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Culture - L’artiste de la semaine

Carlos Chahine, textuellement vôtre

« Textus », signifiant littéralement en latin tissu, le mot « texte » comporte tout comme ce tissu une trame. L’acteur et metteur en scène récipiendaire du Grand Prix de la première édition du Festival national de théâtre libanais voit dans le texte littéraire une manière de se dévoiler et de révéler ce que cachent les mots.

Carlos Chahine, la mélancolie latente. Photo DR

Carlos Chahine présente au Monnot sa pièce Illusions adaptée du texte d’Ivan Viripaev, une sorte de condensé de son parcours théâtral. L’artiste, qui était prédestiné à être chirurgien dentiste – il dit aujourd’hui avoir rangé son diplôme au placard –, tombe amoureux de la scène un soir où il était à Paris, veillant sa mère malade. Ce qui était un exutoire de ses fantômes d’enfance (qu’il tait par discrétion) devient alors sa passion première. Il abandonne d’abord les études, ne sait quoi faire, mais après une tourmente… et le diplôme en main, il reprend le chemin des planches. C’est sa rencontre avec Vera Gregh, une grande dame du théâtre qui lui montre la voie après sa performance d’une petite pièce de Pirandello, La fleur à la bouche. C’est aussi avec elle qu’il poursuivra deux années d’études avant de s’inscrire au Théâtre national de Strasbourg. « Je restais ainsi en France et tournais une page de ma vie. » Pourtant, malgré les rôles qu’il enchaîne dans les plus grandes salles de Paris, et les diverses rencontres dans le milieu du spectacle, Carlos Chahine garde une insatisfaction permanente sans raison aucune. Comme un spleen rimbaldien. L’insatisfaction sera assouvie plus tard avec le retour au Liban « causé » par Ghassan Salhab, mais le spleen demeurera profond. « C’est une mélancolie qui remonte probablement à l’enfance et que j’ai appris à apprivoiser. »


Maktoub

Le réalisateur libanais Ghassan Salhab lui propose donc d’interpréter un rôle dans Le dernier homme, une occasion pour Chahine de revenir dans son pays natal et de « mesurer la force de l’attachement ». Il signe avec Salhab deux autres collaborations, puis se lance dans d’autres aventures cinématographiques et scéniques. « Bien que je me sois totalement abandonné avec Salhab, car j’avais une entière confiance en lui, il était temps de m’exprimer moi-même et de dire ce que j’avais dans le ventre. » Il réalise alors son premier film, La route du Nord, qui reçoit plusieurs prix à l’international, mais lorgne toujours le théâtre, cet espace qu’il connaît bien et qu’il voudrait exploiter. Il signe alors en 2014

Majzara (adapté du Dieu du carnage, de Yasmina Raza) puis, en 2015, Boustan el-karaz (La cerisaie, de Tchekov) et, en 2017, Un dîner entre amis, le tout entrecoupé de quelques rôles au cinéma et de courts-métrages dont Tchekov à Beyrouth et Le fils du joueur. Il revient en janvier 2019, avec la pièce Illusions qu’il dit proche de ses hantises et de lui-même. « C’est un spectacle plus radical et plus personnel, où j’y mets toute l’histoire familiale. »

Carlos Chahine a une prédilection pour les adaptations. Il aime ainsi à privilégier les auteurs classiques pour les présenter au public libanais. « J’aime les textes des grands auteurs. Moi-même, je ne me sens pas encore prêt de présenter ma propre écriture. Et pourtant, poursuit-il, j’écris beaucoup, des nouvelles ainsi que des scénarios. » Le metteur en scène qui a un désir de se raconter, « non que je sois une personne plus intéressante que d’autres, comprenez moi bien », mais plutôt un désir de se raconter dans le monde. Il aime à s’exprimer et ce n’est qu’à travers son métier qu’il peut le faire. « C’est un monde que je connais bien, je m’exprime à travers les mises en scène que je réalise. » Raconter comment ce petit garçon, issu d’un village à côté de Zghorta et de Mazraet Abi Saab, a grandi, quitté le pays, s’est pris d’amour pour la langue française. Comment et pourquoi est-il devenu un homme de théâtre? « Tout est maktoub », dira-t-il. Mais il aime aussi à parler des grands thèmes qui lui sont chers : l’émigration, l’appartenance à une terre, mais aussi l’appartenance à une religion (« même si je suis athée »), la question de l’exil ou de l’identité. Autant de thématiques universelles qui abordent en filigrane la fragilité de l’être, l’amour ou l’abandon. Tout ceci représente ses centres d’intérêt, ses fantômes, qui le hantent certes, mais qui habitent aussi chacun de nous.

Illusions, qui se jouera du 16 au 27 janvier, représente aussi la trame de sa vie, qu’il écrit pour la révéler aux autres.

1959

Naissance.

1963

Événement tragique familial dans sa vie.

13 avril 1975

La guerre du Liban qui le pousse à s’exiler.

1982-1983

Rencontre avec Véra Gregh qui

détermine son choix du théâtre.

1985

L’acceptation au TNS, moment

important.

2000

Rencontre avec Ghassan Salhab, un homme-clé dans sa vie et qui le ramène au pays.

2009

Opération à cœur ouvert.

Et aujourd’hui…


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