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À La Une - algérie

Les "urnes trancheront", répond le gouvernement aux manifestants contre un 5e mandat de Bouteflika

Le Premier ministre Ahmed Ouyahia lance une mise en garde aux Algériens "contre les risques de dérapages sérieux" liés au mouvement de contestation.

"Non à un 5e mandat... non au régime militaire... oui au changement pacifique", peut-on lire sur cette pancarte brandie par un manifestant contre un nouveau mandat du président algérien Abdelaziz Bouteflika, le 24 février 2019, à Paris. AFP / STEPHANE DE SAKUTIN

Le gouvernement algérien a implicitement écarté lundi l'hypothèse d'un renoncement d'Abdelaziz Bouteflika en affirmant que les "urnes trancheront", dans une première réaction officielle aux manifestations populaires contre un cinquième mandat du président sortant.

Au pouvoir depuis 1999, le président Bouteflika a mis fin récemment à de longs mois d'interrogations sur ses intentions en annonçant qu'il briguerait un nouveau mandat lors de la présidentielle du 18 avril. Affaibli par un AVC dont il a été victime en 2013, le chef de l'Etat, cloué sur un fauteuil roulant, n'apparaît que rarement en public.

Des appels à protester ont rapidement éclos sur les réseaux sociaux, auxquels les Algériens ont répondu en descendant en masse dans les rues vendredi, notamment à Alger, où les manifestations sont de longue date strictement interdites.

"Il y a eu un nombre important de manifestants", a admis lundi le Premier ministre Ahmed Ouyahia, considéré comme un fidèle de M. Bouteflika dont il dirige le gouvernement pour la 3e fois. Mais "les élections auront lieu dans moins de deux mois et chacun choisira librement", a-t-il répondu aux protestataires, écartant tout inflexion du processus électoral. "Chacun a le droit de défendre son candidat et d'être contre tout autre candidat, les urnes trancheront de manière pacifique et civilisée", a-t-il affirmé lors de la présentation de son discours annuel de politique générale devant les députés.

Le délai de dépôt des dossiers de candidature à la présidentielle expire dans moins d'une semaine, le 3 mars à minuit (23h00 GMT).



(Lire aussi : La mobilisation contre Bouteflika change la donne à 2 mois de la présidentielle algérienne)



"Risques de dérapages"
Répondant à "l'appel au changement" lancé par les manifestants, le chef du gouvernement a renvoyé ces derniers à la conférence "ouverte à tous" qu'a promis d'organiser M. Bouteflika s'il était élu et où il sera débattu "de tout".

Il a par ailleurs lancé une mise en garde aux Algériens "contre les risques de dérapages sérieux" liés au mouvement de contestation. "Dieu merci, les manifestations étaient pacifiques, mais j'en appelle à la vigilance de tous" car "ces appels à manifester sont d'origine inconnue", a déclaré le Premier ministre.

"L'Algérie a vécu suffisamment de souffrances et connu suffisamment de réformes pour avoir obtenu la possibilité de choisir dans le calme et la paix", a poursuivi Ahmed Ouyahia, en référence à la guerre civile entre pouvoir algérien et groupes armés islamistes qui a ensanglanté le pays entre 1992 et 2002.

Ces derniers jours, face à la contestation, plusieurs membres du camp présidentiel ont agité plus ou moins explicitement le spectre de cette "décennie noire", à laquelle M. Bouteflika est largement crédité d'avoir mis fin en arrivant au pouvoir. La guerre civile a éclaté après l'annulation par l'armée algérienne des premières élections multipartites du pays, face à la victoire écrasante annoncée des islamistes. Ce scrutin était issu du mouvement de contestation d'octobre 1988 qui avait ébranlé le régime du Front de libération nationale (FLN), alors parti unique et toujours au pouvoir.






Vent de révolte
"Les marches du 22 février (2019) étaient très importantes mais le pouvoir en face ne peut pas écouter. Il est sourd", estime Rachid Grim, enseignant en science politique à l'Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP) d'Alger, après le discours de M. Ouyahia. "Le risque est qu'il peut aller jusqu'à la répression", dit-il à l'AFP.

Face à cette situation inédite depuis près de deux décennies, les capitales européennes n'ont pour l'heure pas réagi.

"Nous espérons que cette élection va permettre aux citoyens de s'exprimer librement, calmement et dans le respect du cadre démocratique et de l'Etat de droit", a commenté lundi Maja Kocijancic, porte-parole de la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini.


Les manifestations de vendredi ont surpris par leur ampleur et marqué les esprits en Algérie. Dimanche, plusieurs centaines de personnes se sont à nouveau réunies dans le centre de la capitale, malgré un important dispositif policier. Le vent de révolte semble progressivement gagner les corporations. Lundi, une centaine d'avocats se sont rassemblés devant un tribunal du centre d'Alger, brandissant des affiches disant notamment "Les avocats avec les citoyens" et scandant des slogans contre un 5e mandat. Les étudiants sont appelés, sur les réseaux sociaux, à se rassembler mardi et des enseignants et universitaires ont invité leurs collègues à les rejoindre.

Une trentaine d'intellectuels -universitaires et journalistes- ont exprimé, dans une tribune publiée lundi, "leur solidarité et leur totale adhésion au processus de changement que la société algérienne demande". Des journalistes de la radio nationale ont eux dénoncé dimanche le silence imposé à l'antenne par leur hiérarchie sur les manifestations.  Meriem Abdou, rédactrice en chef de l'antenne francophone de la radio publique qui avait démissionné de ses fonctions pour protester contre cette absence de couverture, a annoncé que l'émission qu'elle animait avait été supprimée par la radio.



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