Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a prononcé hier un virulent discours contre la décision de Washington de classer la formation des gardiens de la révolution iraniens comme organisation terroriste, estimant qu’« il s’agit d’un précédent contre un pays reconnu de tous et membre de l’ONU ». Il a parlé d’une riposte possible « dès qu’une mesure prise par les Américains le méritera », estimant que l’axe de la résistance garde beaucoup de cartes en main et qu’il suscite de la crainte, sinon il n’aurait pas été visé.
Le secrétaire général du parti chiite n’a pas précisé la nature de la riposte, mais ses propos n’ont pas manqué de susciter plusieurs lectures, même si le soutien aux gardiens de la révolution iranienne n’a pas étonné grand monde. Du côté des adversaires politiques traditionnels, certains analystes ont vu dans ce discours « une dette payée aux Iraniens d’une part, et un appel à la mobilisation de sa communauté d’autre part ». C’est ainsi qu’ils ont lu l’attaque particulièrement virulente contre le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane, que Hassan Nasrallah accuse d’avoir des velléités de dictature sur les pays de la région, jusque-là tenues en échec par ce qu’il a appelé « sa défaite au Yémen en raison de la résistance du peuple ».
Ces mêmes sources se demandent pourquoi aucune riposte n’a suivi l’annonce de l’annexion du Golan par exemple, notant le fait qu’aucun incident à la frontière libano-israélienne n’a eu lieu depuis la fin de la guerre de 2006. Elles soulignent également le fait que le secrétaire général n’ait pas, comme à son habitude, évoqué abondamment les armes sophistiquées de son parti, parlant de résistance par le sang plutôt que par la force militaire dissuasive. Comme si, selon elles, on entrait dans une nouvelle étape où la prudence est de mise, contrairement à la virulence des propos.
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Même son de cloche auprès de Lokman Slim, chercheur indépendant, qui pense que, malgré l’annonce tonitruante de riposte contre les actions américaines, « il n’y a rien de nouveau dans ces propos ». « Le discours de Hassan Nasrallah a perdu beaucoup de sa valeur d’achat auprès de la communauté internationale et des Américains, dit-il. L’Iran n’est pas dans une situation qui lui permet de se mettre à dos son peuple qui souffre. L’axe de la résistance, lui, paraît démembré. Et l’Iran ne semble plus indispensable pour les Russes. »
Une conjoncture qui est donc défavorable au Hezbollah, selon lui. Le chercheur pense que le secrétaire général du parti chiite était particulièrement soucieux de s’adresser à sa base où la grogne monte, du fait notamment de l’impact des sanctions financières, et qui se pose des questions comme celle de savoir pourquoi aucun commentaire n’a suivi le rapatriement avec l’aide des Russes du corps d’un soldat israélien tué au Liban dans les années 80. « Les attaques contre Mohammad ben Salmane doivent être placées dans ce contexte de mobilisation, surtout après le contact téléphonique de la veille avec le président américain Donald Trump sur l’Iran, poursuit-il. Et l’argument de la cause palestinienne abandonnée par les pays arabes est érodé, réduit au rang de simple rhétorique. »
En matière de riposte, le Hezbollah dispose-t-il d’un élément de surprise ? « Les Iraniens ont déjà mené des opérations contre les Américains en Syrie, les États-Unis s’attendent à de telles ripostes ciblées et les considèrent comme des dommages collatéraux inévitables, estime M. Slim. Pour les surprendre vraiment, les Iraniens devraient entreprendre une action qui serait plus spectaculaire que celle du 23 octobre 1983 (NDLR : l’attentat très meurtrier au camion piégé contre l’ambassade des États-Unis à Beyrouth). Or la conjoncture ne permet plus cela à mon avis. »
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Guerre ou pas ?
Tel n’est pas du tout l’avis du général à la retraite Amine Hoteit, expert stratégique, proche du parti chiite. Il a lui-même écrit un article le 2 avril intitulé « Une nouvelle guerre éclatera-t-elle dans la région ? » et pense que les allusions de Hassan Nasrallah sont excessivement sérieuses. « Le discours du secrétaire général du Hezbollah vient confirmer mon analyse, dit-il. Ses propos signifient que si les décisions des Américains ne dépassent pas la limite du politique, la polémique restera aussi à ce niveau-là. Mais si elle se transforme en actions sur le terrain menaçant les intérêts du Hezbollah et de ses alliés, les États-Unis doivent réaliser que le conflit se transposera sur le terrain. »
Selon lui, quelle forme pourrait prendre cette confrontation ? « En tant que militaire, je conçois plus d’un scénario, répond-il. D’une part, si le détroit d’Ormuz est bloqué pour empêcher l’exportation de pétrole iranien, cela pourrait entraîner une riposte. D’autre part, il y a un élément auquel peu de gens ont prêté attention : lorsque les gardiens de la révolution iranienne ont été inclus sur la liste des organisations terroristes, les Iraniens ont rétorqué en considérant toutes les troupes américaines basées dans ce qu’on appelle la région centrale (en gros d’Afghanistan au Soudan) comme des groupes “terroristes”. Cela signifie pratiquement que l’Iran peut décider de les attaquer même s’il n’est pas provoqué. Les prises de position du secrétaire général du Hezbollah vont dans le même sens. »
Pour le général à la retraite, les menaces provenant d’Iran et du Hezbollah sont à prendre au sérieux. « L’Égypte avait fermé ces dernières semaines le canal de Suez devant les pétroliers syriens, ce que le Premier ministre à Damas avait dénoncé, fait-il remarquer. Le canal de Suez a été rouvert après une riposte iranienne. »
Malgré tout, l’expert ne pense pas que la région soit aux portes d’une nouvelle guerre. « Tant que le conflit au Yémen restera enflammé, ni les États-Unis ni l’Iran n’ont intérêt à se lancer dans une aventure militaire, estime-t-il. Ce qui n’empêche pas le ton du sayyed d’être ferme pour montrer que la riposte militaire est possible en cas de changement de la donne sur le terrain. »
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commentaires (7)
Le hezb libanais de la résistance par la voix de son chef Hassan Nasrallah ne dit jamais rien pour rien. Avant 2000 combien ON riait quand il déclarait porter des coups terribles aux envahisseurs voleurs de terre ? En 2006 , avant le 33eme jour qui aurait cru que ces voleurs de terre étaient entrain de se faire tabasser comme jamais ? En 2013 quand tout le monde annonçait la fin du héros Bashar, qui aurait cru que Qousseyr allait être un tournant pour mettre en échec les comploteurs ? Je relis les mêmes sarcasmes suite à ce discours, j'invite tous les libanais à prendre au sérieux, et j'appelle tout le monde à méditer sur 2 citations : ENTRE NOS ENNEMIS LES PLUS À CRAINDRE SONT SOUVENT LES PLUS PETITS. AUX GRANDS PERILS TEL A PU SE SOUSTRAIRE, QUI PERIT POUR LA MOINDRE AFFAIRE. JEAN DE LA FONTAINE. UNE DERNIÈRE POUR LES ANGLOPHONES PATIENT DOGS EAT NO BONES.
FRIK-A-FRAK
16 h 35, le 11 avril 2019