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À La Une - Libertés

Classement RSF : le Liban à la 101e place, le monde continue de s'assombrir pour les journalistes

Au niveau régional, l'Arabie saoudite rétrograde à la 172e place (-3) "et fait désormais partie des dix pires pays de la planète pour les journalistes", selon le rapport.

Le secrétaire général de l'ONG Reporters Sans Frontières, Christophe Deloire, devant une carte représentant le classement 2017 des Libertés de la presse dans le monde, le 26 avril 2017. Photo d'archives AFP / Philippe Lopez

Le Liban est à la 101ème place sur 180 pays dans le classement annuel des libertés de la presse de Reporters sans Frontières qui dénonce les arrestations fréquentes de journalistes en ligne et de blogueurs. Dans son rapport sur l'année 2018 publié jeudi, RSF prévient qu'au niveau international, "la haine des journalistes a dégénéré en violence".

Selon le rapport, le Liban, qui a perdu une place depuis le dernier classement, est caractérisé par "une réelle liberté de ton dans les médias libanais" même si "ces derniers restent néanmoins extrêmement politisés et polarisés". Certains médias "servent d’outils de communication à des partis politiques ou hommes d’affaires", souligne le communiqué. L'organisation luttant pour les libertés de la presse indique que le Code pénal libanais, qui considère la diffamation, la calomnie ainsi que la diffusion de fausses informations comme des infractions, "a une définition très large de celles-ci". Elle rappelle dans ce cadre la convocation devant la justice du présentateur vedette Marcel Ghanem qui avait laissé, lors d'une émission en 2017, des invités saoudiens critiquer les autorités libanaises.

L'organisation dénonce encore qu'au cours de l'année 2018, "blogueurs et journalistes en ligne ont été encore plus fréquemment convoqués par le +bureau de lutte contre les crimes cybernétiques+ pour des publications sur les réseaux sociaux à la suite d’une plainte déposée par une partie privée, souvent des notables liés au gouvernement". "Les journalistes sont le plus souvent condamnés à payer des amendes ou à de la prison par contumace - bien qu’ils soient toujours susceptibles d’être envoyés derrière les barreaux -, et sont poursuivis devant les tribunaux des imprimés mais aussi par la justice militaire", souligne l'ONG.

Ces derniers mois, les convocations par les autorités se sont multipliées au Liban, pour des écrits sur les réseaux sociaux critiquant certains responsables politiques ou tournant en dérision des symboles religieux.


(Lire aussi : Solidarité massive avec quatre journalistes libanais ayant défié la censure)


L'Arabie saoudite, l'un des dix pires pays de la planète 
Au niveau régional, la Tunisie continue à progresser en matière de liberté de la presse, indique RSF, saluant les avancées dans ce pays, le mieux classé de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient. Seul pays rescapé des Printemps arabes de 2011, la Tunisie se classe à la 72e place sur 180 pays, alors qu'elle était 97e en 2018.

L'Arabie saoudite occupe la 172e place, à peine devancée de deux places par l'Iran. "L’onde de choc provoquée par le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi le 2 octobre 2018 dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul a, sans surprise, impacté la place de l’Arabie saoudite dans le Classement RSF : le royaume rétrograde à la 172e place (-3) et fait désormais partie des dix pires pays de la planète pour les journalistes", écrit le rapport. "Malgré une forte condamnation internationale, l’opacité dans laquelle se déroule le procès des meurtriers présumés du journaliste laisse craindre une impunité des plus hauts responsables saoudiens potentiellement impliqués. Pour cette raison, RSF maintient sa demande d’enquête internationale indépendante et de libération de la trentaine de journalistes saoudiens actuellement emprisonnés".

En Syrie (174e), deux journalistes syriens, Raed Fares et Hamoud Jneed, ont également été assassinés à la fin de l’année 2018, rappelle RSF. "Même si le nombre de journalistes tués en 2018 a légèrement diminué en Syrie, le pays reste extrêmement dangereux pour eux. La menace est multiple : les troupes loyales à Bachar el-Assad, les nombreux groupes armés ou simplement les prisons du régime. L’année dernière, le gouvernement a reconnu officiellement la mort en détention de plusieurs journalistes au cours des dernières années", ajoute RSF.

"Au Yémen (168e, -1) aussi, la prison peut s’avérer fatale. Deux jours après sa libération, le journaliste Anwar el-Rakan est mort de maladie et des suites de sévices infligés pendant près d’un an de détention par les rebelles houthis", poursuit le rapport, qui souligne que "l’année écoulée s’est également avérée meurtrière pour les journalistes en Palestine (137e, -3)".

"Bien que clairement identifiables avec leur gilet ou leur casque barré du mot “Press”, deux journalistes palestiniens, Yaser Murtaja et Ahmed Abu Hussein, ont été tués par les forces armées israéliennes alors qu’ils couvraient la +marche du retour+ près de la frontière entre Gaza et Israël".

"Les mauvais résultats enregistrés par les pays de la zone Moyen-Orient dans le Classement 2019 rappellent plus généralement que les espoirs de démocratisation suscités par les printemps arabes s’éloignent chaque année un peu plus", écrit RSF. "Au nom de la lutte contre le terrorisme et les “fake news” diffusées sur internet, l’Egypte, l’Arabie saoudite, les Emirats (133e) et la Syrie par exemple, poursuivent de façon décomplexée leur répression contre les journalistes", ajoute l'organisation.


