lobbies
Mais alors, pourquoi l’État libanais n’augmente-t-il pas les taxes sur les cigarettes – droits d’accises, TVA et frais de douanes –, comme l’ont fait certains pays, la France à titre d’exemple, où les revenus liés aux ventes de cigarettes, tabac à rouler, cigares et autres types de tabac (pipes, narguilé, etc.) ont bondi de 702 millions d’euros en 2018 – d’après BFM Business sur la base des chiffres de ventes publiés par Logista – malgré une baisse de 9,3 % des ventes sur cette période. Une question d’autant plus légitime que l’État français, qui n’est pas le seul pays à se retrouver dans cette configuration, augmente fréquemment les taxes sur les paquets de cigarettes, dont les prix ont plus que doublé en vingt ans.

L’autre avantage financier que l’État peut tirer de la hausse des prix du tabac, qui est considéré par l’OMS comme « le moyen le plus efficace de diminuer la consommation », est la baisse de la facture de la prise en charge des soins pour toutes les maladies provoquées ou aggravées par la consommation de tabac, souligne l’économise Jad Chaaban. Dans un rapport publié en 2010 sous le giron de l’Université américaine de Beyrouth et corédigé avec Nadia Naamani ainsi que Nisreen Salti, Jad Chaaban avait estimé que le pays perdait plus d’argent qu’il n’en gagnait en maintenant une politique laxiste vis-à-vis du tabagisme.

Pour l’économiste, ce sont les lobbies du tabac qui font pression pour que le prix du paquet de cigarettes au Liban ne décolle pas. « Les cigarettiers s’intéressent beaucoup aux marchés émergents dans lesquels les réglementations vis-à-vis du tabac sont relativement laxistes et font du lobbyisme pour s’assurer que les prix du tabac y soient abordables », assure-t-il. De fait, le bas du classement de Numbeo est dominé par les pays en développement. « De manière plus globale, la vraie question est : peut-on mettre en œuvre des politiques pour limiter la consommation de cigarettes dans un pays où l’État détient un monopole de la production de tabac ? » relève Jad Chaaban.

La Régie estime, pour sa part, qu’une hausse trop brusque du prix du tabac provoquerait une explosion de la contrebande, ainsi qu’une forte baisse des revenus versés à l’État. « Les autorités ont dénombré environ 140 points de passage à la frontière syro-libanaise et le prix d’une caisse de cigarettes que nous vendons 1 000 dollars ici tombe à 400 dollars pour celles qui viennent de Syrie, où les taxes sur le tabac ne sont pas appliquées en raison des troubles sécuritaires qui ont éclaté dans le pays depuis le début du conflit en 2011 », plaide la source précitée. Elle assure qu’un paquet de cigarettes sur quatre vendu au Liban est issu de la contrebande et qu’une hausse trop brutale ne ferait qu’aggraver la situation.


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commentaires (3)

PRIERE LIRE PROJET DE BUDGET ETC... MERCI.

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 36, le 31 mai 2019

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Commentaires (3)

  • PRIERE LIRE PROJET DE BUDGET ETC... MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 36, le 31 mai 2019

  • UN DES ASPECTS DE TRAFIC QUI FAIT PERDRE BEAUCOUP DE DROITS D,IMPORTATION A L,ETAT LIBANAIS. S,IL N,Y A PAS ASSAINISSEMENT URGENT A L,AEROPORT ET AUX PORTS COMME AILLEURS ET ERADICATION DE LA CORRUPTION DES ABRUTIS ALIBABISTES AUCUN PROJET DE BURGET AVEC DES MESURES D,AUSTERITE NE SAURAIT REDUIRE LE DEFICIT QUI GONFLERAIT SANS CESSE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 36, le 31 mai 2019

  • Pour qualifier un transit illégal de marchandises "de contre-bandes" il serait logique que les quantités en question restent négligeables. Quand 1 cigarette sur 4 est issu de cela, il convient d'être plus précis et dire par exemple " Trafic organisé par des puissances étrangères" au détriment de l'Etat libanais et le fisc libanais.

    Shou fi

    15 h 37, le 31 mai 2019

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