Rechercher
Rechercher

Économie - Situation financière

Riad Salamé optimiste... en attendant le budget

Le ministre des Finances a déposé hier une version amendée de l’avant-projet de loi de finances au bureau de la présidence du Conseil des ministres. Les banques temporisent.

Le Premier ministre Saad Hariri (4e à g.) s’est dit confiant en la capacité des décideurs libanais à assainir les finances de l’État. Photo Dalati et Nohra

Le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) a répété hier à plusieurs reprises, en marge d’une conférence sur l’inclusion financière organisée à l’Institut pour la finance et la gouvernance sur le campus de l’École supérieure des affaires (ESA) à Beyrouth, que le pays n’était pas en situation de faillite, appelant à ne pas tenir compte des « rumeurs » avançant le contraire. Une assurance qu’il a réitérée quelques heures plus tard lors d’un second événement, cette fois à l’hôtel Phoenicia, durant la conférence annuelle organisée par l’Union des banques arabes (UBA) et parrainée par le Premier ministre, Saad Hariri, et au cours de laquelle il a dénoncé les voix qui tentent, « depuis des années, de saper l’économie libanaise et la stabilité financière du pays (...) sans y parvenir ».

Interrogé à l’ESA par L’Orient-Le Jour, M. Salamé a ajouté que les fonds devant régler l’émission d’eurobonds – titres de dettes en devise – de 500 millions de dollars arrivée à échéance hier avaient été assurés via un « bridge loan de la BDL (NDLR : type de prêt à court terme) qui récupérera cet argent quand la prochaine émission, annoncée pour fin mai par le ministère des Finances, aura lieu ». Ce sera ce dernier qui décidera des modalités de cette nouvelle émission et de son montant. Deux autres séries d’eurobonds arrivent à échéance cette année : une de 650 millions de dollars le 20 mai et une de 1,5 milliard le 28 novembre.


(Lire aussi : Budget 2019 : la flèche de Aoun à Hariri)


En attente du budget

Le gouverneur a en outre assuré, lors de son passage à l’ESA, que le secteur bancaire restait solide et sain, citant notamment sa capacité à s’adapter aux exigences de Bâle III en termes de ratio de solvabilité bancaire (fonds propres/risques), qui s’élève à « 16 % » en moyenne contre un minimum de 15 % imposé. Il a également fait état d’un ratio de créances douteuses d’environ 4 %, « loin des niveaux affichés par certains pays qui ont été en faillite », à l’image de la Grèce, où ce taux a été 10 fois plus élevé.

Le constat du gouverneur rejoint celui de plusieurs sources financières qui assurent depuis plusieurs mois que la solvabilité du Liban n’est pas en jeu à court terme, mais que le gouvernement doit impérativement lancer d’importantes réformes pour assainir ses finances publiques, au risque de faire face à des difficultés à moyen terme.

Les réserves de la BDL en devise, qui lui permettent d’intervenir sur les marchés, notamment pour soutenir le taux de change de la livre libanaise fixée au dollar depuis 1997, ont atteint 38,6 milliards de dollars à fin mars (-11,1 % en un an), un niveau équivalent à celui de 2016, soit deux mois avant le lancement des opérations d’ingénierie financières cette année-là. La BDL disposait également à fin mars de réserves en or s’élevant à 11,9 milliards de dollars.

Mais avec un endettement à plus de 85 milliards de dollars à fin février – principalement contracté auprès du secteur bancaire et de la BDL –, le Liban a en revanche un des ratios dette/PIB les plus importants du monde (plus de 150 %), ce qui contribue à creuser son déficit public (qui devrait dépasser 11,2 % du PIB, soit plus de 6 milliards de dollars en 2018).

M. Salamé, qui a inauguré la conférence d’hier aux côté du président de l’Association des banques du Liban (ABL), Joseph Torbey – qu’il a retrouvé au Phoenicia –, a enfin indiqué « attendre » le nouveau budget de l’État qui doit être conforme aux engagements que le Liban a pris lors de la conférence de Paris, dite CEDRE, en avril 2018, notamment en ce qui concerne une réduction de cinq points du ratio déficit public/PIB sur autant d’années consécutives. « Nous sommes convaincus que l’économie du pays peut être redressée (…) mais il faut pour cela une volonté politique ferme pour mettre en œuvre les réformes attendues », a renchéri M. Torbey dans son discours à l’ESA.