(Lire aussi : Un activiste convoqué après avoir annoncé son intention de dénoncer des affaires de corruption)



Hostilité, haine et passages à l'acte
Sur la carte du monde, seulement 24% des 180 pays et territoires étudiés affichent une situation "bonne" ou "plutôt bonne" pour la liberté de la presse, contre 26% en 2018.

Après s'être renforcée ces dernières années, "l'hostilité à l'encontre des journalistes, voire la haine relayée dans nombre de pays par des dirigeants politiques, a fini par susciter des passages à l'acte plus graves et plus fréquents", souligne RSF.

L'ONG constate "un accroissement des dangers et, de ce fait, un niveau de peur inédit dans certains endroits" parmi les journalistes. Le harcèlement, les menaces de mort, les arrestations arbitraires, font de plus en plus partie des "risques du métier".

Aux Etats-Unis (48e, -3 places), un climat toujours plus hostile s'est installé : "jamais les journalistes américains n'avaient fait l'objet d'autant de menaces de mort", et jamais non plus ils n'avaient "autant sollicité d'entreprises privées pour assurer leur sécurité", souligne RSF. En juin, quatre journalistes et une employée d'un quotidien du Maryland, le Capital Gazette, ont été tués dans une fusillade. Au Brésil (105e, -3), la campagne présidentielle ponctuée de "discours de haine" et de désinformation, "augure d'une période sombre pour la démocratie et la liberté de la presse" selon l'ONG.

En queue du classement, le Turkménistan succède à la Corée du Nord : la plupart des médias y sont contrôlés par l'État, les derniers correspondants clandestins de médias en exil sont "pourchassés sans relâche", condamne RSF.

Au Vietnam comme en Chine, la presse officielle contrôle les débat publics et des dizaines de journalistes, professionnels ou non, dorment derrière les barreaux. Le "contre-modèle" chinois, "basé sur une surveillance et une manipulation orwelliennes de l'information grâce aux nouvelles technologies, est d'autant plus alarmant que Pékin promeut désormais son modèle répressif hors de ses frontières", décrit RSF.


(Lire aussi : La liste noire s’allonge : un cheikh et deux journalistes devant la justice)



"Pays-laboratoires du contrôle" 
"Les pays-laboratoires du contrôle de l'information deviennent de plus en plus nombreux", prévient Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. "Il y a urgence. On a besoin d'un sursaut des modèles démocratiques. Sinon ces contre-modèles vont prospérer et se multiplier".

Ailleurs, le pluralisme de la presse "résiste de moins en moins aux logiques de concentration commerciale et aux intérêts économiques", comme au Japon (67e) ou en Australie (21e, -2), déplore RSF.

En Europe aussi, la situation s'est fortement dégradée. Dans cette zone qui reste la plus sûre, en principe, les journalistes "doivent aujourd'hui faire face aux pires menaces", décrit RSF : le meurtre à Malte, en Slovaquie et en Bulgarie, des attaques verbales et physiques en Serbie ou au Monténégro, ou un niveau inédit de violences lors des manifestations de "gilets jaunes" en France (32e, +1), de la part des policiers comme des manifestants.

Le rapport 2019 est alarmant mais certains pays continuent de montrer la voie, comme la Norvège, qui reste en tête du classement, la Finlande (2e) ou le Costa Rica (10e), un cas à part sur le continent américain, où les journalistes peuvent travailler sereinement. D'autres pays ont aussi changé de visage à l'occasion de changements de régime. En Malaisie (123e, +22), aux Maldives (98e, +22), en Ethiopie (110e, +40) ou en Gambie (92e, +30), l'arrivée de nouveaux gouvernants a fait souffler un vent de fraîcheur sur la presse.

"La défense de la liberté et de la fiabilité de l'information doit devenir un enjeu majeur pour les citoyens, quoi qu'ils pensent des journalistes, quelles que soient les critiques", souligne Christophe Deloire.

RSF établit ce classement annuel en relevant les violences commises contre les journalistes et en rassemblant les analyses de journalistes, juristes, et chercheurs du monde entier. L'ONG évalue dans chaque territoire le pluralisme, l'indépendance des médias, l'environnement et l'autocensure, le cadre légal, la transparence et la qualité des infrastructures soutenant la production de l'information.



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commentaires (3)

a101ème place sur 180 pays est acceptable dans les conditions actuelles de la région. Notre comportement est forcément influencé par les tensions qui nous entourent. C'est vrai que l'on peut faire très nettement mieux.

Sarkis Serge Tateossian

13 h 40, le 19 avril 2019

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Commentaires (3)

  • a101ème place sur 180 pays est acceptable dans les conditions actuelles de la région. Notre comportement est forcément influencé par les tensions qui nous entourent. C'est vrai que l'on peut faire très nettement mieux.

    Sarkis Serge Tateossian

    13 h 40, le 19 avril 2019

  • On nous demande en plus si le charcutier bensaoud a été réhabilité ! A croire qu'on ne sait pas ce que ce mot veut dire .

    FRIK-A-FRAK

    15 h 35, le 18 avril 2019

  • REGRETTABLE ! C,EST QUE LA DEMOCRATIE AUJOURD,HUI EST COMPRISE COMME ANARCHIE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 23, le 18 avril 2019

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