Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue libanais, Michel Aoun, qui se sont entretenus mardi au Kremlin, dans le cadre de la visite officielle de M. Aoun en Russie, sont convenus d'appeler à un soutien international à l'initiative de Moscou pour le retour des populations syriennes réfugiées dans les pays voisins de la Syrie, tout en liant ce retour à la création de "conditions favorables" en Syrie, notamment sur les plans économique et social.
Dans un communiqué conjoint publié quelques heures après leur entretien, les deux chefs d’État ont souligné que "le terrorisme, sous toutes ses formes, constitue une grande menace pour la paix et la sécurité internationales, pour la stabilité et le développement durable dans la région et le monde". Ils ont affirmé qu'ils entendent "coopérer pour lutter contre ce mal international". Ils ont refusé "toute violation des principes de souveraineté et d'égalité entre les pays et l'utilisation d'organisations terroristes et extrémistes comme instruments permettant d'accomplir certains objectifs politiques et géopolitiques".
En ce qui concerne la Syrie, où les forces russes sont alliées au régime de Bachar el-Assad, Michel Aoun et Vladimir Poutine ont tous deux affirmé "respecter l'indépendance, l'unité et la souveraineté" syriennes et estimé qu'il n'existe "aucune alternative à une résolution pacifique du dossier syrien". Les deux parties "sont en faveur d'une résolution par les instances politiques et diplomatiques de ce conflit", poursuit le texte du communiqué.
Les deux présidents ont en outre souligné "soutenir les efforts déployés pour mettre en œuvre l'initiative russe pour le retour des déplacés syriens, à l'intérieur et l'extérieur du pays, et assuré que la résolution de ce problème dépend de la création de conditions favorables, notamment sur les plans économique et social, ce qui implique la reconstruction du pays après le conflit". Ils ont dès lors invité la communauté internationale, l'ONU et toutes les organisations humanitaires à "fournir tout le soutien possible pour mettre en œuvre cette procédure".
"Partenaire traditionnel de longue date"
A l'issue de leur réunion, M. Poutine, cité par la présidence libanaise, a affirmé que "le Liban est un partenaire traditionnel et de longue date au Moyen-Orient". Le président Aoun a pour sa part remercié Vladimir Poutine pour "ses positions qui défendent les minorités chrétiennes d'Orient" et a dit "espérer la poursuite de l'aide" russe à ce niveau. Le chef de l’État libanais a ensuite abordé la question du Golan avec son homologue russe : La reconnaissance par les États-Unis de l'annexion du Golan par Israël "contrevient aux lois internationales et nous regrettons une telle décision" de la part du président Trump, a fait savoir le président Aoun.
M. Aoun et la délégation libanaise qui l'accompagnait ont été conviés à un déjeuner de travail avec le chef de l’État russe. Ce dernier a promis de répondre favorablement à l'invitation du président libanais à visiter le Liban.
Plus tôt en journée, Michel Aoun avait également évoqué la question du Golan à l'issue d'un entretien avec le président de la Douma, Viatcheslav Volodyne. "La décision du président américain d'accorder à Israël le droit d'annexer le Golan représente un jour noir auquel assiste le monde et constitue un acte arbitraire en contradiction avec la légalité internationale qui réglemente les questions de frontières entre Etats", a déclaré le président Aoun.
La Syrie, son allié russe ainsi que plusieurs États arabes ont rejeté lundi la décision des États-Unis de reconnaître la "souveraineté" d'Israël sur la partie occupée du Golan syrien, Damas qualifiant les États-Unis de "premier ennemi des Arabes". Israël a conquis une grande partie du Golan syrien (1.200 km2) lors de la guerre israélo-arabe de 1967, avant de l'annexer en 1981. Cette annexion n'a jamais été reconnue par la communauté internationale.
(Lire aussi : Bassil à Russia Today : Il y a un désaccord entre nous et Washington au sujet du Hezbollah)
"Une nouvelle étape"
Le président Aoun a par ailleurs indiqué, à l'issue de l'entretien avec le président de la Douma, que sa visite en Russie constituait "une nouvelle étape dans les relations libano-russes, qui renforce la coopération et l'amitié entre les deux pays".
Évoquant la présence des réfugiés syriens au Liban, il a estimé qu'il est "dans l'intérêt de l'Europe de régler le problème des déplacés, car la situation économique difficile au Liban va pousser ces déplacés à trouver des pays d'accueil alternatifs, et leur première destination sera l'Europe".
Le dossier des réfugiés syriens est au centre des discussions entre les deux pays, le Liban accueillant plus d'un million de déplacés depuis le début du conflit en Syrie en 2011. La Russie avait annoncé en juillet dernier, à l'issue du sommet de Helsinki qui avait réuni Vladimir Poutine et son homologue américain Donald Trump, une initiative pour un retour massif des réfugiés syriens de Liban et de Jordanie. Mais celle-ci est restée lettre morte en raison notamment de l'absence de financement.
Pour sa part, le président de la Douma, cité par la présidence libanaise, a exprimé sa volonté de coopérer avec les parlementaires libanais et leur a adressé une invitation par le biais du président Aoun pour participer à la conférence internationale sur le développement qui se tiendra à Moscou en septembre.
(Commentaire : Le Liban, nouveau banc d’essai des ambitions régionales russes)
Michel Aoun s'est également entretenu avec le président de la compagnie pétrolière semi-publique russe Rosneft, Igor Sechin et a évoqué avec lui la réhabilitation en cours, menée par son entreprise, de l'infrastructure pétrolière à Tripoli, au Liban-Nord.
En janvier, le ministère libanais de l'Énergie avait signé un contrat de vingt ans avec Rosneft pour la réhabilitation, l’expansion et l’exploitation des réservoirs de carburants à Tripoli.
Avant son entretien avec M. Volodyne, le président Aoun a déposé une gerbe sur la tombe du soldat inconnu à Moscou. Le chef de l'Etat est notamment accompagné durant son séjour du ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil.
AFP / POOL / MAXIM SHEMETOV
Lundi, le président Aoun avait rencontré une délégation d'hommes d'affaires russes et affirmé durant ses entretiens que le Liban avait "un rôle clé" dans la reconstruction de la Syrie. Les hommes d'affaires russes ont fait savoir qu'ils étaient "prêts à contribuer au plan de développement économique du Liban, en participant à plusieurs projets économiques mis en place par le gouvernement libanais, notamment dans les domaines de l'énergie, du pétrole, du gaz, de l'eau, de la reconstruction et des infrastructures".
M. Aoun avait conclu sa journée par une rencontre avec des Libanais installés en Russie. Il a promis d'œuvrer au "renforcement des liens entre la diaspora libanaise et le Liban".
Le voyage officiel du président libanais en Russie intervient quelques jours après la visite au Liban du secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, qui a depuis Beyrouth tenu des propos incendiaires contre le Hezbollah.
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commentaires (16)
Aoun et Poutine lient le retour des réfugiés à des "conditions favorables" en Syrie. L'ensemble de la communauté internationale n'a jamais dit autre chose. Alors, pourquoi les différents coups de gueule de notre (trop) bouillant ministre des AE?
Yves Prevost
07 h 50, le 27 mars 2019