L’image de Bachar el-Assad dans les bras de Ali Khamenei, hier, en dit long de la volonté de l’Iran de montrer au monde que Damas restera dans le giron de la République islamique. Téhéran, rappelle-t-on, subit la pression à la fois de ses alliés et de ses ennemis pour réduire sa présence et son influence en Syrie.
Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se rendra demain à Moscou pour une rencontre avec le président Vladimir Poutine pour parler de la Syrie, Bachar el-Assad s’est rendu donc à Téhéran, où il a rencontré le guide suprême Ali Khamenei ainsi que son homologue Hassan Rohani. La rencontre a eu lieu hier matin, mais n’a été rendue publique que dans la soirée.
« La République islamique d’Iran considère qu’aider le gouvernement et la nation de Syrie revient à aider le mouvement de la résistance [contre l’impérialisme] et elle est fière de cette aide », a déclaré l’ayatollah Ali Khamenei à M. Assad, selon le site officiel du numéro un iranien. « La fermeté dont vous avez fait preuve a fait de vous un héros dans le monde arabe et, à travers vous, la résistance est plus forte et plus respectée », a ajouté le guide à son visiteur. De son côté, M. Rohani a déclaré à son homologue syrien que « la République islamique d’Iran, comme par le passé, se tiendra au côté du peuple et du gouvernement de Syrie », selon le site de la présidence iranienne.
Lors de leur rencontre, M. Assad et le guide suprême ont « passé en revue les relations fraternelles et solides qui lient les deux peuples, et qui ont été le facteur principal dans le maintien de la Syrie et de l’Iran face aux complots des pays ennemis qui cherchent à affaiblir les deux pays et à ébranler leur stabilité et propager le chaos dans toute la région », a indiqué la présidence syrienne. M. Assad a également « remercié la direction et le peuple de la République islamique d’Iran pour tout ce qu’ils ont apporté à la Syrie durant la guerre ».
La dernière visite officielle de M. Assad à Téhéran remonte à octobre 2010. Il s’agit donc de la première fois depuis le début du conflit en Syrie en 2011 que le président syrien se rend en Iran, allié de poids de Damas dans cette guerre.
Face aux rebelles comme à Alep et à Deraa, ou face aux jihadistes de l’État islamique comme à Deir ez-Zor, l’Iran et ses milices chiites (libanaises, irakiennes, pakistanaises et afghanes) ont été sur tous les fronts.
Parallèlement aux combats contre les insurgés, l’Iran tissait patiemment son réseau à travers le territoire syrien en établissant des bases d’entraînement et de renseignement. Le but principal de la République islamique étant la concrétisation sur le terrain d’un axe iranien allant de Téhéran à Beyrouth, en passant par Bagdad et Damas, pour s’implanter près de la frontière israélienne et surtout pour protéger le transfert d’armes au Hezbollah. Ce dernier est lui aussi sous pression. Hier le gouvernement britannique a annoncé que le mouvement chiite allait être totalement interdit au Royaume-Uni, tout en le qualifiant d’« organisation terroriste ».
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Israël
L’accroissement des activités iraniennes en Syrie ont provoqué l’ire des Israéliens qui ont dû sévir à plusieurs reprises depuis 2018 en frappant des cibles iraniennes à travers le pays. L’État hébreu a averti qu’il n’accepterait pas une présence militaire iranienne sur le sol syrien. Or ce conflit de plus en plus ouvert entre l’Iran et Israël risque de déstabiliser le pouvoir de Bachar el-Assad, alors que la Russie cherche à renforcer et pérenniser le régime syrien. L’agenda iranien en Syrie pourrait contrecarrer les plans russes pour leur protégé. La présence iranienne sur le territoire syrien semble être un fardeau de plus en plus lourd à porter pour la Russie. Malgré la position officielle de Moscou – le président russe Vladimir Poutine a affirmé récemment qu’il n’appartenait pas à la Russie de persuader l’Iran de retirer ses forces de Syrie – une guerre d’influence entre les deux alliés du régime de Bachar el-Assad couve sous les cendres.
Sur le terrain, des dissensions commencent à se faire sentir. Dernièrement des affrontements entre des milices prorégime, les unes soutenues par l’Iran et les autres par les Russes, ont éclaté en Syrie, entraînant de plus en plus des interrogations sur la présence iranienne en Syrie.
Pressions arabes
Outre la position embarrassante de la Russie et les menaces israéliennes, le président syrien doit également répondre aux demandes des pays arabes, notamment du Golfe pour lâcher son allié iranien. Les développements récents montrent que les pays du Golfe tentent maintenant de se rapprocher du régime syrien afin de s’impliquer en Syrie pour contrebalancer le pouvoir croissant exercé par l’Iran dans ce pays.
« Je crois que Bachar el-Assad a intérêt à ne pas laisser les Iraniens faire ce qu’ils veulent » en Syrie, a ainsi affirmé le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane au Time lors de sa dernière visite aux États-Unis. Il a ainsi implicitement reconnu que le président syrien restera probablement au pouvoir. La main tendue du dirigeant saoudien est donc assortie d’une condition : ne pas devenir « une marionnette aux mains de Téhéran ». De leur côté, les Émirats arabes unis ont rouvert leur ambassade à Damas, afin d’être plus influents dans ce pays.
Téhéran subit en outre les intimidations du président américain Donald Trump qui critique les tentatives de déstabilisation iranienne en Syrie et dans d’autres pays de la région. Raisons pour lesquelles il s’est retiré l’année dernière de l’accord nucléaire de 2015, tout en imposant de nouvelles sanctions au régime des mollahs.
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En Syrie pour y rester
Avec la visite du président syrien à Téhéran hier, il est donc clair que l’Iran entend poursuivre sa politique en Syrie. Le message est on ne peut plus clair : Bachar el-Assad n’est pas uniquement l’homme des Russes, il est aussi celui des Iraniens. Et malgré les pressions tous azimuts auxquelles ils font face, les Iraniens semblent dire qu’ils sont en Syrie pour y rester.
D’ailleurs, Téhéran tente depuis plusieurs mois de sécuriser sa présence en territoire syrien, signant avec Damas un accord de coopération militaire. L’accord traite de la poursuite de la « présence et de l’implication » de l’Iran en Syrie, selon le ministre iranien de la Défense, Amir Hatami, lors d’une visite dans la capitale syrienne. La signature de cet accord, qui concerne à la fois la présence iranienne en Syrie ainsi que l’exécution de projets en prévision de la reconstruction, constitue aussi un pied de nez adressé non seulement aux pays considérés comme ennemis (Israël, les Arabes et les Occidentaux), mais aussi à l’allié russe.
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commentaires (7)
Le rêve de l'Iran c'est le Liban, que Dieu nous préserve de ce cauchemar
Eleni Caridopoulou
18 h 17, le 22 mars 2019