(Lire aussi : Cap sur l’austérité, confirme Hariri)


Regagner la confiance

Le président de l’ABL estime que cette étape est indispensable pour que l’État « regagne la confiance de ses citoyens » ainsi que « des membres la communauté internationale qui souhaitent lui apporter son soutien », à l’image des contributeurs du programme dit CEDRE. Ces derniers ont réservé une enveloppe de plus de 11 milliards de dollars de prêts et dons pour financer une partie d’un vaste projet de réhabilitation des infrastructures du pays. Cette aide ne sera toutefois débloquée que si le Liban concrétise ses engagements.

L’examen du budget, dont l’adoption se fera pour la troisième année consécutive en dehors des délais constitutionnels – qui suivent douze ans pendant lesquels l’État s’était littéralement passé de lois de finances, faute de consensus politique sur certaines questions –, pourrait démarrer cette semaine après plusieurs reports dont les raisons n’ont jamais été clairement explicitées. Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a en effet annoncé hier qu’il venait de déposer une version amendée du budget – sans en préciser le contenu – au bureau de la présidence du Conseil des ministres, qui doit se réunir en principe jeudi.

Mercredi dernier, le ministre avait révélé que la nouvelle loi de finances tablait sur un ratio déficit/PIB de moins de 9 % qui sera « transparent et réaliste » – le déficit de 2018 a dépassé de plus d’un milliard de dollars celui inscrit dans le budget prévisionnel –, mais basé sur une prévision de croissance de 1,5 % en 2019, contre 0,9 % pour la Banque mondiale et 1,3% pour le Fonds monétaire international. Il avait également promis que ce budget intégrera d’importantes réductions budgétaires en ligne avec la politique d’austérité que l’État espère mener pour atteindre les objectifs de la CEDRE.


(Lire aussi : Répondre à la crise et l’aune de l’effritement de l’autorité de l’État)


« Liste d’idées »

Ce cap, confirmé par plusieurs responsables dont le Premier ministre, a raidi une importante partie de la population, et plus particulièrement les fonctionnaires dont le relèvement de la grille des salaires a été voté en juillet 2017 – largement sous-estimée, l’opération a contribué à faire exploser le déficit public en 2018. Une nervosité ambiante a laquelle le quotidien al-Akhbar (proche du Hezbollah) a contribué hier en publiant une feuille de route prétendument préparée par le Premier ministre et contenant une liste de mesures visant à réduire le déficit public et devant être mise en œuvre dès 2019.

Relayée par plusieurs sites locaux, la liste comprend un gel pendant trois ans de 15 % du montant des rémunérations des fonctionnaires et autres catégories de personnes payées par l’État avec rétrocession progressive à partir de la quatrième année ; une hausse de 4 points de TVA, à 15 % à partir de 2021 ; une augmentation des prix du carburant de 5 000 livres (3,3 dollars) à partir de 2021 ; ou encore une hausse de 3 points, à 10 %, de l’impôt sur les intérêts bancaires.

La privatisation de certaines compagnies d’État, comme la Middle East Airlines ou le Casino du Liban, ainsi que la modernisation de plusieurs lois dont celles sur les marchés publics figurent parmi les autres dispositions contenues dans le document. Ce dernier ne comprend en revanche aucune mesure aménageant le secret bancaire. « Un certain nombre de ces mesures ont déjà été suggérées par le passé, notamment par le FMI. Cela dit, je doute que cette feuille de route ne soit en réalité davantage qu’une liste d’idées mises sur la table en vue d’être négociées », se risque une source financière anonyme. « Rien ne peut être tenu pour acquis avant le vote du Parlement qui examinera le projet de budget après l’exécutif », rappelle-t-elle.


Bou Saab face à l’armée

Le Premier ministre a réagi avec virulence à la publication de cette liste par al-Akhbar, à travers un communiqué publié par son bureau de presse. Ce dernier reproche au quotidien d’avoir publié un document « faussement attribué » au Premier ministre et contenant « de nombreuses fabrications et idées subversives ». Il accuse enfin le journal de s’être spécialisé « dans la diffusion quotidienne d’informations portant atteinte à Saad Hariri ». Contacté par L’Orient-Le Jour, le service de presse du ministère des Finances n’a de son côté pas souhaité faire de commentaires.

