Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

Les pasdaran terroristes ? Une décision avant tout symbolique

L’initiative de l’administration Trump d’ajouter l’armée idéologique du régime iranien sur sa liste noire pourrait paradoxalement renforcer l’image des gardiens de la révolution en Iran.

Des députés iraniens portant l’uniforme du corps des gardiens de la révolution islamique (CGR) lors d’une session parlementaire à l’Assemblée consultative islamique à Téhéran le 9 avril 2019. AFP/HO/Iranian Parliament

« Je suis aussi un gardien de la révolution (GRI) », titrait hier le quotidien réformateur iranien Etemad, au lendemain de la décision de l’administration Trump d’ajouter l’armée idéologique du régime iranien à la liste des organisations que les États-Unis considèrent comme « terroristes ». Une déclaration pouvant paraître étonnante compte tenu des critiques que n’hésitent d’habitude pas à exprimer les réformateurs vis-à-vis du poids démesuré des pasdaran, non seulement au sein du territoire iranien mais aussi au niveau régional.

Comptant quelque 125 000 membres (dont 18 000 dans la marine et 30 000 dans l’aviation), soit plus du tiers des effectifs de l’armée nationale selon le rapport « Military Balance 2019 » de l’International Institute for Strategic Studies (IISS), les gardiens de la révolution exercent en effet, au-delà du domaine militaire, une influence considérable dans de nombreux domaines, notamment sur la politique et l’économie du pays. L’étendue de cette influence est néanmoins très difficile à évaluer. « Il y a beaucoup de fantasmes sur le poids réel des pasdaran au sein de l’économie iranienne. Ils sont exonérés de toute une série de taxes et reçoivent beaucoup de fonds publics, disposent d’un réseau au sein des ministères et de relations opaques qui leur permettent d’obtenir les grands contrats dans le pays. Ce poids économique est en pleine croissance, notamment grâce à leur présence en Syrie », explique Jonathan Piron, politologue spécialiste de l’Iran, contacté par L’Orient-Le Jour. Ils exercent par ailleurs leur tutelle sur les bassidjis, des volontaires islamiques de tous âges, fonctionnant sur un modèle paramilitaire et constituant un vivier de recrutement. Les GRI essuient néanmoins de nombreuses critiques de la part de la population iranienne. Celle-ci voit en eux le symbole des grands bénéficiaires de l’économie de rente traditionnelle du pays et de la corruption qui y est endémique. Des critiques accentuées en raison de l’aggravation de la situation économique en Iran, écrasé sous le poids des sanctions américaines depuis maintenant près d’un an. Les pasdaran savent néanmoins utiliser les moyens de communication qui sont à leur disposition et sont très présents dans l’espace public iranien, notamment à travers le contrôle de plusieurs médias. Et malgré les critiques dont ils font l’objet, les GRI continuent paradoxalement à être perçus par un grand nombres d’Iraniens comme le seul et unique bouclier pouvant protéger la République islamique contre toute agression extérieure. Un élan de solidarité envers le bras armé du régime a même gagné hier l’Assemblée iranienne, le Majlis, où plusieurs dizaines de députés ont revêtu l’uniforme verdâtre des pasdaran, y compris des élus réformistes. La décision de Donald Trump peut-elle, dans ce contexte, affaiblir ce poids et cette image de « défenseur » dont est affublée l’armée idéologique du régime? Économiquement, il semble que rien ne change directement pour elle, malgré l’intensité du symbole que représente la décision américaine. « Les GRI sont déjà sous sanctions depuis 2007, non seulement américaines mais aussi européennes. La décision qui a été prise lundi est avant tout symbolique avec une intensité très forte. Car en matière de punition sur le plan économique, tout est déjà en place », décrypte pour L’OLJ François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran de 2001 à 2005.

Cela ne devrait par ailleurs pas poser trop de problèmes aux « pasdaran qui sont passés maîtres dans l’art du blanchiment et du contournement de différentes sanctions. Il y aura certainement des conséquences à un moment ou à un autre, mais elles ne seront pas pires que celles qui existent déjà », complète Jonathan Piron, ajoutant que « les pasdaran contrôlent les différents points de sortie du territoire, les ports et les aéroports et tous les points stratégiques du pays, ce qui pose la question d’éventuels moyens de contrebande sous leur contrôle ».

