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À La Une - Soudan

"Ne provoquons pas" les militaires, avertit le chef de l'opposition soudanaise

Pour accroître la pression sur les militaires, les meneurs de la contestation ont appelé à une "marche d'un million" de personnes jeudi.



Le chef de l'opposition soudanaise, Sadiq al-Mahdi, lors d'une interview à son domicile à Omdourman, au Soudan, l 1er mai 2019. Photo AFP / OZAN KOSE

Le leader de l'opposition au Soudan, Sadek al-Mahdi, a mis en garde mercredi les meneurs de la contestation contre toute tentative de leur part de provoquer les militaires, affirmant que ceux-ci n'allaient pas tarder à transférer --comme promis-- le pouvoir aux civils.

L'appel de M. Mahdi intervient au moment où la tension est montée d'un cran cette semaine entre les militaires qui ont durci le ton et le mouvement de contestation qui a appelé à intensifier les manifestations.

"Nous ne devrions pas provoquer le Conseil militaire (de transition) en essayant de priver (les militaires) de leur légitimité et du rôle positif qu'ils ont joué dans la révolution", a déclaré ce politique chevronné de 83 ans, dans un entretien à l'AFP. Il faisait allusion au renversement par l'armée du président Omar el-Bachir le 11 avril, après près de quatre mois d'un mouvement de contestation populaire inédit. "Il ne faudrait pas en arriver à un point où il deviendrait nécessaire à leurs yeux d'affirmer (leur autorité) autrement", a ajouté le chef du parti al-Oumma, faisant référence aux militaires qui tiennent le pouvoir depuis la destitution de M. Bachir.

Dernier Premier ministre démocratiquement élu du Soudan, Sadek al-Mahdi avait été évincé en 1989 par Omar el-Bachir qui s'était emparé du pouvoir en par un coup d’État soutenu par les islamistes. Plusieurs fois forcé à l'exil, il n'a cessé de s'opposer politiquement au président déchu, désormais emprisonné à Khartoum.

En janvier, il avait apporté son soutien au mouvement de contestation déclenché par le triplement du prix du pain le 19 décembre, le jour de son retour au pays. Son parti a rejoint l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui regroupe formations d'opposition et organisations de la société civile et mène la contestation.



(Lire aussi : Regain de tension au Soudan entre les militaires au pouvoir et la contestation)



"Chercher des ennuis"
Des milliers de Soudanais tiennent depuis le 6 avril un sit-in devant le QG de l'armée à Khartoum. Après le départ du président Bachir, ils réclament désormais un transfert du pouvoir à une autorité civile. Cette question fait l'objet de discussions entre les meneurs de la contestation et le Conseil militaire de transition au pouvoir, qui achoppent notamment sur la composition d'un Conseil conjoint sur lequel ils s'étaient accordé samedi.

Pour accroître la pression sur les militaires, les meneurs de la contestation ont appelé à une "marche d'un million" de personnes jeudi.

Les représentants de la contestation proposent un conseil de 15 membres, dont huit civils, et l'armée veut un conseil de 10 membres, dont sept militaires, avec à sa tête le général Abdel Fattah al-Burhane, chef du Conseil militaire de transition. Les meneurs de la contestation ont qualifié le général Burhane d'être "une copie conforme du régime renversé", l'Association des professionnels soudanais (SPA, membre de l'ALC) accusant les militaires de ne pas envisager "sérieusement de céder le pouvoir au peuple".

"Il y a des signes qui indiquent que (l'armée) a été exaspérée par des déclarations de l'opposition qui semblent minimiser son rôle", a expliqué M. Mahdi, vêtu d'une tunique traditionnelle et coiffé d'un turban blanc. "Si nous provoquons (...) les forces armées qui ont contribué au changement, cela revient à chercher les ennuis", a-t-il ajouté.
Selon lui, les militaires rendront le pouvoir aux civils si les meneurs de la contestation leur présentent "une forme de gouvernement civil crédible et viable" sur le long terme. Assis bien droit à son domicile d'Omdourman, ville voisine de la capitale, il explique la raison de cet optimisme : "à terme, l'armée sait que si elle s'installe au pouvoir et instaure une dictature militaire, elle sera alors dans la même position que Bachir". L'ancien Premier ministre a souligné que c'est l'armée qui avait, en premier lieu, mis en garde autorités et manifestants contre un bain de sang : "Bachir voulait disperser le sit-in même si cela revenait, selon ses dires, à tuer un tiers de la population".


(Reportage : Devant le QG de l'armée soudanaise, les manifestants mobilisés et organisés)



Situation chaotique
Tout en se disant confiant quant à la capacité des militaires et les meneurs de la contestation à mettre fin à leurs désaccords, il a prévenu que les "soutiens de l'ancien régime sont toujours là" et qu'"ils pourraient exploiter une situation chaotique" pour s'emparer du pouvoir. "D'ici quelques jours, nous mettrons au point une feuille de route (...) mais mettre en place ce à quoi nous aspirons réellement pourrait prendre des semaines", a-t-il souligné.

Il ne s'est pas prononcé sur son rôle exact dans les négociations ou sur sa participation à un futur gouvernement de transition, même si son poids politique est à ce jour incontesté.

Mercredi, l'Union africaine a donné aux militaires un nouveau délai de 60 jours pour remettre le pouvoir aux civils, menaçant sinon de suspendre le Soudan de l'organisation. Avec la même menace de sanction, l'UA avait déjà le 15 avril donné 15 jours à Khartoum pour que le pouvoir soit transféré aux civils. Mercredi, l'institution a "répété sa conviction qu'une transition menée avec des militaires à la tête du Soudan serait absolument inacceptable et contraire à la volonté et aux aspirations légitimes du peuple soudanais".

M. Mahdi a assuré "qu'à terme (tous les problèmes) seront résolus". "Car nous avons à cœur de faire de cette révolution une histoire couronnée de succès."



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