Le directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani, a fermement défendu mercredi son action à la tête de cette administration, qu'il dirige depuis 2000, quelques jours après avoir été mis en cause par l'ancien Premier ministre et ministre des Finances, Fouad Siniora, qui répondait aux accusations du Hezbollah sur sa gestion des fonds publics sur la période allant de 1993 à 2017.
"Ces derniers jours, nous avons assisté à une entreprise de brouillage et de falsification de la vérité sur notre travail. Dans le même temps, certains ont tenté de faire porter la responsabilité à la direction générale des Finances", a déclaré M. Bifani lors d'une conférence de presse organisée dans les locaux du Club de la presse. M. Bifani n'a pas directement nommé M. Siniora, membre du courant du Futur, qui fut Premier ministre (2005-2009) et ministre des Finances (2002-2004).
"Quelqu'un m'a personnellement mis en cause en se demandant s'il y avait un directeur général des Finances. N'est-il pas étrange que ceux qui ont tenté de supprimer la fonction du directeur général, en le court-circuitant avec des conseillers personnels, nous fassent porter toutes les responsabilités ?", s'est-il interrogé. "En tant que supérieur hiérarchique, m'avez-vous demandé de reconstituer les comptes ou m'avez-vous ordonné de m'éloigner de ce dossier afin que vos proches s'en occupent ?", a-t-il ajouté, dénonçant le fait que les responsables politiques s'en prennent à des membres de l'administration "qui n'ont pas le droit de parler ou de répondre".
La semaine dernière, le député du bloc du Hezbollah Hassan Fadlallah avait initié une procédure judiciaire en remettant au procureur général financier, Ali Ibrahim, une série de documents liés au dossier des comptes publics entachés d’irrégularités afin qu’il ouvre une enquête sur des milliards de livres libanaises qui auraient disparu, selon lui, notamment durant la période 1993-2012. Bien qu’il n’ait pas été explicitement désigné par M. Fadlallah, Fouad Siniora a tenu une conférence de presse vendredi dernier afin d’exprimer son point de vue sur la gestion des fonds publics sur la période allant de 1993 à 2017, rappelant notamment que M. Bifani était en poste durant cette période.
L'"exploit" de la reconstitution des comptes
"Depuis que j'ai pris mes fonctions en 2000, j'ai été la cible de pressions politiques pour nous empêcher de reconstituer les comptes", a-t-il déclaré, critiquant "ceux qui détestent l'Etat et l'ont sciemment marginalisé. "Aujourd'hui, la reconstitution de ces comptes, annoncée hier par le ministre des Finances, constitue un exploit du ministère des Finances et son administration", a déclaré le directeur général des Finances.
Mardi, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil (mouvement Amal), avait annoncé avoir transmis les comptes publics reconstitués des années 1993 à 2017 à la Cour des comptes, indiquant que ces comptes comportaient d’importants blancs (dépenses sans traçabilité) sur différentes périodes et années que le ministère a tenté de clarifier, mais a refusé d’en dire plus "pour laisser la Cour des comptes jouer son rôle".
"Après la reconstitution des comptes, nous avons désormais la possibilité de nous baser sur des comptes justes et détaillés. Nous avons mis un terme à l'impossibilité de tracer les dépenses irresponsables de l'argent public", a déclaré M. Bifani. Selon lui, "des subventions ont été dépensées sans contrôle, des ordres de présidents ont été donnés en infraction avec la loi, des chèques n'ont pas été encaissés". "Nous avons repéré des transferts financiers qui ont été manipulés, nous avons accompli notre devoir dans ce cadre et nous appelons à une reddition de comptes", a lancé M. Bifani.
Le directeur général du ministère a refusé de porter des accusations. "Je ne suis pas juge et, de ce fait, je ne jetterai pas d'accusation contre qui que ce soit. Ce travail revient aux instances de contrôle et de surveillance, de la justice et du Parlement", a affirmé M. Bifani.
"Il n'est plus permis que l'administration soit la cible de toutes les accusations car, sans administration, il n'y a pas d'Etat", a-t-il également déclaré, appelant les "présidents Aoun, Hariri et Berry à ouvrir tous les dossiers dans la transparence et en toute objectivité".
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Ainsi M. Siniora avait tenté de faire porter le chapeau à M. Bifani vendredi et l'OLJ ne l'a pas mentionné et se contente aujourd'hui d'écrire que M. Siniora a "rappelé" que M. Bifani était en poste à l'époque. Il est temps que ça change: les preuves s'accumulent, les "blancs" doivent être justifiés, d'autant plus que M. Siniora est économiste de formation et sait comment ça marche. Ce serait scandaleux que les fonctionnaires trinquent à la place des politiques.
Marionet
22 h 53, le 06 mars 2019