Rechercher
Rechercher

Culture - Théâtre

Amour, secrets et faux-semblants

La pièce de Carlos Chahine, « Illusions », adaptée de l’auteur russe Ivan Viripaev, occupe les planches du Monnot jusqu’à dimanche.

Joseph Zeitoun et Wissam Farès. Photo Basma Baydoun

Une jeune femme entre en scène. Dans un décor dépouillé à l’extrême, elle s’adresse au public du théâtre Monnot. « Je voudrais vous raconter une histoire, dit-elle, celle d’un couple qui a vécu 52 ans ensemble, l’histoire de Sandra et de Dany. Sentant sa fin approcher, l’homme décide de tout avouer à sa femme : son amour immense, inconditionnel et sans bornes. Elle l’écoute durant des heures, jusqu’à ce qu’il rende l’âme. Auparavant, il lui aurait avoué ne croire qu’en l’amour réciproque. » L’actrice enchaîne : « Plus tard, voyant également la fin de ses jours approcher, Sandra ressent à son tour le besoin de se confier à quelqu’un. Le meilleur ami du couple apparaît comme le candidat idéal. Albert va, à son tour, écouter Sandra lui faire une étrange confession... » Se succédant sur les planches, trois autres protagonistes, sans identité définie, racontent chacun sa propre version de l’histoire de ces deux couples octogénaires. Qui dit la vérité ? Qui ment ? Qui croit posséder le vrai secret de l’amour ? La vérité est-elle absolue ? « Un mensonge qui fait l’affaire vaut mieux qu’une vérité qui l’embrouille », dit un vieux proverbe persan. Et si, par ailleurs, tout n’était qu’un jeu et qu’on se faisait des illusions sur l’acte d’aimer. Et si le théâtre faisait partie de ce jeu d’illusions ? De ce miroir aux alouettes ?


(Lire aussi : Carlos Chahine, textuellement vôtre)



De l’acte d’aimer

C’est donc sur fond de chassé-croisé, d’aveux et de contre-aveux que se déroulera la pièce écrite par l’auteur russe Ivan Viripaev, adaptée et mise en scène par Carlos Chahine. Un texte extrêmement subtil et intelligent car il ouvre bien des portes dans le plus profond de l’intime et porte des questionnements universels. En effet, qui d’entre nous ne s’est pas posé des questions sur l’amour et qui d’entre nous n’a pas de secrets ?

Le metteur en scène libanais avoue avoir sciemment choisi d’adapter la pièce en arabe parce que le texte le ramène à sa propre « maison », à son soi. Un parti pris qui se traduit par des projections, en fond de scène, de home movies qui retournent dans le passé et évoquent sa propre famille, ajoutant ainsi à la confusion voulue par le texte de Viripaev. Une confusion accentuée par les récits de ces jeux de l’amour, ce sentiment ambigu aux formes mouvantes, lequel tel le mercure peut glisser entre les doigts. La vie n’est-elle pas un grand théâtre, semble dire Carlos Chahine, nous rappelant le grand Corneille qui disait dans l’Illusion comique : « Toutefois, si votre âme était assez hardie, sous une illusion vous pourriez voir sa vie… »

Il est évident que le texte d’Illusions mêle à la fois simplicité et ambiguïté et suppose plusieurs strates de lecture. Serena Chami, Carol el-Hajj, Joseph Zaitouny et Wissam Farès n’ont pas réussi, toutefois, et à différents moments cruciaux de la narration de la pièce, à téléporter le public vers une troisième dimension, invisible aux yeux mais pas aux cœurs.

Pourtant, les détails pensés par le metteur en scène plantent un décor dans notre imaginaire. De plus, les vidéos assurent une intemporalité et une non spatialité à l’amour. En dépit de cela, le quatuor de comédiens n’a pas réussi à traverser les couloirs du temps. Ils sont souvent demeurés à la porte de l’impénétrable et par conséquent de simples conteurs qui ont fait part d’une histoire sans pour autant nous la faire vivre intensément … Dommage, après tout, Illusions pourrait bien être l’histoire de tout un chacun.

Théâtre Monnot

« Illusions », adaptée et mise en scène par Carlos Chahine, du jeudi 24 au dimanche 27 janvier, à 20h30.

Une jeune femme entre en scène. Dans un décor dépouillé à l’extrême, elle s’adresse au public du théâtre Monnot. « Je voudrais vous raconter une histoire, dit-elle, celle d’un couple qui a vécu 52 ans ensemble, l’histoire de Sandra et de Dany. Sentant sa fin approcher, l’homme décide de tout avouer à sa femme : son amour immense, inconditionnel et sans bornes. Elle...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut