Vendredi dernier, le ministre de l’Éducation, Akram Chehayeb, parachutait à la tête de la Direction générale de l’enseignement professionnel et technique Hanadi Berry, sœur du président du Parlement, Nabih Berry. Cette dernière n’est pas fonctionnaire. Elle est directrice contractuelle de deux instituts techniques de soins infirmiers. Le jour de sa nomination, la fonctionnaire cadrée de deuxième catégorie pressentie pour être promue à ce poste, Salam Younès, a démissionné. Sachant que cette fonction est généralement attribuée à un proche du président de la Chambre et que les deux femmes appartiennent à la communauté chiite et au mouvement Amal.
La réaction du département de l’éducation au sein du Courant patriotique libre n’a pas tardé, dénonçant dans un communiqué une « nomination abusive ». « La nomination de Hanadi Berry en tant que directrice générale de l’enseignement technique est contraire à la loi et anticonstitutionnelle », estime le CPL, se disant « surpris de la décision du ministre de l’Éducation ». Contacté par L’Orient-Le Jour, le responsable du dossier de l’éducation au sein du Courant patriotique libre, Rock Mehanna, est catégorique. « Mme Berry n’est pas fonctionnaire. Son grade est équivalent à un fonctionnaire de troisième catégorie au mieux. Il est inadmissible et illégal qu’elle devienne la supérieure, ne serait-ce que par intérim, d’un fonctionnaire de deuxième catégorie », martèle-t-il. D’autant plus que « la fonction de directeur général est réservée aux fonctionnaires de première catégorie uniquement ». Il précise à ce titre que « la nouvelle directrice générale vient chapeauter celui qui était son supérieur hiérarchique, le chef du département des examens officiels au sein de l’enseignement technique, Joseph Younès ». « Ce fonctionnaire cadré de deuxième catégorie aurait dû occuper le poste vacant p.i., vu ses compétences, le temps que soit nommé le directeur général titulaire », insiste M. Mehanna. Et ce, compte tenu du fait que « le futur directeur général sera forcément de confession chiite, proche de Nabih Berry ».
Joseph Younès, lui, est de confession chrétienne. Il est également proche du CPL. « Mais là n’est pas la question », rétorque le responsable au sein de cette formation. « Par cette nomination illégale, le ministre de l’Éducation a trahi la confiance des citoyens, gronde-t-il. Cette nomination a certes été justifiée par son caractère provisoire. Mais nous savons bien que nous serons mis devant le fait accompli et que Mme Berry restera plusieurs années à son poste. » Et d’ajouter que « la nouvelle directrice générale, certes directrice d’établissement de soins infirmiers, n’a pas les compétences nécessaires pour prendre la tête de l’enseignement technique et pour veiller à la bonne marche des épreuves d’examens, et qui plus est, à la veille des examens officiels ». « D’autant que le parti Amal dispose de fonctionnaires qualifiés de deuxième catégorie de confession chiite qui auraient pu prétendre à cette position », note-t-il encore.
(Pour mémoire : Hamadé sous le feu du CPL après le limogeage d’une haute fonctionnaire)
Un forfait de 130 millions de livres libanaises
Car la question porte aujourd’hui sur le timing de la nomination de Hanadi Berry. Pourquoi a-t-elle été nommée au poste de DG de l’enseignement technique durant les examens finaux ? demande M. Mehanna, dénonçant « une volonté explicite d’une partie donnée (proche du président Berry, NDLR) d’étaler sa force, dans un message clair au mandat Aoun ». On apprend alors que « les directeurs généraux du ministère de l’Éducation, titulaires ou non, touchent non seulement leur salaire mensuel, plus de six millions de livres libanaises, mais surtout un forfait de 130 millions de livres libanaises durant la période des examens officiels (87 000 dollars) ». Sans oublier que « peu de temps avant sa nomination, Mme Berry avait intégré deux comités examinateurs des épreuves d’examens officiels, sachant que le forfait de participation s’élève à 17 millions de livres libanaises par comité ». En plus de ces émoluments, Hanadi Berry peut aussi compter sur ses « deux salaires de directrice d’instituts techniques », précise M. Mehanna, dénonçant le cumul de fonctions.
À ces arguments, la réponse du ministère de l’Éducation vient par le biais d’un communiqué. « La nomination du docteur Hanadi Berry est une mesure provisoire, dans l’attente du décret de nomination du directeur général titulaire. Cette décision est basée sur son expérience dans ce domaine, en tant que directrice de l’Institut technique de soins infirmiers de Bir Hassan. » Mais selon une source informée, contactée par L’OLJ, « les rumeurs sur la nomination de la sœur du président du Parlement au poste de DG circulaient depuis déjà deux mois ».
Quant à la question de l’illégalité de cette décision prise par le ministre de l’Éducation, cette source explique : « Cette mesure se situe dans le cadre du système de projet commun au sein de l’enseignement professionnel et technique. » Et d’expliquer que « dans le cadre d’une coopération entre l’État et le secteur privé, il est courant que des particuliers mettent gratuitement à la disposition de l’État les locaux d’une école technique ou autre ». « Les autorités ne paient pas la location de l’école, par manque de budget, mais elles peuvent procéder à l’embauche de personnes ayant offert ces services aux autorités », avoue-t-il.
Hanadi Berry ayant « offert les locaux d’une école technique à l’État, il y a quelques années déjà », elle s’est vue aujourd’hui récompensée... et largement.
commentaires (10)
Une caste sans honneur, savent pas ce que ce mot veut dire.
Christine KHALIL
20 h 20, le 29 mai 2019