Mike Pompeo, durant sa conférence de presse hier à Washington. Saul Loeb/Photo AFP
Le président des États-Unis Donald Trump a placé hier les gardiens de la révolution sur la liste noire américaine des « organisations terroristes étrangères », dans une volonté de faire monter d’un cran supplémentaire la pression sur le régime de Téhéran, devenu la bête noire de Washington au cours de ces deux dernières années. L’objectif de la Maison-Blanche est notamment de stigmatiser le soutien par les pasdaran de ses ramifications militaires au Moyen-Orient, notamment le Hezbollah.
Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a pour sa part invité toutes les « entreprises et banques à travers le monde » à couper tout lien financier avec les gardiens de la révolution. Lors de sa conférence de presse hier, M. Pompeo n’a pas omis de rappeler la responsabilité des pasdaran dans l’attentat contre une base des marines et un bâtiment annexe à l’ambassade américaine à Beyrouth en 1983, évoquant nommément le Hezbollah comme l’une des branches des gardiens de la révolution. Le chef de la diplomatie américaine a également rappelé que lors de sa dernière visite au Liban, les 22 et 23 mars, il avait fait savoir aux autorités libanaises, dont le président de la Chambre Nabih Berry, que Washington « ne tolérera pas la montée en flèche du Hezbollah dans le pays » et qu’« il n’est pas dans l’intérêt des Libanais de voir un groupe exercer une influence dans le pays au moyen de la force ». Le responsable américain a enfin indiqué que les États-Unis continueront à évaluer les sanctions à l’encontre de ceux qui sont liés au parti.
M. Pompeo a tenu ces propos en réponse à une question portant sur les rumeurs circulant ces derniers jours concernant d’éventuelles sanctions économiques et financières, similaires à celles qui frappent actuellement le Hezbollah, qui pourraient viser le chef du mouvement Amal en sa qualité d’allié de longue date du parti chiite. Des spéculations que l’ambassadeur du Liban à Washington, Gaby Issa, n’a pas tardé à démentir. « Il n’y a pas de sanctions contre Nabih Berry. Mais un journaliste a écrit une analyse dans ce sens parce que la Banque mondiale organise son congrès annuel à l’heure où des députés relevant du bloc parlementaire de M. Berry sont aux États-Unis », a-t-il déclaré dans une interview télévisée, en allusion à la présence du député Yassine Jaber dans le cadre d’une délégation de parlementaires libanais actuellement en visite à Washington. Et M. Issa d’ajouter : « Nous sommes en contact permanent avec le Trésor américain. Nous serions les premiers à être notifié d’une telle décision, au cas où elle serait prise. »
Mais Hanin Ghaddar, chercheuse au Washington Institute et basée aux États-Unis, confie à L’Orient-Le Jour que l’administration Trump pourrait en effet choisir de cibler les alliés du Hezbollah par une nouvelle vague de sanctions, dans la mesure où les Américains sont convaincus que le Hezbollah n’aurait pas pu remporter les législatives et fixer ses règles du jeu dans la formation du gouvernement sans ses alliés, aussi bien sunnites que chrétiens et chiites. Mme Ghaddar dément toutefois les informations ayant circulé récemment dans les médias selon lesquelles le Courant patriotique libre (CPL), autre grand allié de de la formation de Hassan Nasrallah, serait dans le collimateur des sanctions américaines.
Le Hezbollah et l’éventuelle riposte iranienne
Par delà la question des sanctions contre le Hezbollah, la toute nouvelle décision de Donald Trump n’est pas sans susciter des interrogations quant à une possible riposte iranienne et ses éventuelles retombées sur le Hezbollah et le Liban. Interrogé à ce sujet par L’Orient-Le Jour, Sami Nader, économiste et analyste politique, assimile la décision américaine à une déclaration de guerre contre la République islamique. « Vu sous cet angle, le classement des pasdaran parmi les organisations terroristes est à même d’accroître les possibilités de guerre entre Téhéran et ses détracteurs, l’Iran cherchant à modifier les équations en sa faveur. », explique M. Nader qui estime que « les ripostes pourraient avoir lieu d’une manière sporadique, dans la bande de Gaza, à titre d’exemple ». « Mais Téhéran finira par accepter de prendre part à des négociations avec la communauté internationale, en vue de modifier l’accord sur le nucléaire en sa faveur », estime-t-il.
Hanin Ghaddar exclut pour sa part une guerre entre le Hezbollah et Israël sur le territoire libanais. Selon elle, Téhéran, visé par des sanctions sévères, ne serait pas prêt à fournir de nouveaux armements au parti chiite. Elle n’exclut toutefois pas une possible riposte en Irak, afin d’y pousser au retrait des armées alliées à Washington, à titre d’exemple. « Personne n’a intérêt à voir la situation au Liban se dégrader, du moins pour le moment », souligne-t-elle, en estimant que la décision de Donald Trump s’explique également par des motifs électoraux liés tant au scrutin israélien – la décision d’hier constituerait un autre cadeau à Benjamin Netanyahu après la reconnaissance US de la souveraineté israélienne sur le Golan occupé et la décision de transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem – qu’à la présidentielle américaine de 2020...
Pour mémoire
Les ultraconservateurs iraniens « au service » de Trump contre les Européens
Iran-Occident : comment mettre fin à 40 ans d’hostilité ?
Commerce, Iran, Syrie, énergie : l'UE et les Etats-Unis étalent leurs divisions
Washington presse les Européens de rompre avec l'Iran
C'est une honte si vraiment les sunnites et les chrétiens aident le Hezbollah , honte , honte
09 h 14, le 12 avril 2019