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À La Une - Proche-Orient

L'amour du ballon donne des jambes aux amputés de Gaza

"Ce n'est pas parce que vous avez perdu une jambe que vous êtes infirme, que vous ne servez plus à rien", affirme Simon Baker, secrétaire général de la Fédération européenne de football pour personnes amputées, venu exceptionnellement à Gaza assister à un match.

Des Palestiniens amputés des jambes jouent au foot, le 13 avril 2019 à Gaza. Photo AFP / MAHMUD HAMS

A 12 ans, Abdel Rahmane Nofel n'espérait plus jouer au foot, après avoir été blessé par balle à la frontière entre Gaza et Israël. Et pourtant le voilà, une jambe en moins, disputant un match en s'appuyant sur ses béquilles.

Le jeune Gazaoui fait partie des milliers de Palestiniens blessés lors des manifestations et des heurts qui se déroulent depuis un an le long de la barrière frontalière séparant la bande de Gaza et Israël. Il appartient aussi à l'une des six équipes de mutilés qui existent aujourd'hui à Gaza et qui disputeront samedi leur premier tournoi, avec le soutien de la Croix-Rouge.

Gaza, coincée entre Israël, Egypte et Méditerranée, est le théâtre depuis mars 2018 d'une mobilisation pour les droits des Palestiniens et contre le blocus imposé depuis plus de dix ans par l'Etat hébreu. Israël justifie ce blocus par la nécessité de contenir le mouvement islamiste Hamas qui dirige l'enclave et qui refuse l'existence de l'Etat hébreu. Israël et le Hamas se sont livré trois guerres depuis 2008. L'enclave est sévèrement éprouvée par les conflits, la pauvreté et l'enfermement.

Toutes les semaines, les Gazaouis vont protester le long de la frontière lourdement gardée par les Israéliens. Une partie d'entre eux s'approchent pour s'en prendre à la barrière et lancer des projectiles. Les soldats israéliens ripostent avec des moyens anti-émeutes et à balles réelles. La plupart des Gazaouis se rassemblent cependant à une distance supposée plus sûre, en famille et avec les enfants. Mais même là, ils sont exposés aux balles perdues.


(Lire aussi : Dans l’ombre des hommes, la douleur des femmes de Gaza)



Idole: Messi

Abdel Rahmane Nofel jouait au football avec des amis dans cette zone, raconte-t-il, lorsqu'il a été touché par une balle. Pour être soigné, il a été transféré en Cisjordanie occupée, où il a reçu une prothèse. Passionné de football comme tant d'enfants palestiniens, il a cru qu'il ne jouerait plus jusqu'au jour où son père a reçu un coup de fil.

C'était un membre de sa future équipe. "On lui a dit qu'il y avait un match pour les amputés", se souvient l'adolescent. Il est aujourd'hui le plus jeune joueur de son équipe, et rêve de devenir aussi célèbre que Lionel Messi.

"Ce n'est pas parce que vous avez perdu une jambe que vous êtes infirme, que vous ne servez plus à rien", affirme Simon Baker, secrétaire général de la Fédération européenne de football pour personnes amputées, venu exceptionnellement à Gaza assister au match. "Le sport, quel qu'il soit, est un excellent moyen de se reconstruire et de se réinsérer dans la société après un évènement traumatique ou une maladie", dit M. Baker, qui a perdu un membre dans un accident de chantier.

Gaza a eu ses premières équipes d'amputés avant le mouvement commencé en mars 2018. Les guerres et les violences chroniques ont laissé nombre d'invalides. Mais la masse en a encore augmenté en un an.



(Pour mémoire : À Gaza, des athlètes sans bras ni jambes)



Pudeur footballistique

Plus de 200 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens le long de la frontière en douze mois. Deux Israéliens ont été tués dans les tensions gazaouies depuis un an. Plus de 6.500 Palestiniens ont également été blessés par balle, la très grande majorité à la jambe, et environ 125 ont été amputés, selon des statistiques palestiniennes.

Israël, accusé d'usage excessif de la force par les Palestiniens et les organisations de défense des droits humains, dit ne faire que défendre sa frontière.

Simon Baker dit vouloir autant que possible tenir le football à l'écart du conflit israélo-palestinien. "Aucun de ces joueurs ne parle ce qui leur est arrivé, et je le leur demande pas parce que nous sommes ici pour jouer au football", dit-il.

Khaled al-Mabhooh, 32 ans, l'entraîneur, se dit en colère quand il pense au nombre de blessés alors que lui-même est valide. Les responsables se plaignent aussi du manque de moyens, du peu de terrains disponibles et de la médiocre qualité des béquilles. Une motivation supplémentaire pour surmonter l'adversité. "Nous sommes en train de réaliser un miracle", dit Naji Naji, le capitaine de 27 ans qui a perdu une jambe lors de violences en 2007.


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