Si aucune mesure n’est encore gravée dans le marbre, de hauts responsables ont néanmoins déjà commencé à préparer le terrain auprès de certains corps de fonctionnaires. C’est par exemple le cas du ministre de la Défense, Élias Bou Saab, qui a affirmé hier lors d’une conférence de presse que la « mesure n° 3 » qui institue un niveau maximum d’alerte imposée aux forces armées, et pour lequel les militaires reçoivent certaines indemnités, serait, pour le moment, maintenue dans le budget. « Lorsque nous considérerons que nous pouvons alléger les missions de l’armée, nous pourrons réviser la mise en application de (cette mesure) », a affirmé M. Bou Saab, soulignant toutefois que les conditions n’étaient pour l’instant pas réunies.

M. Hariri a enfin affirmé hier, lors de la conférence de l’UBA, qu’il était « confiant » que le chef de l’État, Michel Aoun, et le président du Parlement, Nabih Berry, se montreront soucieux de mener une politique d’austérité afin d’assainir les finances de l’État. Le temps presse : l’autorisation accordée début mars par le Parlement pour permettre à l’État de se financer selon la règle du douzième provisoire expire le 31 mai et les donateurs de la CEDRE s’impatientent.


Lire aussi

Quelques milliers de manifestants lancent un ultimatum à la classe politique, mais sans grande conviction

La réduction des salaires des fonctionnaires annoncée par Bassil provoque un séisme

Le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) a répété hier à plusieurs reprises, en marge d’une conférence sur l’inclusion financière organisée à l’Institut pour la finance et la gouvernance sur le campus de l’École supérieure des affaires (ESA) à Beyrouth, que le pays n’était pas en situation de faillite, appelant à ne pas tenir compte des « rumeurs » avançant le...

commentaires (4)

"...que l'Etat regagne la confiance de ses citoyens..." quel Etat...?...libanais...ou celui que le parti divin tente lentement de nous imposer sur ordre de Téhéran, sous couvert de "résistance" ? Tant que l'Etat sera composé des mêmes corrompus traîtres et incapables, la confiance des citoyens ne pourra pas revenir ! Et toutes le conférences et réunions imaginables de ces Messieurs en costume-cravate, avec déclarations "optimistes" ne changeront rien à notre triste réalité: le Liban coule vers le fond sous l'oeil indifférend de nos responsables ! Irène Saïd

Irene Said

14 h 37, le 24 avril 2019

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • "...que l'Etat regagne la confiance de ses citoyens..." quel Etat...?...libanais...ou celui que le parti divin tente lentement de nous imposer sur ordre de Téhéran, sous couvert de "résistance" ? Tant que l'Etat sera composé des mêmes corrompus traîtres et incapables, la confiance des citoyens ne pourra pas revenir ! Et toutes le conférences et réunions imaginables de ces Messieurs en costume-cravate, avec déclarations "optimistes" ne changeront rien à notre triste réalité: le Liban coule vers le fond sous l'oeil indifférend de nos responsables ! Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 37, le 24 avril 2019

  • En attendant Godot!? Pardon je voulais dire budgeot...

    Wlek Sanferlou

    12 h 49, le 24 avril 2019

  • Le budget arrive du ciel comme le Coran, apporté par l'ange Gabriel, et l'ange nous dira Iqraa. Faut avoir la foi ! Il nous avait été annoncé par certaines liba-niaises et Mr Salamé l'a fait. Lol........

    FRIK-A-FRAK

    11 h 47, le 24 avril 2019

  • A LA BONNE HEURE ! ATTENDONS VOIR LES REFORMES SI LOGIQUES ET SI SUFFISANTES POUR LES ENGAGEMENTS DE LA CEDRE. SOUHAITONS QU,IL EN SOIT AINSI ET QUE LE PAYS SORTIRA DU GOUFFRE ECONOMIQUE, SOCIAL ET POLITIQUE OU NOS ABRUTIS CORROMPUS, IGNORANTS, INCOMPETENTS ET M,ENFOUTISTES L,ONT POUSSE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 30, le 24 avril 2019

Retour en haut