Ce qui change en revanche, c’est que l’extraterritorialité des sanctions américaines va toucher beaucoup plus de personnes qu’avant puisque l’intégralité du corps des gardiens de la révolution est touchée. Le risque de sanctions américaines pour des entreprises étrangères ayant des liens avec les pasdaran est donc très nettement accentué.

Mais au-delà de ces points-là, la décision de Donald Trump pourrait renforcer indirectement le bras armé du régime et son image auprès de la population iranienne. « La décision de l’administration américaine va renforcer les pasdaran parce qu’ils vont être de plus en plus perçus comme étant totalement incontournables dans la défense du pays. Cela va également atténuer la portée et l’intensité des discours des groupes d’opposition à leur encontre en ce qui concerne leur influence », explique M. Piron. Ceux qui prononcent de tels discours pourraient à l’avenir être vus comme des ennemis du régime. Mais l’autre interrogation, présente sur beaucoup de lèvres, concerne une éventuelle escalade qui résulterait de la décision de la Maison-Blanche.

Risques de représailles ?

Certains, et en particulier les Américains eux-mêmes, s’interrogent en effet sur des risques éventuels de représailles iraniennes contre les intérêts de Washington dans la région, notamment en Irak et en Syrie, des zones où les pasdaran sont présents en grand nombre, très influents militairement et politiquement, et où les Américains ont déployé des troupes. « Les plus gros problèmes que les gardiens posent aux États-Unis sont l’utilisation d’engins explosifs improvisés contre les soldats américains, ainsi que leurs méthodes de financement de leurs activités (notamment le blanchiment d’argent et la prise d’otages). Si notre gouvernement (celui des États-Unis) voulait vraiment punir les mauvais comportements, c’est ce qu’il devrait cibler. Ces activités sont qualifiées de terrorisme », écrivait hier Jason Rezaian, auteur pour Global Opinions et anciennement détenu par les autorités iraniennes, cité par le Washington Post. Les Iraniens peuvent enfin utiliser des moyens de pression, notamment en ce qui concerne les troupes américaines en Irak, et utiliser leur influence pour pousser les législateurs irakiens à prendre des mesures visant à limiter les mouvements et les actions des 5 000 soldats américains présents sur place. Mais pour François Nicoullaud, « les Iraniens ont davantage intérêt à isoler les Américains sur la scène internationale, à faire passer Washington pour le méchant de l’histoire, tandis que Téhéran veut apparaître comme le gentil, celui qui respecte l’accord sur le nucléaire etc. ».


Lire aussi

Les pasdaran sur la liste des organisations terroristes : quel impact sur le Liban ?

Pour mémoire

Les ultraconservateurs iraniens « au service » de Trump contre les Européens

Iran-Occident : comment mettre fin à 40 ans d’hostilité ?

Commerce, Iran, Syrie, énergie : l'UE et les Etats-Unis étalent leurs divisions

Washington presse les Européens de rompre avec l'Iran


« Je suis aussi un gardien de la révolution (GRI) », titrait hier le quotidien réformateur iranien Etemad, au lendemain de la décision de l’administration Trump d’ajouter l’armée idéologique du régime iranien à la liste des organisations que les États-Unis considèrent comme « terroristes ». Une déclaration pouvant paraître étonnante compte tenu des...

commentaires (1)

CETTE POLITIQUE DES SANCTIONS BIEN QU,ELLE FAIT TROP MAL NE MENERA A RIEN. OU ON FRAPPE OU ON NE FRAPPE PAS !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 07, le 10 avril 2019

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • CETTE POLITIQUE DES SANCTIONS BIEN QU,ELLE FAIT TROP MAL NE MENERA A RIEN. OU ON FRAPPE OU ON NE FRAPPE PAS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 07, le 10 avril 2019

Retour en haut